Remises en question des églises actuelles : quelles pistes pour l’avenir ?
Question posée :
Bonjour,
Que pensez-vous de ces mouvements qui préconisent un retour à « l’église primitive », sans locaux à charge (l’argent va plutôt aux nécessiteux), sans hiérarchie (le « pasteur » n’est pas un métier rémunéré, un titre, mais une fonction comme une autre), sans liturgie, etc.
A ma connaissance la vague récente de ce mouvement (il y en a probablement eu d’autres auparavant) a débuté avec le livre « La vie normale de l’Église » du martyr chinois Watchman Nee (milieu du XXème siècle). Puis récemment Frank Viola a publié coup sur coup plusieurs livres, dont « Le christianisme paganisé ? » et « Réimaginer l’Eglise » qui dit entre autres que beaucoup d’assemblées se sont éloignées du dessein original de Dieu pour l’Église et que nous avons besoin d’une révolution balayant le Corps de Christ, d’un changement qui défie le statu quo spirituel et redéfinit la nature même de l’Église, d’un mouvement inspiré par le projet divin pour une communauté authentique, d’un concept enraciné en Dieu Lui-même.
Plus récemment, dans « Le pasteur ou les anciens ? », René de Groot affirme que pas une seule fois dans le Nouveau Testament nous trouvons une Église dirigée par « un pasteur », qu’il est toujours fait mention de « les anciens », que c’est devenu un système tellement répandu et accepté que peu de chrétiens voient la différence avec la structure que nous trouvons dans le Nouveau Testament.
Plus récemment encore, dans « Lettres à l’Église », Francis Chan affirme : « Nous nous sommes tellement éloignés de ce que Dieu appelle l’Église. Nous en sommes tous conscients. Nous savons que ce que nous vivons actuellement dans nos églises est radicalement différent de l’Église telle qu’elle est représentée dans les Écritures. Pendant des décennies, les responsables d’Église comme moi ont perdu de vue le mystère intrinsèque de l’Église. Nous avons appris aux gens à s’asseoir sur les bancs pour devenir dépendants de choses de moindre importance. Il est temps que cela change ».
Cordialement
Réponse d’un pasteur :
Bonjour
- A moins de se réunir sur une plage… pour que les personnes soient à l’abri, voient clair, entendent quelque chose, cela demande des frais qu’on ne peut nier. Même si on se réunit dans une salle à manger, quelqu’un a payé. Qu’on simplifie et élimine les frais non indispensables est sans doute une bonne idée.
- Pour ce qui est du salaire des pasteurs ? Si un homme ou une femme prend 5 ans d’études pour apprendre à lire la Bible, travailler l’hébreu et le grec du texte original (prenant ainsi la Bible au sérieux), pour creuser les questions théologiques, si cet homme ou cette femme passe sa semaine à rendre un service de théologien pour accompagner des personnes, des familles et des communautés, comment cette personne pourrait gagner de quoi assurer sa survie biologique ? Je suis d’accord que « pasteur » est une fonction comme une autre, précisément : le plombier aussi a besoin de manger et donc d’être de temps en temps un peu payé pour son travail. Même un théologien a besoin de manger, de se vêtir, de se loger. Jésus lui-même ayant abandonné son travail de charpentier pour assurer son ministère de prédicateur a bénéficié de l’assistance matérielle de personnes riches qui l’entretiennent. Car même Jésus avait besoin de manger, de se vêtir et de se reposer.
- On peut abandonner le fait de former des pasteurs, certes, mais c’est alors au détriment d’un travail théologique et biblique en profondeur pour l’ensemble des personnes, chacun est alors plus soumis à l’influence de l’idée de l’instant sans avoir les moyens de se forger sa propre opinion en connaissance de cause. C’est la même chose en ce qui concerne l’éducation et la culture de la population : ceux qui sont le plus contre élever le niveau d’éducation sont les gouvernements totalitaires, car une personne éduquée est une personne plus libre et moins manipulable. Il en est de même pour ce qui est de la religion : en réduisant le niveau de formation théologique et biblique de personnes en charge de la formation des fidèles, en réduisant part de formation des fidèles, en faisant des prédications plus courtes, plus élémentaires… on renforce le pouvoir du leader. C’est peut-être ce qui est derrière cette idée de supprimer ce service que rend l’église qui consiste à aide chaque personne à progresser dans sa propre interprétation de la Bible et sa réflexion théologique. Car cela demande effectivement des professionnels bien formés, cela demande de l’organisation et de s moyens suffisants.
- Quant aux « nécessiteux », il est clair que la solidarité est un des fruits essentiels de la foi chrétienne. Seulement, « l’humain ne vit pas de pain seulement, » comme le rappelle Jésus en citant la Bible, « mais il vit (aussi) de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu ». Bien souvent l’essentiel de la solidarité en ce qui concerne le pain et l’insertion sociale est aujourd’hui pris en charge par les institutions civiles (ce qui est très bien, et inspiré par l’évangile), mais qui s’occupera de la dimension spirituelle de la population si personne ne prêche ? Qui aidera les personnes à approfondir, à réfléchir, à avoir les outils permettant de ne pas se laisser manipuler par le bout du nez ? C’est la mission principale des chrétiens d’offrir un service élevant la personne, la mette en contact direct avec Dieu. C’est tout autant utile pour celui qui bénéficie de l’aide sociale que pour le milliardaire, et dans l’église, l’un et l’autre sont assis à la même table pour recevoir cela.
- Et, pour que la qualité soit au rendez-vous, cela demande de s’organiser, d’avoir des lieux de formation, des bibliothèques et des facultés de théologie, des locaux avec des tables, des chaises, du chauffage et de la lumière et même des toilettes et une machine à café, peut-être.
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Oui. C’est effectivement des pistes à emprunter. Revenir peut-être à une pratique du sacerdoce universel…
Revenir à l’église primitive (paulienne ?). On peut aussi s’inspirer de la pensée de Jacques Ellul à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, et je rejoins la réponse du Pasteur, il y a une déchristianisation de fond de la société et les églises
devraient réfléchir aux raisons et à leur responsabilité. Et puis qu’attendons nous de la vie ? La résurrection après notre mort ?
La fin du Monde ? C’est aussi cela …
Je pense que la présence de pasteurs est indispensable à l’Eglise et à la société, cela offre une confiance et une visibilité dont beaucoup de gens ont besoin. D’ailleurs ce site aurait-il la même saveur s’il n’était pas animé par un pasteur ? Et évidemment il faut qu’ils soient rémunérés ; personne ne peut fournir un tel engagement bénévolement, ce n’est pas raisonnable. Cela n’empêche nullement d’inventer à côté de cela d’autres formes d’églises.