mère et fille adulte se promènent sur une route en bordure de forêt - Photo by Johannes Plenio on https://unsplash.com/photos/pxEroa7lYx8
Développement

Face à la probable mort prochaine d’une proche, comment la foi protestante considère la mort ?

Par : pasteur Marc Pernot

mère et fille adulte se promènent sur une route en bordure de forêt - Photo by Johannes Plenio on https://unsplash.com/photos/pxEroa7lYx8

En pensée avec vous deux. Et en prière. Vous n’êtes pas seules sur ce chemin. Dieu est fidèle.

Question posée :

Cher Pasteur,

Je vis actuellement une situation très douloureuse, on a diagnostiqué des métastases à ma mère lui laissant peu d’espoir. Bien avant ce coup dûr pour nous, j’ai entrepris de faire une place à Dieu dans ma vie et d’être baptisée. Et cela ne m’empêche pas de continuer ma lecture des évangiles, d’autant plus que les trajets pour aller voir ma mère le week-end pour la soutenir me donne du temps pour lire.

Je vous avoue que je ne sais pas comment affronter cette situation (alors que je suis psychologue!!), comment la mort est-elle envisagée dans le culte protestant?

Je vous souhaite une bonne fin de journée,

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

De tout cœur pour toutes les deux, quelle chance vous avez d’avoir ce lien. Quelle chance elle a d’avoir une fille si soutenante. Ne vous épuisez pas non plus, et dans un sens profitez toutes les deux de ces moments ensemble, qui peuvent être parmi les meilleurs moments passés ensemble de toute vos vies à toutes les deux. Plusieurs personnes ayant vécu des temps comme ça m’en ont parlé. Des moments qui restent, et qui seront importants pour vous, des moments de lumière pour toute votre vie, des moments vrais rendus vivants par l’amour. Et des moments qui resteront aussi à votre mère pour la suite de sa route, je pense. Ensuite, je ne veux pas trop vous mettre la pression sur ce qu’il faudrait faire, si j’étais moi-même proche de la mort, je ne sais pas ce que je souhaiterais mais j’ai l’impression que j’aimerais que ce temps avec une personne que j’aime soit aussi normal et naturel que possible, sans accents de tragédie.

La maladie n’appartient pas à la volonté de Dieu, bien entendu, et il lutte avec nous contre le chaos et la maladie, et il œuvre pour nous donner de la force, avec lui, même des moments terribles (sans les justifier pour autant), peuvent devenir des moments qui nous permettent d’approfondir la qualité de notre être et de nos relations. C’est le cas de ce temps terrible où votre mère serait semble-t-il condamnée à court terme. Que ce puisse être un temps vrai entre vous deux, un temps de vie. attention toutefois à ne pas vous épuiser à la tâche, cela ne sert à rien, au contraire. Il vaut mieux descendre un peu moins et que ce soit un moment génial que de s’user physiquement et moralement, ce qui nuirait à la qualité de ces temps.

Vous avez raison de parler de « peu d’espoir », c’est à dire de l’espoir quand même. On ne sait jamais. C’est une question de probabilité, et une petite probabilité n’est pas rien, le cancer apparait et disparaît parfois sans qu’il n’y ait de raison connue. Notre être est une réalité si complexe, avec le corps, l’esprit et l’âme faisant une seule personne.

La mort est une certitude, il n’est donc pas inutile de l’envisager même si nous n’en savons rien, en vérité, ni de l’heure ni ce qu’il y a après. Nous verrons bien ou nous ne verrons rien. Personnellement je pense vraisemblable que notre vie continue.

La Bible est très discrète à ce sujet. C’est un choix délibéré et stratégique de la part des auteurs de ces livres.

  • L’Ancien Testament fait comme s’il n’y avait rien après, et à mon avis ce n’est pas par ignorance, les hébreux étaient entourés de peuples pour qui cet espoir était essentiel (en particulier les égyptiens, oh combien), c’est à mon avis pour que nous vivions la vie présente pour elle-même, sans la sacrifier pour la vie future. Et à mon avis c’est génial, essentiel. Il faut vivre le temps présent en vue de l’approfondir de lui donner de la qualité, c’est déjà tout un travail, et cela suffit.
  • Le Christ affirme qu’il y a une vie future, au delà de la mort physique, et c’est à mon avis une bonne chose à noter, comme un point de suspension qui nous donne une espérance d’une autre dimension. Mais le Christ aussi passe rapidement sur cette question pour nous inviter à vivre le temps présent en dans la joie de vivre en ce monde, mais aussi en approfondissant sa dimension spirituelle, divine, qui est une qualité de relation avec Dieu, avec les autres et avec nous-mêmes. Et il me semble que nous pouvons encore plus vivre avec le Christ ce temps présent sans nous préoccuper de notre avenir éternel, car nous voyons en lui que Dieu est amour, que nous n’avons rien à craindre de lui, que nous pouvons lui faire confiance pour que tout soit au mieux venant de lui. Et donc en particulier en ce qui concerne la vie future.

La mort de ce corps serait donc une porte vers une vie future. Bien sûr, nous ne pouvons imaginer maintenant comment nous pourrions être vivant sans ce corps que nous sommes aussi en ce monde. Mais nous verrons bien. Ce que nous dit Jésus, c’est que ce qui est vivant de la vie spirituelle que j’évoquais ci-dessus est magnifique en ce temps et en plus, cerise sur le gâteau, demeure au delà de la mort physique. Génial. Cela ne me semble pas être seulement une belle idée pour nous rassurer face à la fragilité de l’existence en ce monde. Nous pouvons expérimenter quelque chose de cette réalité par l’amour. Si le corps d’une personne que nous aimons est diminué, malade, handicapé ou même mort, nous n’aimons pas moins cette personne pour autant ! C’est bien l’expérience que la vie et de la relation qui dépasse la simple survie du corps.

Cette confiance en Dieu que nous donne le Christ fait que nous ne prions pas pour les morts, comme si nos prières pouvaient attendrir Dieu, comme si Dieu ne nous aimait pas encore assez de lui-même ?!

En même temps, la mort n’est pas rien du tout, elle est aussi une expérience dramatique.

  • Car le corps est si important pour nous que nous ressentons évidemment la mort de nos proches comme une coupure, même si nous continuons à les aimer. Nous voudrions leur parler, les prendre dans nos bras, et nous ne le pouvons plus.
  • Et la mort prématurée est également dramatique, car même si la vie en ce monde n’est qu’une étape, il est bon qu’elle soit vécue entièrement, que tous les âges de la vie soient vécus.

Donc bref, comme on dit souvent avec une jolie formule : la question n’est pas tant de savoir s’il y a une vie à après la mort, la question est déjà de savoir si nous sommes  vivant avant la mort, vivant et existant d’une façon intense, profonde, authentique, et si possible belle et heureuse d’une certaine façon. Cette question est l’essentiel, c’est pourquoi, je pense, la Bible est si discrète sur la vie après la mort. Pour ne pas nous détourner de ce qui est essentiel pour nous aujourd’hui : vivre. Vivre d’une façon aussi belle que possible. L’apôtre Paul insiste sur ces trois dimensions qui valent la peine : la foi, l’espérance et l’amour (l’amour au sens de se soucier de l’autre). Cela me semble une bonne piste, y compris dans ce que vous vivez votre mère et vous, bien sûr.

Cela me fait penser à un article que j’ai lu il y a quelque temps un ancien article de « protestinfo » (protestantisme roman) rapportant le témoignage d’une infirmière en soin palliatif. Voici les cinq principaux regrets des mourants :

  • J’aurais aimé avoir le courage de vivre en accord avec moi-même au lieu de mener la vie qu’on attendait de moi.
  • Si seulement je n’avais pas travaillé autant.
  • Si seulement j’avais eu le courage d’exprimer mes sentiments.
  • Si seulement j’avais gardé le contact avec mes amis.
  • Si seulement je m’étais autorisé à être plus heureux.

Bon, c’est un peu terre à terre, on a le droit d’avoir des préoccupations qui seraient plus nourries par une idée du bien et de la justice, une vision du bonheur qui soit plus profonde, enracinée dans le bonheur qu’il y a aussi à rendre les autres heureux, et dans l’élévation spirituelle… mais la question me semble intéressante, encore plus intéressante si demain nous est encore donné à vivre : que serais-je heureux d’être et d’avoir fait ?

Ave cmes pensées fraternelles pour toutes les deux.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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