16 décembre 2024

Une jeune femme en montagne sur le bord d'un précipice - Image by Jm TD from https://pixabay.com/photos/summit-mountain-liberty-precipice-4427431/
Question

A la mort d’une amie par accident, comment entendre le Psaume 121:3 « Dieu ne permettra pas que ton pied chancelle » ?

Question posée :

Bonjour Monsieur Pernot,

Je vous fais part de mes interrogations suite au service religieux d’un membre de ma famille.
Cette jeune personne a eu un accident mortel en montagne. Lors du service funèbre qui a été célébré dans un temple protestant, il a été mentionné le psaume 121, notamment le verset 3 : « Il ne permettra point que ton pied chancelle; Celui qui te garde ne sommeillera point » et les versets 7 et 8 : « L’Eternel te gardera de tout mal, Il gardera ton âme; 8L’Eternel gardera ton départ et ton arrivée, Dès maintenant et à jamais.
Comment comprendre ce verset dans de telles circonstances, surtout pour les nombreuses personnes présentes lors de cette cérémonie qui n’étaient pas chrétiennes, voire qui ne croyaient pas en Dieu ? Et même pour nous chrétiens, comment comprendre ce verset ?
Vous avez souvent traité dans vos réponses toujours empreintes de sagesse des dangers d’une lecture littérale de la Bible, mais devant l’incompréhension que nous avons ressentie lors de cette cérémonie, comment est-il possible de faire une lecture « spirituelle » de ces versets ?
Merci encore pour votre blog, si souvent source de réflexion salutaire.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Je suis désolé de cette catastrophe qui a frappé votre famille. C’est épouvantable. Comme notre vie est fragile. Un simple stupide incident, un déséquilibre d’une seconde qui tourne au drame. Cela n’a tout simplement aucun sens.

Ce genre de drames questionne effectivement une théologie d’un Dieu tout puissant, d’un Dieu dont la providence serait absolue, pouvant éviter que notre pied glisse, que le soleil brûle, que la maladie nous atteigne. Cette théorie est effectivement très dangereuse pour notre foi. Cela trouble notre rapport à Dieu : comment alors avoir confiance dans un Dieu qui pourrait empêcher tant de morts cruelles de personnes et même d’enfants qui meurent dans des catastrophes naturelles, des accidents stupides, ou des maladies cruelles (et je ne parle même pas des catastrophes dues à l’action humaine). Comment combattre le mal si l’on pensait que Dieu l’a volontairement voulu (au moins en s’abstenant d’intervenir).

Je suis donc tout à fait du même avis que vous : c’est extrêmement choquant de lire ce passage sans réserve, laissant imaginer un Dieu de l’absolue providence.

Le Psaume 121 est mon préféré dans les 150 psaumes de la Bible. Effectivement, la conclusion de ce psaume est dans une confiance totale en Dieu, qui nous garde. Il convient donc de regarder de près ce que dit ce psaume.

Seulement, il y a au début de ce psaume un élément parfois mal traduit : il est parfois dit que « le secours me vient de l’Éternel qui a fait le ciel et la terre », alors que dans le texte hébreu, l’action de créer n’est pas au passé mais au participe présent « l’Éternel faisant le ciel et la terre ». Cela change tout concernant cette question : la création est en cours et Dieu ne cesse d’y travailler. C’est pourquoi nous prions avec Jésus « Notre Père, que ta volonté soit faite sur la terre comme elle l’est au ciel ». Il s’en faut de beaucoup pour que la volonté de Dieu soit aujourd’hui faite partout sur terre. Ce n’est pas qu’il soit absent, ou endormi, comme le dit ce psaume. Le chantier est en cours. Il reste du chaos dans l’univers, comme les catastrophes naturelles. Il reste des coïncidences funestes, voire très cruelles. Et je ne parle même pas de la méchanceté et de la bêtise humaine. Dieu y travaille, nous dit ce psaume. L’action créatrice de Dieu s’inscrit dans le temps, dans un processus en cours. Et il nous embauche, comme le dit Jésus en dialoguant avec ses disciples à propos d’un homme aveugle né : « Il faut que nous fassions les œuvres de celui qui m’a envoyé » (Jean 9) : que nous entrions dans son équipe de poursuite de la création du monde.

Mais pour l’instant, nous avons donc un monde rempli de merveilles époustouflantes (nous en sommes une), et il reste du chaos en ce monde, chaos parfois source de catastrophes qui n’ont aucun sens, puisqu’il s’origine dans le seul chaos. Et Dieu qui agit sans cesse pour faire évoluer le monde, à toutes les échelles, vers plus d’harmonie. Toute évolution prend du temps. C’est pourquoi Jésus utilise souvent des paraboles agricoles pour parler de l’action de Dieu (de son règne) : il en faut du temps pour qu’un arbre pousse, même quand la graine d’arbre est tombée dans la bonne terre (voir Matthieu 13). L’agriculteur sait qu’il ne peut pas retourner dès le lendemain de ses semailles pour se lamenter de ne pas encore avoir de blé pour nourrir ses enfants. Nous sommes ainsi face aux catastrophes : oui, elles sont choquantes et il est nécessaire, il est juste de se scandaliser et de dire : ce n’est pas la volonté de Dieu. Et donc, il n’a pas pu l’empêcher. Il y travaille, mais pour l’instant le monde est à la fois merveilleux par bien des côtés et problématique par d’autres. En nous scandalisant, en sentant que Dieu n’accepte pas ce mal, cela peut nous motiver positivement pour être nous-mêmes créateurs à ses côtés, à notre niveau.

