11 avril 2024

Petite pousse verte sur une pente en Alaska - Photo de Ty Fiero sur https://unsplash.com/fr/photos/une-personne-faisant-voler-un-cerf-volant-0im1Kawjea0
Question

Pour moi cela a toujours été une évidence : Dieu est le Créateur. Oui, mais créateur de quoi au juste ?

Question posée :

Cher Marc,
Ma question concerne la notion du Dieu Créateur. Pour moi cela a toujours été une évidence : Dieu est le Créateur. Oui, mais créateur de quoi au juste ?
Je me permets de citer ici quelques unes de vos phrases, issues de divers articles et qui, lues ensemble, m’ont interpellée.

  • petit dictionnaire de théologie Evolution-création : « Il est difficile de dire qui est Dieu, mais la chose qui me semble la plus certaine que l’on puisse dire sur Dieu c’est qu’il est créateur. »
  • petit dictionnaire de théologie Existence du mal : « Dieu n’est alors la cause que du bien, mais il y a encore du chaos dans ce monde que Dieu est en train d’organiser progressivement. »
  • question concernant la disparition de ce monde et de l’intérêt de s’y investir : « La fin de l’ensemble n’est pas tellement différente, quand on s’intéresse à l’individu, que la fin de la vie de chaque personne. »
  • petit dictionnaire de théologie Puissant-tout puissant : « Il n’y a que quelques très rares textes qui attribuent à Dieu la toute-puissance, exactement dix, et ce sont tous des textes qui parlent de la fin des temps. Là dessus, tout le monde peut être d’accord, au terme des siècles, tout sera dans la main de Dieu. »

Puisque l’humanité, puis toute forme de vie, puis la planète elle-même sont scientifiquement vouées à disparaître (je fais ici l’hypothèse optimiste que rien de tout cela ne sera provoqué par l’homme) et que ce ne sera certainement pas une partie de plaisir, on peut se demander quelle est la place du Dieu Créateur dans ce processus, car cela ressemble plutôt à une décréation, à un retour au chaos. Au risque de paraître impertinente, Dieu maîtrise-t-il quoi que ce soit dans la marche globale de l’univers, ou bien est-il simplement ce quelque chose qui suscite la vie partout où il le peut et l’accompagne du mieux possible ? Evidemment, les réponses à de telles interrogations sont pures spéculations, et ce d’autant plus que les scénarios envisagés ne sont de loin pas pour tout de suite. Mais, s’il me semble essentiel de valoriser au mieux l’instant présent, je ne peux m’empêcher parfois d’essayer de le situer dans une certaine globalité, difficile de parler de ce sentiment, besoin peut-être d’infini, ou si je puis dire, une façon de poser le regard sur Dieu, d’essayer de l’imaginer face au cosmos. Dans ce contexte, je me demande quelle est alors la signification de la fin des temps que vous évoquez dans la phrase que j’ai citée plus haut. La fin des temps, mais de quels temps ? Est-ce seulement une vue de l’esprit, une sorte d’idéal jamais atteint qui sert uniquement de direction à prendre pour que la vie, tant qu’elle existe, puisse être la plus belle possible ? J’ai du mal à voir comment cela peut s’inscrire dans l’histoire, et pourtant j’ai l’impression que c’est bien souvent ainsi que c’est compris. J’avoue que cette question me trouble.
Bien amicalement,

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Cette question du Dieu créateur est tout à fait passionnante, importante… et délicate. Je le reconnais et vous avez mis le doigt dessus.

J’aime bien cette hypothèse que vous présentez : Dieu « est simplement ce quelque chose qui suscite la vie partout où il le peut et l’accompagne du mieux possible ? » Et il me semble que c’est immense. C’est à la fois puissant à des échelles à la fois de l’univers entier, jusqu’à la pâquerette par exemple. Et c’est aussi respectueux de la liberté de ce qui existe, en particulier de nous-même.

