un paysan sur sa charrette de foin - Image parIvaylo Ivanov de Pixabay
Développement

Quel est le sens de l’existence ? Pourquoi se lever, travailler… quel but ? quelle satisfaction le soir ?

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Question posée :

Bonjour Marc.

Quel est, selon vous, le sens de l’existence?
Sans aller trop loin dans des concepts philosophiques mais juste dans la vie quotidienne, pourquoi se lever, travailler, entretenir des relations, vouloir plaire, choisir une religion plutôt qu’une autre, faire du sport, se divertir etc…
Dans quel but?
Quelle satisfaction en se couchant le soir pour une journée ordinaire?

Et quelle place pour la religion quand on est trop fatigué, quand on a trop faim, trop peur ou quand on ne voit que des concepts.

Quel sens pour tout ce qui ne concerne pas la survie?

Je m’interroge sur le sens de l’existence si on exclu le besoin naturel de tenter de survivre.

À part la simple contemplation de la Beauté qui réside dans le monde et me semble transcendant, je n’en vois pas.

Merci de l’avoir Lu.
Une belle journée.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

D’abord pour la question théologique et philosophique, quand même, car c’est effectivement la force de l’humanité d’avoir pu, grâce aux débats et aux textes, prendre un petit peu de recul, et espérons le, un petit peu de hauteur et de profondeur sur cette question tout ce qu’il y a de plus essentielle, certainement.

Est-ce que « le sens de l’existence » existe ?

Il me semble qu’en creusant cette question nous somme sommes amené à la poser autrement, car telle quelle il serait un peu simpliste de répondre par oui c’est ceci. C’est plus complexe et bien plus libre que cela. Et pourtant cela ne me semble pas exact de répondre non, bien sûr.

En tout cas, je pense que notre existence, à chacune et chacun en particulier, est sans condition digne d’être vécue. C’est une conséquence de la grâce et de la liberté chrétienne. La personne humaine n’est pas comme un outil simple dont la fonction est définie à la fabrication et qui est en général jeté dès qu’il n’est plus apte à cette fonction ou que l’on pense ne plus en avoir besoin, soit que le besoin ait disparu soit que l’on ait trouvé un outil plus performant.

La grâce fait qu’au moins par Dieu, une personne est regardée comme précieuse même si elle ne pouvait rien faire d’utile. Je pense que cela rejoint ce que vous dites sur la contemplation de la beauté. Cette affirmation de « la grâce de Dieu » nous dit que notre existence est belle à considérer, en elle même et sans condition. Si cette personne a la chance s’avoir une personne qui l’aime vraiment, cela se vérifie également. Le simple fait d’exister a un sens en soi. C’est vrai pour l’humain mais je pense que c’est aussi le cas pour une fleur dans un coin de montagne reculée où personne ne va jamais. Elle est là et embellit l’univers quand bien même personne ne la regarde ni ne la sent. C’est ce que dit fort bien ce grand mystique du XVIIe siècle Angélus Silésius dans le plus célèbre de ses quatrains :

« La rose est sans pourquoi,
Elle fleurit parce qu’elle fleurit,
N’a d’elle-même aucun soucis,
Ne demande pas : suis-je regardée ? »
(Le pèlerin chérubinique I, 289)

Le simple fait d’exister a un sens, que nous le voulions ou non, que nous en ayons conscience ou non. Cela peut nous choquer, car nous ne sommes alors pas entièrement maître de la valeur de notre propre existence. L’humain a tellement envie de se sentir maître de tout, d’être dieu. D’être propriétaire de son corps, de sa vie, de son sens. C’est ce dont parle l’histoire d’Adam, Ève, du serpent qui parle et de Dieu. Adam et Ève ne sont pas seul, Dieu descend avec la brise du soir pour les visiter. Et de vouloir être leur propre dieu n’est pas la façon la plus géniale de considérer son existence, car ce point de vue est bien trop étroit. Nous sommes une partie d’un ensemble bien plus vaste, un membre d’un corps. Toute existence a du sens parce que nous sommes aimé. C’est un premier point important en théologie chrétienne, cela a des conséquences éthiques : dans notre façon de regarder notre prochain, et aussi dans le fait que toute personne devrait pouvoir sentir qu’elle a du prix pour quelqu’un. Beaucoup d’entre nous ont eu le sentiment d’avoir été au moins un peu aimé, peut-être d’être aimé encore. Mais certaine personne ont connu une vie bien difficile et n’ont eu que fort peu d’occasion de sentir cela, ni des humains ni de Dieu, pas même d’un chien.

La liberté fait que Dieu espère que ce que nous sommes puisse rayonner de sa beauté dans le monde en ayant sa propre créativité. Ce n’est pas toujours possible et ce n’est pas obligatoire, ce n’est pas une condition pour que notre existence ait du sens aux yeux de Dieu. Mais cela fait qu’en plus d’avoir du sens aux yeux de Dieu, notre existence peut produire quelque chose qui a du sens. Dieu a souvent une petite idée de ce que cela pourrait être, à un moment donné, il a même souvent, je suppose, une quantité d’idées possibles sur ce que nous pourrions apporter au monde. C’est donc à discuter, à élaborer avec lui dans la réflexion, la prière. Parfois cela ne vient pas tout de suite. Parfois cela vient en tâtonnant et en se trompant, en essayant autrement. Parfois cela vient par surprise. Mais il est beau, déjà, de chercher ce que nous pourrions faire de beau. Dieu ne nous aimera pas plus, notre existence n’aura pas plus de prix, mais il est beau d’essayer de faire quelque chose qui a du sens.