Ce Psaume 121 dit la force transcendante de Dieu pour créer le bon et le beau dans le monde et dans notre vie ; en même temps, ce Psaume dit la faiblesse de Dieu qui n’a pas pu empêcher les cailloux de la route, la brûlure du soleil et autres coups de lune.

C’est ainsi que notre psalmiste sent vraiment cette action puissante dans son être et dans sa vie. Il le sent tellement bien, il sent aussi que ce n’est pas dû à ses mérites personnels, que ce n’est dû qu’à la puissante volonté de Dieu de rendre l’univers plus beau. Cela inspire le psalmiste pour dire à une personne qu’il désire encourager et dont il s’approche (cette personne, c’est aussi nous, lecteurs de ce psaume) : ce Dieu de miséricorde est actif à tes côtés, sans cesse, de toute sa puissance. Le psalmiste l’assure sans réserve ni condition. Dieu agit pour éviter que nous ne trébuchions sur la route. Il agit de toute son ingéniosité et sa puissance, qui n’est pas celle d’un magicien. Si nous trébuchons, ce n’est faute que Dieu ne nous ait pas accompagné, ce n’est pas parce qu’il ne nous aimerait pas, cela n’a rien à voir avec nos qualités ou nos défauts.

Donc oui, Dieu agit, mais non, Dieu n’est pas tout puissant. Nous pouvons compter sur son aide, mais elle n’est pas une garantie qu’il ne nous arrive rien de funeste. Nous pouvons discerner les signes de son action dans le monde et dans nos vies, et en rendre grâce dans la louange. Et nous pouvons nous lamenter de nos malheurs. Dieu supporte même que nous réclamions contre lui de ne pas avoir réussi à nous en délivrer. Il a les reins solides et lui aussi se désole de n’avoir pas pu. Mais il y a une chose qu’il veut et qu’il peut réaliser, c’est de garder notre âme, nous dit le psalmiste, dans le présent et dans l’avenir jusque dans l’éternité. Cela, oui, nous pouvons le garantir, car c’est dans la main de Dieu, par son amour. Pour cela et pour tous les coups de main de Dieu très concrets dans notre vie, nous rendons grâce à Dieu.

Je sais combien il est difficile de retravailler notre théologie, de l’approfondir et de la nuancer. C’est un vrai travail utile, fécond pour vivre et faire vivre. Comment trouver la force de remettre en cause ce qui nous a été présenté longtemps comme des vérité éternelles ? Parc la confiance que nous avons dans la grâce de Dieu. Cela nous donne le courage d’avancer en eau profonde, comme Pierre avance vers Jésus en marchant sur l’eau.

Mil mercis pour vos encouragements.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

PS. pour aller plus loin, voir :

 

Partagez cet article sur :
  • Icone de facebook
  • Icone de twitter
  • Icone d'email

Articles récents de la même catégorie

Articles récents avec des étiquettes similaires

3 Commentaires

  1. Vincent dit :

    Si Dieu est tout puissant !mais il respecte notre liberté, notre libre arbitre.
    Il agit toujours pour notre plus grand bien spirituel.
    Et il nous donne la force de bien vivre les événements que nous rencontrons et qui deviennent de facto des opportunités de grandir en sainteté.
    Donc Dieu est bien tout puissant comme c’est rappelé dans le je crois en Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre….
    Dire le contraire est aller contre le dogme !

    1. Marc Pernot dit :

      Tout puissant dans l’amour. Pas tout puissant comme un magicien.
      Mais quant à la liberté, au libre arbitre de l’enfant de 8 ans qui meurt à petit feu, après trois ans de souffrances… il est anéanti par cette maladie cruelle. C’est pourquoi nous nous battons contre la maladie, et ce faisant nous pensons aller dans le sens de la volonté de Dieu. S’il pouvait guérir à l’instant cet enfant, je suis persuadé qu’il le ferait.

      1. François dit :

        Zundel a parlé d’un Dieu tout impuissant. La toute puissance de Dieu est objet de foi, mais il ne faudrait pas confondre les formes de puissance. Si Dieu est la bonté, ça ne signifie pas qu’il peut faire ma volonté. C’est moi qui devrait faire la sienne! Le type de puissance qu’exerce Dieu, et particulièrement sa toute puissance en amour, donne son fruit. P.S. J’espère que Pierre n’était pas en eau profonde lorsqu’il a marché sur l’eau.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *