10 décembre 2022

la rue principale à Berne, avec des drapeaux suisses - Photo de Alin Andersen sur https://unsplash.com/fr/photos/qf4fhNnsn6M
Question

« Au nom de Dieu Tout-Puissant ! » Cette phrase ouvre la Constitution suisse, n’est-ce pas hypocrite ? dangereux ?

Par : pasteur Marc Pernot

la rue principale à Berne, avec des drapeaux suisses - Photo de Alin Andersen sur https://unsplash.com/fr/photos/qf4fhNnsn6M

Question posée :

Monsieur le Ministre,

Nous ne cessons de nous inspirer par vos prêches qui nous font tant de bien et nous déculpabilisent.

Nous prenons le dernier exemple en date lorsque vous dites qu’il n’est pas question de rester tout le temps en prière et encore tout le temps à l’église. C’est comme une respiration: un temps pour se laisser inspirer, puis un temps pour vivre dans le monde avec son métier, sa famille, ses loisirs, ses engagements. C’est vraiment avant-gardiste et combien sécurisant.

Une chose nous trouble, c’est lorsque l’on implore la bénédiction de Dieu sur les travaux politiques. Ceci à tous les niveaux que ce soit communal, cantonal ou fédéral (voir la place du Dieu Tout puissant dans la Constitution suisse).

Nous nous demandons si il n’y a pas dans cette démarche une part importante d’hypocrisie. C’est toujours problématique de faire le lien entre la religion et la politique. Lorsque l’on voit le président Trump faire les pires déclarations sa bible à la main, cela fait froid dans le dos.

Au plaisir de vous revoir, nous vous adressons Monsieur le Ministre nos plus cordiales salutations.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Votre bienveillance est pour moi du lait qui me fait grandir et du miel qui adoucit ma voix de crapaud enroué.

Donc mil mercis à tous les deux.

Je reconnais que le mélange de religion et de politique est un mélange toxique.
Souvent :

  • La religion sert de prétexte à un homme ou à un pouvoir politique pour asseoir une prétention au pouvoir absolu.
  • Quand à certains religieux, ils se sentent tellement proche de Dieu qu’il considère comme un blasphème que le monde entier ne leur obéisse pas et n’adopte pas leurs dogmes sacrés.

Heureusement, je ne pense pas que dans notre démocratie suisse, à quelque niveau, nous soyons exagérément sujets à l’un ou l’autre de ces travers (sauf quelque fou furieux, bien entendu) :

  • La démocratie directe, la présidence tournante dans le Conseil Fédéral, le triple échelon communal, cantonal et fédéral… nous apprennent chaque jour à nous méfier de la prétention d’une personne à détenir l’absolue vérité.
  • L’Evangile nous a ouvert à l’idée que chaque personne est prophète ou prophétesse en ligne directe avec Dieu, ce qui a conduit le protestantisme réformé à chercher à apprendre à lire à chaque personne afin que même les personnes le moins instruites puissent avoir accès aux sources. Cela a bien contribué à relativiser les institutions comme l’église comme un simple moyen au service de l’élévation des paroissiens, et nons au dessus des paroissiens pour leur dire ce qu’ils devraient penser. Donc même si par malheur l’église prétendait avoir raison sur tel ou tel sujet (au lieu d’aider les fidèles à avoir leur propre discernement éclairé), cela n’abuserait pas grand monde, je pense. Et encore moins aujourd’hui.

Je ne pense donc pas que le risque soit exagéré de garder ces anciennes déclarations. Elles doivent être prise, et je pense que c’est le cas, comme un patrimoine. Comme le fauteuil ancien que nous avons hérité de nos aïeux et qui n’est pas très confortable mais que l’on garde parce qu’il nous vient de famille. Je trouve cela personnellement assez émouvant et quand le 1er août dernier j’ai entendu notre maire commencer son discours avec le « Au nom de Dieu tout-puissant », cela m’a fait quelque chose ! Alors même que moi-même milite pour que l’on n’ait pas une théologie d’un Dieu « tout puissant« , mais d’un Dieu puissant dans l’amour.

De ce patrimoine conservé, nous pouvons avoir ensuite un usage de notre temps, selon notre sensibilité.

  • Pour nous, croyants, c’est touchant de faire place ainsi à Dieu dans le gouvernement de la Cité, cela nous encourage à une responsabilité avec Dieu pour rechercher la justice et le bien ? Cela nous encourage peut-être à réfléchir et à décider devant Dieu de façon « prophétique » et pas seulement par idéologie ?
  • Pour les athées, ils peuvent remplacer la figure de ce Dieu par ce que eux même pensent être la source du plus grand bien, selon leur philosophie ? En tout cas, c’est se rappeler la responsabilité de l’humain mais aussi sa petitesse en ce monde, et que la toute puissance ne nous appartient pas à nous. Rien que cela me semble assez utile ?

Avec joie d’en discuter ensemble.

Bien fraternellement

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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Un commentaire

  1. Grégoire dit :

    La question est aussi ce que l’on entend par « Toute-Puissance ».

    Si Dieu n’agit que de façon métaphysique (hors de l’Univers physique) et n’interagit éventuellement qu’avec notre part métaphysique, alors la question de la toute-puissance se pose différemment : elle concerne le domaine de la perception et de l’interaction spirituelle, au sens où les esprits de chaque personne auraient ou ont une nature métaphysique, qui se surajouterait à notre nature corporelle. La Toute-Puissance entendue au seul sens métaphysique implique en revanche que Dieu, et/ou l’Esprit Saint, et/ou l’esprit de Jésus ressuscité … sont des « agents stratégiques » autant que des « agents théologiques » (c’est-à-dire décrits dans un système de croyance systématisé dans une théologie), au sens où ils ont accès à l’information socialement stratégique de tous (ce qui concerne les relations sociales entre les humains), croyance considérée consciemment ou inconsciemment comme un élément potentiel de stabilité sociale… Même avec un Dieu d’Amour, il ne s’agit pas vraiment de peur, mais de pensée et d’action en présence (soit aujourd’hui soit dans le Futur) d’une Conscience Transcendentale qui aurait accès non nécessairement à toutes les connaissances concernant les détails de chaque particule de l’Univers, mais un accès privilégié (métaphysique) à l’information socialement stratégique de chaque personne vivante située dans sa part métaphysique (son esprit).

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