Extrait d"un tableau de Spitzweg représentant un bibliothécaire

Une certaine idée de la justice est celle du donnant-donnant. Selon cette conception, quand quelqu’un a fait une faute, cette faute doit être payée d’une manière ou d’une autre, la faute doit être expiée, vengée. Parfois, cette logique est particulièrement cruelle, une simple offense étant punie de mort. L’équité est déjà un progrès par rapport à la vengeance, c’est ce que propose le principe « œil pour œil, dent pour dent » 1, c’est-à-dire que si quelqu’un crève un œil à un autre dans un accident, on lui crève un œil en échange, c’est déjà mieux que de le tuer pour ça. Cette équité qui a été la base de la justice à une certaine époque selon la Bible serait déjà un grand progrès dans les pays où l’on coupe une main à un voleur, ou quand une personne risque la peine de mort pour des questions religieuses.

Le Christ propose un autre type de justice que l’équité, il propose la justice de l’amour, de la bienveillance et du service. À la place du principe « œil pour œil », Jésus nous propose d’aimer nos ennemis, de bénir et prier pour ceux qui nous font du mal. Et il ajoute que c’est comme ça que Dieu agit envers le coupable.2

Notre péché contre Dieu n’est donc pas à expier. Dieu n’attend pas que quelqu’un paye pour la faute, il n’est pas dans cette logique-là du donnant-donnant. Le problème de la faute c’est qu’elle provoque des souffrances (que l’on doit essayer de consoler et guérir). Il aussi faut éviter qu‘il y ait d’autres victimes. Le problème, enfin, c’est que la faute montre que son auteur a besoin de progresser. Avec le Christ, l’expiation d’une faute marche dans l’autre sens que dans l’ancien temps. Avant, il fallait que le coupable paye (ou que quelqu’un paye pour lui). Au contraire, avec le Christ, il faut que le coupable soit aidé, on paye donc pour soigner le coupable. C’est ce que fait Dieu, en tout cas, il est prêt à tout donner pour qu’un seul homme progresse et devienne quelqu’un de vraiment bien. C’est ce qu’il montre en Christ.

L’expiation n’est donc pas pour acheter l’amour et le pardon de Dieu : de toute façon il nous aime toujours. Mais l’expiation est donnée par Dieu pour que nous puissions enfin être guéri et aimer 3.

À partir de quelques rares textes du Nouveau Testament, des théologiens chrétiens ont tenté de rétablir l’ancienne expiation en disant que Dieu ne pouvait pas pardonner nos fautes sans que quelqu’un paye, et que le Christ en souffrant beaucoup sur la croix a ainsi acheté le pardon de Dieu pour l’humanité. C’est surtout un théologien du Moyen-âge qui a bien présenté cette théorie au XIe siècle (Anselme de Cantorbery). Cette théorie revient bien des siècles en arrière avant le Christ, à l’époque où l’on pensait qu’un sacrifice humain pouvait plaire aux dieux !

Au contraire, la bonne nouvelle du Christ, l’Évangile, c’est que Dieu est amour, et que son amour, comme tout amour véritable, ne s’achète pas. Pour nous, le cœur même de l’Évangile c’est que le premier à aimer (même ses ennemis) : c’est Dieu. Il n’a nul besoin et nulle joie de voir un homme souffrir et être crucifié. Heureusement. Quand le Christ meurt sur la croix, ce n’est certainement pas à Dieu qu’il apprend à aimer et à pardonner, c’est à nous qu’il tente d’apprendre à aimer. Christ nous montre combien il aime l’humanité malgré tout, et cela nous donne une idée de l’amour infini de Dieu pour nous.

1 Lévitique 24:20

2 Matthieu 5:38-44

3 2 Corinthiens 5:14-20

 

Marc Pernot

Suite :

Vous pouvez participer au débat en faisant part de vos remarques et questions.

Quelques courtes définitions de mots essentiels de la théologie

Liste des articles du Dictionnaire de Théologie développant quelques notions
Quelques questions de théologie posées par des visiteurs et une réponse proposée
Partagez cet article sur :
  • Icone de facebook
  • Icone de twitter
  • Icone d'email

Articles récents de la même catégorie

Articles récents avec des étiquettes similaires

11 Commentaires

  1. Andry dit :

    Merci de votre article qui, à mon sens, propose une réflexion fondée sur des principes bibliques. En complétant la réflexion, et se fondant sur le commencement, je dirais que l’homme et la femme (trompés par le serpent) ont commencé par avoir peur de Dieu et à se cacher (Genèse 3 : 10) car pour eux Dieu était devenu une menace à leur yeux. Cela a, de surcroit, fait de lui le « bouc émissaire » des fautes qu’ils ont eux-mêmes commises (Genèse 3 : 12). Depuis lors, cette idée de sacrifice pour le divin naquit. Effet, dans ce cas de figure, comment ne pas vouloir que Dieu s’apaise , lui qui est, aux yeux des pécheurs, devenu une menace pour la vie ? Ainsi, la vie et la mort de Jésus témoignent du contraire : Dieu n’est pas ce que les premier humains (et les générations suivantes) ont cru de lui. Par Jésus, représentant du Père (Jean 14 : 9), les lecteurs de la Bible peuvent constater que Dieu pardonne gratuitement, sans demander la mort, ou quoique ce soit, en échange (ex. Luc 5 : 20). Maintenant, la mort de Jésus dévoile le mensonge du serpent depuis le jardin en Eden : vivre selon sa parole mensongère mène à la mort (contrairement à ce qu’il prétendait en Genèse 3 : 4). En effet, Jésus a accepté d’être la victime de gens qui marchaient selon cette parole (qui mène à la trahison, ou encore à l’envie de meurtre). Cela permet de repenser l’intercession de Jésus en tant que Médiateur entre Dieu et les humains : si dans l’ancienne expiation Jésus a pour but d’apaiser Dieu pour que ce dernier accueille favorablement l’humanité qui souhaite venir à lui, dans une vision biblique, Jésus est le Médiateur qui permet à une humanité anxieuse et en colère (Genèse 3 : 10, 12) contre Dieu depuis « la nuit des temps », de s’apaiser. C’est tout l’inverse ! Là est, je dirais, le sens de la réconciliation entre Dieu et l’humanité dont parle Paul notamment (2 Corinthiens 15).

    1. Marc Pernot dit :

      Cette histoire d’Adam et Eve et du serpent qui parle ne parle pas d’un événement daté historiquement, trouvant place dans la chronologie. Ce récit parle d’un événement de tous les instants, d’un attitude que nous avons tous plus ou moins. C’est ce qui est intéressant dans le texte biblique. Il parle de nous afin de nous éclairer sur notre propre monde présent.

  2. Marie dit :

    j’ ajouterai que la souffrance de Jésus sur la croix n’ est pas une expiation, mais la conséquence du mal
    qui peut atteindre tout être humain. Il ne l’a pas recherchée, mais il a aimé jusqu’ à risquer la mort.
    Notre dette n’est pas effacée par sa souffrance, mais en étant reconnaissant et en aimant à notre tour
    comme lui, en donnant notre vie de plusieurs manières.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *