toute une série de visages en train de rire ou de sourire - Image par Gerd Altmann de Pixabay
Bible

La Bible ne fait pas de blagues ? Interdit-elle la plaisanterie ? Pourtant, ça fait du bien !

Par : pasteur Marc Pernot

toute une série de visages en train de rire ou de sourire - Image par Gerd Altmann de Pixabay

Question posée :

Cher M. Pernot,
Je m’intéresse depuis quelques temps au rire et à l’humour dans la Bible. Je ne trouve pas grand chose là dessus, alors qu’on nous parle toujours de joie. ! Et puis j’ai butté sur une phrase qui me laisse un peu perplexe dans Ephésien 5:4 : »Qu’on n’entende ni paroles déshonnêtes, ni propos insensés, ni plaisanteries, choses qui sont contraires à la bienséance ». Je me dis qu’il y a peut-être une traduction à préciser, s’agit il de « moqueries », plutôt que de « plaisanteries », ce que l’on pourrait mieux comprendre… et encore ça dépend. Ca donne envie de dire en tout cas, comme Martin Luther, « si on ne peut pas rire au paradis, je ne tiens pas à y aller » (si cette phrase est bien de lui ?). Cela me fait aussi penser au cliché du protestant qui ne rigole pas – et peut être plus qu’un cliché pour certains si ce verset en est l’origine ?

Il semble aujourd’hui inutile de rappeler les vertus du rire et pourtant ce n’est pas un débat nouveau au sein de l’Eglise me semble t il. Pouvez-vous m’aiguiller sur ce point qui me chatouille un peu ?

Merci pour votre temps.
Bien fraternellement

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir cher Monsieur,

Grand merci pour cette question. Le rire et l’humour ont une place dans la Bible ? La question est d’autant plus grave qu’une légende soupçonne les protestants d’être austères. Un peu plus et nous serions mis dans le camp de ces inquisiteurs ennemis du rire qu’Umberto Eco évoque dans Le nom de la rose. Il n’est pourtant pas rare d’entendre les participants au culte protestant rigoler pendant la prédication (enfin, quand c’est effectivement drôle).

C’est vrai que la Bible n’est pas un livre de blagues. Mais je ne connais pas beaucoup de livres de philosophie ou de théologie qui soient pleins d’histoires drôles. Le formidable Platon ne met pas non plus dans ses dialogues une blague Carambar toutes les trois répliques.

Pourquoi est-ce que la Bible chercherait à nous faire rigoler ? Son but n’est pas de nous divertir, il est de nous aider à nous interroger sur des sujets essentiels et de changer en mettant Dieu au centre de notre espérance. Précisément, l’humour peut être un allié dans cette démarche. Effectivement, il de nombreux passages aux quatre coins de la Bible semblent utiliser ce moyen pédagogique. Il s’agit toujours de sujets essentiels où l’humour permet de proposer au lecteur un changement de perspective. Voici quelques exemples qui, je l’espère, vous feront sourire par leur humour et leur ironie parfois mordante. Mais ce n’est pas certain car l’humour est une notion très dépendante de la culture : nous ne rigolons que d’une partie de ce qui fait hurler de rire (avec flegme) les Anglais alors que nous sommes voisins et contemporains.

  • Genèse 1 : Le soleil, la lune et les étoiles étaient considérés par certains voisins des Hébreux comme des divinités ou comme des puissances agissant sur notre avenir. Or voilà que la première page de la Bible parle de ces astres comme de mignons petits lampions accrochés à la voûte céleste par l’unique Créateur : c’est une façon humoristique de parler du statut du monde par rapport à Dieu. En passant, cela ouvre la porte à l’étude de ces astres par la science, puisqu’ils n’ont rien de sacré.
  • Genèse 2 : L’épisode d’Adam et Ève et du serpent qui parle, avec les multiples « euh, c’est pas moi, c’est l’autre… » dignes d’une cour d’école primaire, est une saynète fort drôle. Cela permet d’aborder un des sujets les plus graves et les plus essentiels qu’est la racine même du péché (de la folie) qui nous frappe tous, évidemment. Peut-être que, grâce à cette façon décalée d’aborder la question, nous aurons plus de facilité à nous reconnaître ?
  • Genèse 25 : Jacob achète pour un plat de lentilles le droit d’aînesse à son frère gourmand, puis il se déguise en son frère afin de tromper son père et sort à l’instant même où son frère revient, comme dans une farce de Molière.
  • Juges 9 : Pour faire comprendre à la population le ridicule de leurs choix politiques, Jotham invente une parabole hilarante où des arbres discutent entre eux pour choisir un roi, chacun à son tour y va d’une magnifique tirade pour dire qu’il est au-dessus de ça, et finalement, c’est le buisson d’épines qui est élu. Une farce pour nous ouvrir les yeux sur nos propres priorités et  sur la politique de notre époque ?
  • Jonas : le prophète grognon qui croit mieux savoir que Dieu ce qui est juste, ce Jonas trépigne de frustration parce qu’un petit ver a fait sécher un plan de courgette qui lui faisait de l’ombre en pleine canicule… Quelle meilleure façon que cette farce pour nous montrer que la compassion de Dieu vaut mieux que notre idée de la justice ?
  • Matthieu : Jésus me semble plein d’humour quand il dit qu’il est aussi difficile à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille (19:24), et que pourtant que Dieu pourrait même faire ce miracle-là. Ou quand Jésus compare le Royaume de Dieu à une graine de moutarde : oui, de moutarde ! celle qui nous monte au nez (13:31). Ou encore, quand Jésus compare Dieu à une poule qui nous couve comme ses poussins sous ses ailes (23:37) : qui aurait osé présenter ainsi une théologie du salut ?
  • Dans le récit de Pentecôte (Actes 2:13) : l’apôtre Pierre explique pourquoi les disciples enflammés d’Esprit-Saint sont comme cela : « Non, ces gens-là ne sont pas ivres comme vous le supposez, car c’est seulement 9 h du matin. » Pierre reconnaît ainsi qu’il pourrait arriver que leur bande d’apôtres soit très joyeuse après un repas de midi, et cela dans un des récits les plus importants pour l’Église naissante. Et les Chrétiens ne sauraient pas s’amuser ?

En réalité, ce sont plutôt des théologiens et des bigots qui prennent la Bible, ou plutôt qui se prennent eux-mêmes, leurs interprétations, leurs impressions et leurs doctrines trop au sérieux. Un certain humour est salutaire, surtout quand on fait de la théologie, c’est-à-dire qu’on entreprend de parler d’un sujet qui nous dépasse infiniment. Nous le faisons en y mettant tout notre cœur, notre pensée et notre foi, mais quand on le fait avec une certaine dose d’humour, cela permet de ne pas trop se prendre pour Dieu. C’est ce à quoi nous appelle avec humour bien des épisodes de la Bible :

  • Nombres 22:28 Le prophète de l’Éternel Balaam se croit sage, et il est amené à la raison par son ânesse bien plus prophétesse que lui.
  • Évangiles : Un petit garçon proposant ses cinq biscuits pour nourrir des affamés incarne bien mieux l’Évangile du Christ que tous les apôtres de la terre (Jean 6). Marie-Madeleine découvre le Christ ressuscité pendant que les apôtres, morts de trouille, s’enferment à double tour et traitent la parole de Marie-Madeleine de racontars de bonne femme ! Ce portrait ironique des apôtres si virils et si fiers n’est-il pas la meilleure façon de torpiller le machisme ?
  • Jean 21 : Après avoir renié Jésus, Pierre retourne tranquillement à la pêche, il se fait surprendre par Jésus qui revient et le trouve nu comme un ver dans sa barque : Pierre se jette à l’eau pour cacher ses parties intimes. Scène cocasse qui permet de montrer que nos faux fuyants ressemblent à des cauchemars d’enfant.
  • Dans ce domaine un petit peu osé, le prophète Samuel qui raconte cette histoire ne manque pas d’humour un petit peu graveleux en décrivant la peine qui frappe les ennemis qui ont volé l’arche d’alliance : ils sont frappés d’hémorroïdes, et pour conjurer cette pénible maladie, ils sont condamnés à sculpter des représentations en or de leurs hémorroïdes (1 Samuel 5-6) ! Une façon de dire que quand nous faisons n’importe quoi, c’est nous et notre derrière qui allons souffrir des conséquences.

Nous voyons dans ces textes que ce n’est pas méchamment que Dieu rit de nos folies (Psaume 2:2), bien sûr. Si ces farces nous taquinent, c’est pour nous aider, nous qui sommes parfois si sérieux et si fiers que nous avons du mal à nous ouvrir à l’aide de Dieu. C’est pourquoi une béatitude de plus circule, en plus des 8 béatitudes de Jésus (Matthieu 5) : cette 9e béatitude serait : « Heureux ceux qui savent rire d’eux-mêmes, ils n’ont pas fini de rigoler ».

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

PS. En Eph 5:4 il y a effectivement un mot grec (eutrapelia) pouvant signifier « plaisanterie ». On peut le comprendre, dans le contexte, comme mettant en garde contre le fait de commettre une mauvaise blague méchante, il y en a effectivement qui peuvent tuer, vraiment. Mais bon, ce n’est pas parce que l’auteur de la lettre aux Ephésiens (Paul ou un de ses disciples) n’aimerait pas les blagues que ça devrait empêcher les autres de rigoler. En tout bien tout honneur, pour faire le bien et non pour faire le mal.

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11 Commentaires

  1. Mario dit :

    « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer au royaume de Dieu. »
    Le Chas de l’aiguille était le nom d’une porte de la ville de Jérusalem trop basse pour que les chameaux puissent y passer avec leurs chargements!

    1. Marc Pernot dit :

      C’est ce que certains disent, seulement, il semble que c’est une invention et qu’il n’y ait pas de texte ancien qui parle d’une porte à ce nom.

  2. Fabrice dit :

    Les jeux de mots sont aussi une forme d’humour 😉

    … »Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise »…

  3. Jason dit :

    « heureux ceux qui savent rire d’eux-même, ils n’ont pas fini de rigoler ». Ce n’est pas une béatitude citée dans Matthieu 5, ne me trompe-je ?

    1. Marc Pernot dit :

      Vous avez raison.
      C’est précisément une blague, mais une blague significative.

  4. ibrahim dit :

    Bonjour à tous j’aimerais savoir si vous êtes catholiques?

    1. Marc Pernot dit :

      Je suis chrétien.
      Et pasteur dans l’église protestante

      1. Pascale dit :

        Génial ! Un pasteur de l’église protestante qui se définit avant tout comme chrétien. Mine de rien ce n’est pas si évident (surtout au vu de la question posée) et c’est inspirant pour nous aussi qui avons parfois trop tendance à nous inscrire dans une chapelle.

        1. Marc Pernot dit :

          🙂

  5. Promedi moke dit :

    Oui mes frères et mes sœurs, moi personnellement je dirai que rire plaisanté n’est pas vraiment un péché dans ce contexte, on nous parle des moqueries, des blagues qui inclut les péchés, des toute les blagues impures. Diriez-vous ou penserez – vous que à l’ancien testament et le nouveau testament les hommes de Dieu ne riaient pas ? Ou ne plaisantaient pas ? Pour moi c’est une façon que Dieu à choisie pourque nous ces enfants puissons pas faire des blagues pervers . Je suis un ado de 15 ans et en tout cas je ne voudrai pas m’éloigné du seigneur Jésus. Je me nomme promedi je suis un chrétien mais aussi un jeune scientifique inventeur. Je vous remercie

    1. JUAN dit :

      1 Rois 18:27
      « À midi, Élie se moqua d’eux, et dit: Criez à haute voix, puisqu’il est dieu; il pense à quelque chose, ou il est occupé, ou il est en voyage; peut-être qu’il dort, et il se réveillera. »

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