Il est bien possible que la meilleure façon d’avancer dans ce chemin parte effectivement, de la « simple contemplation de la Beauté qui réside dans le monde et me semble transcendant » (comme vous dites), c’est déjà bien car la louange est une plus qu’une ouverture à cette grâce première dont je parle plus haut, elle est une façon d’en être soi-même changé, avec peut-être déjà l’envie d’être source soi-même de quelque chose, même minuscule, juste pour la beauté du geste. Une vocation s’amorce. Un sens commence à être défini. Créé à neuf dans la liberté, dans l’inspiration du moment, une personnalité unique, a été rendue créatrice par une grâce qui l’a précédée et qui a été contemplée.

Il est largement temps de chercher à avancer vers les déclinaisons concrètes de cette façon de voir.

Dans la vie quotidienne, pourquoi se lever, travailler, entretenir des relations, vouloir plaire, choisir une religion plutôt qu’une autre, faire du sport, se divertir etc… Dans quel but?
Quelle satisfaction en se couchant le soir pour une journée ordinaire?

  • Il me semble que « la beauté du geste » est déjà une belle et bonne raison. Nous sommes comme cette rose d’Angelus Silesius, elle vis sa nature de rose et c’est une fidélité, c’est une beauté? Que quoi que ce soit piétine, arrache, gâche cette rose pour rien : nous en serions désolé. Il en est ainsi de nos journées. de notre vie, si courte en réalité.
  • Ensuite, si nous savons que quelqu’un nous aime, nous avons envie de rendre cette personne heureuse, non ? Nous pouvons ainsi faire honneur, ne serait-ce qu’à Dieu en vivant ce que nous sommes et le temps qui nous est donné d’une belle façon.

En un mot, pour moi, une réponse suffisante est : pour la beauté du geste, faire ce que l’on peut. Et le soir, se coucher, en se remémorant de sa journée (devant Dieu comme le fait le chrétien, en confiance), et pourvoir remercier d’en avoir été capable, d’en avoir eu l’occasion. Ou d’espérer en avoir l’occasion et en être capable le lendemain.

 

Quel sens donner à ce qui n’est pas la survie ? Et quelle place pour la religion quand on est fatigué ?

L’humain selon la Bible est fait de bien des dimensions, profondément imbriquées. La survie est déjà un geste de base, je suis du même avis que vous. Sans idolâtrer pour autant le corps, qui n’est pas le tout de la vie et de sa valeur. Nous le savons bien. Ne serait-ce que quand nous aimons une personne, ou un enfant, ce n’est pas seulement son corps que nous aimons mais bien autre chose. Quel que soit le niveau de forme ou de faiblesse du corps, il est bon pour la personne de prendre en compte la dimension spirituelle. De même pour la forme du point de vue social, intellectuel, la sensibilité, la relation aux autres et à soi.

C’est vrai que quand on est en soucis pour sa survie sur un de ces plans, la pente naturelle est de se concentrer sur ce plan seulement. Il serait bien plus profitable de ne pas négliger, précisément les autres plans. En particulier le domaine spirituel. C’est un fait d’expérience, assez compréhensible.

Et quand tout va bien sur tout les plans du corps, de la vie en ce monde et des relations… le domaine spirituel est essentiel, car c’est ce qui permet de vivre cela de la plus belle des façons, dans la création, dans le don. La religion est l’humble et utile exercice que nous choisirons de nous donner pour avancer peu à peu dans ce domaine.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Si vous voulez, vous pouvez voir aussi, dans le petit dictionnaire de théologie :

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2 Commentaires

  1. Loïs dit :

    Bonjoir cher Marc, Mais alors, que faire quand nous luttons pour la survie et l’aspect physique et matériel est si vital que nous n’arrivions plus à voir ou sentir le beau, la paix, le bonheur ? Que nous n’arrivons même plus à espérer, à livrer notre détresse à une entité au-dessus qui nous entendrait mais que nous ne ressentons plus ? Quand notre coeur est aride du fait de nos conditions de vie, la survie étant justement si importante pour notre corps qui nous permet de vivre notre existence, que tout est soudainement orienté vers elle.
    Cela me semble si dur…

    1. Marc Pernot dit :

      Cher Loïs
      Que votre cri est touchant !
      Cela appelle d’abord à la solidarité, afin que notre prochain et nous-même ne soyons pas dans un tel soucis matériel. C’est vrai qu’en ce temps de pandémie et de confinement, bien des personnes connaissent un soucis terrible, et la solidarité de l’état ne bouche pas tous les trous.
      Ensuite, vous avez raison, il est alors toujours aussi important de se présenter devant Dieu pour qu’il renouvelle notre espérance. Il le fera. A sa façon, discrète mais si puissante.
      En pensée
      Dieu vous bénit et vous accompagne

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