Extrait d"un tableau de Spitzweg représentant un bibliothécaire

Par : pasteur Marc Pernot

Quand Jésus dit  » le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat  » (Marc 2:27) il dit cela pour expliquer son attitude, libérale par rapport à cette excellente pratique religieuse qu’est le Sabbat. Cette réponse de Jésus est lumineuse, elle remet parfaitement les choses en place, en perspective dans notre existence. Ce qui importe dans la religion, ce n’est pas la religion elle-même mais c’est le projet de Dieu pour que l’homme puisse vivre

La religion doit être faite pour la personne humaine, pour son développement, son cheminement, sa création. C’est cela qui est sacré aux yeux de Dieu, pas la religion en elle-même.

Cette phrase de Jésus, nous pouvons la décliner pour chacun des éléments fondamentaux de notre religion. Le culte est fait pour nous aider, la prière est faite pour nous aider, la Bible est écrite pour nous. Ce sont des moyens qui nous sont donnés, comme on offre un vélo d’appartement à quelqu’un qui doit faire de l’exercice pour être plus en forme.

Le protestantisme, et particulièrement le protestantisme réformé, insiste sur cette juste place du culte dans la vie du fidèle : un simple moyen fait pour l’homme, mais un moyen utile. L’expérience montre que la participation au culte est très efficace pour avancer, pour approfondir sa réflexion personnelle, mais aussi sa relation à Dieu et ses relations aux autres. Cela fait près de 2500 ans que l’on expérimente cette efficacité, depuis le développement du culte à la synagogue. Ce culte est apparu, lui aussi, comme un mouvement de réforme, nous en avons gardé les traces dans la Bible, dans les Psaumes et les paroles des prophètes qui critiquent le côté purement formel des rites qui étaient pratiqués au Temple de Jérusalem et dans les autres lieux de sacrifices. Jésus reprend plusieurs de ces paroles, par exemple :  » C’est la miséricorde que j’aime et non les sacrifices, c’est la connaissance de Dieu plus que les holocaustes.  » (Osée 6:6, Matthieu 9 :13). Tout, dans le Temple et dans les rites du Temple, était considéré comme infiniment sérieux, important, sacré. Les prophètes, et Jésus encore plus, remettent l’acte religieux à sa place. L’acte religieux n’est pas fait pour Dieu, comme le pensaient les prêtres du temple, mais l’acte religieux est fait pour l’homme, nous dit Jésus. Le culte est un moyen utile au service de la personne humaine, pour qu’elle progresse dans sa qualité d’être, dans sa capacité à vivre bien, dans sa capacité à faire du bien, grâce à une juste relation avec son prochain et avec son Dieu.

Le culte est fait pour l’homme. Mais il y a quand même un culte que l’on peut rendre à Dieu. Ce culte, c’est la conversion personnelle. C’est ce que l’on voit dans la conclusion de la parabole de la brebis perdue. Jésus dit qu’il y a  » de la joie dans le ciel  » pour un seul pécheur qui change d’orientation grâce à Dieu, plus que pour 99 juste qui seraient déjà en train de chanter des Alléluyah (Luc 15). C’est ainsi que le véritable culte (littéralement : le service) rendu à Dieu n’est pas l’acte visible et extérieur, mais ce qui se passe à l’intérieur de l’homme. C’est ce que Jésus explique à la Samaritaine , il lui dit qu’à partir de maintenant ce n’est plus sur telle montagne ou telle autre que nous adorerons le Père, mais  » en Esprit et en fidélité  » (Jean 4:21-24).

L’essence du culte c’est donc la conversion. C’est cela qui rend service à Dieu. Car cette démarche nous fait du bien, et Dieu se réjouit de nous voir recevoir la vie. Le culte doit être fait pour l’homme, très concrètement, très pragmatiquement pour que nous puissions avancer. Cela demande des réglages assez fins, car il faut que le culte puisse à la fois être assez fort pour aider la personne à avancer réellement mais, qu’en même temps, ce culte ne soit pas le sommet de la vie spirituelle du fidèle, qu’il reste un simple moyen au service de la prière et de la réflexion personnelle de chacun.

Pour avancer en marchant, il est utile d’avoir un pied qui s’appuie sur le sol pendant que l’autre prend le risque de se lancer en avant. Il semble qu’il en soit de même pour notre cheminement personnel. Nous avons besoin d’un enracinement solide et nous avons besoin d’un élan, d’une prise de risque vers l’avant. Dans bon nombre de paroisses protestantes, nous avons choisi d’avoir notre pôle d’enracinement dans la forme et d’avoir le souffle de nouveauté dans le fond. D’autres églises, et c’est leur droit, ont une forme de culte moderniste et un fond très conservateur. C’est pourquoi notre culte est délibérément dépouillé, presque austère. Nous évitons de jouer sur l’ambiance ou la sensiblerie, l’atmosphère est recueilli. La liturgie du culte cherche à exprimer cet enracinement. A travers un cadre stable et des paroles essentiellement tirées de la Bible elle-même. La prédication cherche à partir de la Bible mais en portant sur des questions profondes, abordées sans complaisance, le but étant plus d’aider chacun à se poser des questions, à se remettre en question que d’apporter des réponses.

Le fait même de se déplacer (un dimanche matin !) pour aller dans ce lieu étrange, avec des personnes que l’on a pas choisies et très diverses, pour participer à ce culte est déjà un exercice spirituel en soi. On peut se dire à soi-même :  » montre moi ton agenda et je te dirai qui tu es, ce que tu vas devenir ! « . C’est ainsi que des personnes comme Paul Ricœur et Théodore Monod, qui avaient déjà quelques moyens de penser par elles-mêmes, allaient au culte régulièrement. C’est un choix, celui de faire une place à Dieu. C’est une démarche, et c’est un témoignage.

Quand nous allons au culte, peut-être que ce jour-là, les chants ne nous plairont pas, peut-être que la prédication ne nous parlera pas, mais le fait même d’avoir creusé un espace dans notre emploi du temps, le fait même d’avoir espéré avancer grâce à Dieu et d’être sorti de chez nous pour aller avec les autres, cette démarche portera son fruit en nous et pour les autres. Et finalement, le succès indéniable du culte dominical est peut-être là. Cela expliquerait que parmi les activités de notre église, la plus suivie soit le culte. Les techniques modernes de communication élargissent encore ce succès, puisque sur notre site Internet aussi, les pages sur le culte et les prédications sont de très loin les pages les plus visitées, et qu’à la télévision ou à la radio les cultes sont bien plus suivis que les débats.

Et pour la personne qui a du mal à venir physiquement au culte, ou qui aurait du mal encore à franchir le pas en se déplaçant physiquement ? Nous essayons de proposer des enregistrements du culte (sur CD ou cassette), nous envoyons chaque semaine aux personnes qui le désirent le texte de la prédication (quand elle est disponible), et nous mettons sur Internet la vidéo de la prédication.

Rien de tout cela n’est possible sans votre participation. C’est ensemble que nous faisons le culte. Et c’est par la foi, dans le secret de notre espace intérieur que nous rendrons un culte à Dieu, celui de la miséricorde et de la conversion.

Marc Pernot

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