C’est vrai qu’un soleil comme le nôtre finira certainement par épuiser un jour son carburant. Mais il me semble que cela ne change rien à la beauté et la vérité de chaque seconde vécue d’une belle façon. Cela aura existé. Et rien pourra faire que cela n’a pas existé.

Vous avez raison, cette question importe. Car c’est aux limites d’un modèle que, souvent, on voit sa robustesse. Et ce regard effectivement montre l’importance de l’instant présent et de le goûter, de le vivre avec sincérité en faisant ce que nous pouvons. C’est pour moi une motivation par exemple pour aller visiter une personne très âgée, seule, apparemment inconsciente (mais peut-être pas) dans son lit d’hôpital. La visiter ne laisse pas de trace dans l’histoire, pas de témoin et demain elle sera morte, ou dans 8 jours. Et pourtant, je le fais de bon cœur, et je vais lire un bout de joli psaume, prier un peu, lui dire la bienveillance radicale de Dieu, et lui caresser la main, la bénir en mettant ma main sur sa tête. Je reconnais que cela a bien des chances de ne « servir » à rien, mais c’est peut-être pour cela que ce geste disant qu’une personne non performante est humaine et digne du meilleur, pour nous et pour Dieu. Peut-être juste un instant. C’est de l’art éphémère. Mais comme vous dite toute l’histoire de notre monde appartient en quelque sorte à l’art éphémère. Mais comme à notre échelle l’histoire du monde n’est pas si éphémère que cela, il est bon de construire quand même afin que d’autres beaux moments puissent être vécus demain, à la génération suivante, dans mil ans. Même si un champignon atomique fait un joli feu d’artifice, avec sa beauté, il gaspille tellement de jolies histoires, de belles choses, d’avenir que le bilan est plus que mauvais. C’est ainsi qu’il nous faut conjuguer la beauté de l’instant, du geste, et l’attention à construire l’avenir. Pour d’autres que nous et cette attention altruiste est une beauté aussi.

Cela importe d’imaginer Dieu, comme vous nous y invitez car c’est (ou cela devrait, il me semble) être inspirant pour nous. Bien sûr, il n’est pas de grand bonhomme invisible qui crée le monde, c’est infiniment autre, hors de portée de notre échelle. Déjà que nous avons du mal à imaginer les phénomènes observés par la physique quantique. Néanmoins la façon dont nous nous figurons Dieu, en particulier comme créateur et comme sauveur, cela me semble bien propre à nous inspirer. Déjà si nous méditions sur Dieu selon votre proposition Dieu « est-il simplement ce quelque chose qui suscite la vie partout où il le peut et l’accompagne du mieux possible ? » C’est inspirant, et c’est non culpabilisant. Cela me semble assez bien coller avec l’observation du monde, et l’aide que nous ressentons (ou que beaucoup ressentent) de Dieu. Et cette formule, avec son mode interrogatif, nous invite à rester en éveil pour faire évoluer notre modèle, au gré de nos réflexions et expériences de vie et de prière.

Avec mes remerciement pour ce travail et ce témoignage.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

Réponse de la personne ayant posé la question :

Merci pour votre réponse qui m’a beaucoup touchée, et pas seulement votre témoignage à propos d’une visite à l’hôpital. C’est vrai qu’il y a toujours cette tension entre ce Dieu si insaisissable et ce qu’on en ressent dans notre vie, même au cœur du quotidien le plus banal. Je crois aussi que je cherchais confusément à obtenir une réponse du type ‘Dieu est comme ceci ou comme cela’, en oubliant que le pasteur est normalement lui aussi un chercheur de Dieu, et qu’avec vous il n’y a pas de prêt à penser. Ce que vous apportez est tellement plus riche ! Encore merci,

Partagez cet article sur :
  • Icone de facebook
  • Icone de twitter
  • Icone d'email

Articles récents de la même catégorie

Articles récents avec des étiquettes similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *