Un culte de l
Question

Pensez vous qu’une femme puisse être pasteur ?

Par : pasteur Marc Pernot

Un culte de l'Eglise Protestante de Genève - Instagram de l'EPG

Question posée :

Bonjour,

Que pensez vous du Ministère pastoral des femmes?

Avec mes remerciements

Henry

Réponse d’un pasteur :

Bonjour Henry

Le fait que les femmes puissent être pasteur est assez tardif dans les églises protestantes est maintenant tout à fait habituel dans les églises protestantes du monde entier (ce qui n’est pas le cas dans les églises catholiques ou évangéliques, et ce qui est également possible mais rare dans le judaïsme).  Il faut reconnaître que cela a pris bien trop de temps, à mon avis. Le fait même qu’une femme puisse  suivre des études de théologie a été accordé seulement vers la fin du XIXe ou début XXe selon les pays. Et nous avons dû attendre souvent le milieu du XXe siècle pour qu’elles puissent accéder pleinement au  ministère pastoral et non être seulement quelque chose comme sous-pasteur adjoint.

Pourtant, si l’on regarde le Nouveau Testament, c’est incroyable qu’il ait fallu attendre si longtemps. Car il apparaît qu’à la suite de Jésus les femmes aient eu une véritable place aux plus hautes responsabilité. Le ministère pastoral féminin n’est donc pas une invention du XXe siècle mais un juste retour à l’impulsion donnée par Jésus-Christ.

Contrairement à certaines habitudes de l’époque réservant aux mâles l’enseignement biblique, dans l’entourage de Jésus, les femmes sont dignes de recevoir l’enseignement du Christ, et de s’asseoir comme Marie, sœur de Marthe & Lazare, aux pieds de Jésus pour écouter son enseignement, et le groupe de disciples de Jésus comprenait des hommes et des femmes, pas seulement des hommes.

Les évangiles disent également que es femmes sont « au service » des autres, le verbe employé est en grec diakoneo est important car c’est celui qui désigne la fonction de diacre existant au temps de rédaction des évangiles, et que ce verbe est utilisé par le Christ pour parler de sa propre mission «le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie» (Mr 10:45).

Et enfin, les évangiles culminent tous plus ou moins sur la figure de Marie Madeleine qui surpasse les plus grands apôtres, Pierre et Jean, dans l’expérience du Christ ressuscité, et devient ainsi, explicitement, l’apôtre des apôtres, chargée d’annoncer l’Évangile aux 11 apôtres qui restent… des hommes qui, eux, ont abandonné Jésus et qui restent coupés de lui, et qui longtemps méprisent le témoignage des femmes, bloqués dans leurs préjugés culturels faisant que le témoignage d’une femme ne vaut pas grand chose… Marie Madeleine est ainsi faite par le Christ ressuscité une apôtre, mais on pourrait dire que la Samaritaine, également, est envoyée vers les hommes de son village pour les mener vers Jésus (Jean 4). On pourrait dire que Marthe est envoyée par Jésus vers sa sœur Marie (Jean 11).

Ensuite, nous voyons dans les Actes des apôtres que les fils et les filles sont porteurs de l’Esprit, et donc faits prophètes (Actes 2:17), appelés à témoigner dans le monde du point de vue de Dieu. En particulier les 4 filles du diacre Philippe (Actes 21:9)

Dans les épîtres de Paul, nous voyons que des femmes avaient des rôles de premier plan à tous les niveaux :

  • Apôtre : Junia (Romains 16:7), malgré les tentatives quelques siècles plus tard de masculiniser ce nom en Junias, montrant bien le scandale que cela a posé quand les machos ont repris l’église chrétienne en main).
  • Diacre : Phoebé, notre soeur, qui est diaconesse de l’Eglise de Cenchrées (Romains 16:1)
  • Collaboratrice de Paul : Prisca est une collaboratrice dans le Seigneur (Romains 16:3)
  • Responsable d’une assemblée chez elle : Lydie (Actes 16)

fresque des catacombes de Priscilla à Rome, une femme en position d'orante, enseignantAlors c’est vrai qu’il existe quelques versets des lettres de Paul qui disent que la femme ne devrait pas avoir l’autorité sur l’homme ou que la femme doit se taire dans une assemblée ( !!! 1 Cor 14:34). Mais il me semble que l’on ne peut pas faire autrement que de penser que ces phrases était liées à des circonstances très particulières d’une ville, puisqu’ailleurs Paul n’applique lui-même pas ce genre de restrictions, ni dans d’autres villes, ni même à Corinthe, puisque quelques chapitre avant (1 Cor 11:5), le fait d’enseigner en public n’est pas interdite aux femmes, mais elles doivent le faire de façon digne, sous l’influence de l’Esprit et pour l’édification de la communauté. Cela correspond à un usage pendant des siècles, en effet, il y a bien des représentations dans les catacombes de Rome montrant des « orantes », des femmes conduisant manifestement la prière avec du public autour.

Mais même si Paul avait été favorable à cantonner la femme dans des postes ancillaires (ce que je ne pense pas que l’on puisse raisonnablement penser, mais même si tel était le cas), ce n’est pas Paul qui est notre Christ mais Jésus. Nous ne sommes pas pauliniens mais chrétiens, disciples de Jésus. C’est lui qui a fait d’une femme l’apôtre des apôtres, « apostolorum apostola » comme le remarque aussi Hippolyte de Rome à la fin du IIe siècle. Alors, bien entendu, il n’est pas question d’être fondamentaliste, c’est à dire de lire les écritures comme si elles étaient une loi éternelle gravée par le doigt de Dieu sur des tables de pur diamant, et dire à partir de cela que les plus hautes responsabilités d’enseignement devraient être réservées aux femmes. Mais en tout cas un tel épisode me semble rendre impossible d’interdire catégoriquement de laisser une femme enseigner dans une assemblée ou être pasteure, ou avoir autorité sur ses frères les hommes.

Il me semble donc juste de dire que des femmes comme des hommes sont appelé-e-s au ministère pastoral. Mais à vrai dire, cela n’a rien d’extraordinaire car le pasteur est avant tout un théologien au service d’une église locale, un permanent d’association, un serviteur pour des personnes et une communauté. Or, tout cela n’est pas une question de sexe. Le fait d’avoir un pénis ou non, avoir un vagin on non : cela n’a aucune utilité ni manque pour ce genre de fonctions.

Même dans l’Ancien Testament (la Bible Hébraïque), écrit il y a 2500 à 3000 ans, on voit des femmes prophètes et dirigeantes, comme Myriam la sœur de Moïse, comme Deborah, comme Rebecca qui est bien plus prophète que son mari Isaac… et tant d’autres.

On voit que l’humanité entière, homme et femme, sont annoncés comme créés à l’image de Dieu (Genèse 1:27), et dans l’Evangile, Jésus invite toute personne, sans discrimination aucune, à prendre sa propre croix et à suivre le Christ. C’est ainsi que, quel que soit le sexe, toute personne est appelée à être christique, apporter du salut dans le monde par ses paroles et ses actes. Qu’une personne ait un pénis est une spécificité physique par rapport à une personne ayant un vagin, cela n’offre aucun avantage ou inconvénient pour annoncer la Parole de Dieu, Parole qui a été incarnée en chacune et chacun.

Ce qui a donc empêché les églises de reconnaître leur place aux femmes comme aux hommes dans le poste de pasteur, cela me semble être tout simplement la culture ambiante de la société, assez machiste. La tradition humaine. Il ne faut pas en vouloir à l’Église, ni au églises particulières. Elles sont imparfaites mais utiles. Elles sont  ce que nous en faisons. Elle sera ce que nous en ferons. Pour le meilleur et pour le pire. Alors la regarder avec bienveillance et espérance, autant l’aider à s’améliorer un petit peu, se convertir sans cesse.

Amitiés fraternelles.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Voir mafemmeestpasteure.ch de la pasteure Carolina Costa

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11 Commentaires

  1. Ciba dit :

    pourquoi ne pas parler de 1 Timothée 2:11-12?
    est-ce que l’appel au pastorat consiste à dire que Christ est ressuscité ou autre chose?

    1. Marc Pernot dit :

      Parce que la discrimination qu’encouragent ces versets, si elle est bien de Paul, ne peut être que liée au contexte très particulier d’une communauté. En effet, par ailleurs, Paul est celui qui dit « Il n’y a plus ni homme ni femme » en Christ.

      Et de toute façon, nous ne sommes pas « Pauliniens », mais « Chrétien » et que Christ envoie enseigner par exemple la femme Samaritaine aux habitants de son village et que Christ envoie Marie-Madeleine enseigner la résurrection aux apôtres réunis dans la salle haute. Ces envois pour annoncer le Christ font de ces femmes des apôtres, ayant une autorité sur les autres personnes, prêchant en public. D’autres femmes comme la marchande de pourpre Lydie est cheffe de la première église de la ville de Philippe, et héberge l’apôtre Paul dans sa maison, où se tient l’assemblée.

      Par conséquent, entre ces deux possibilités, celle de la discrimination contre les femmes, et celle de la non discrimination, il me semble qu’on doive choisir de suivre l’exemple du Christ, et laisser derrière une interprétation discriminante. Et quand bien même on respecterait autant l’apôtre Paul et Jésus-Christ (ce qui n’est pas mon cas), dès lors qu’il y a des textes laissant penser à une limitation de droits de certaines personnes et d’autres textes laissant penser à une ouverture de droits à tous, il me semble plus fidèle de laisser l’Esprit souffler, sans risquer de s’y opposer. En cas d’hésitation, mieux vaut rester modeste.

  2. irgvap dit :

    Lorsque l’âme accueille Jésus au plus profond, lorsque l’Esprit Saint guide profondément sous le Dieu Amour, que cette âme soit d’un homme ou d’une femme, c’est le Jésus prêtre/pasteur en cette âme avec l’Esprit Saint qui révèle le prêtre/pasteur=Jésus en soi avant tout et surpassant donc le fait que l’on soit homme ou femme.
    On ne se décrète pas homme ou femme pasteur/prêtre, c’est Dieu qui révèle : mais les Hommes d’Eglises ne voient pas, n’entendent pas toujours ce qu’ils doivent voir et entendre dans ce qui se révèle autour d’eux. Comme à travers la Bible….
    C’est bien ce que Dieu me dit dans mon humble foi.

    1. Marc Pernot dit :

      Pour ce qui est d’être prêtre, lors du baptême catholique comme protestant on comprend le fait que la personne, même si elle est encore enfant, est « prêtre prophète/prophétesse et roi/reine », par la seule grâce de Dieu.
      Ensuite, en ce qui concerne les ministère dans l’église, c’est vrai qu’il convient qu’ils soient ordonnés et coordonnés, formés et reconnus par l’église qui les emploie.

  3. irgvap dit :

    La grâce de Dieu opère-t-elle sur tous les enfants lors d’un Baptême ?
    Car comment expliquer que dans une famille, père mère et fratrie ne sont pas croyants malgré un Baptême et que le seul enfant qui croit envers et contre tout depuis son plus jeune âge et jusqu’à l’âge adulte, à l’épreuve commune de la vie, serait alors donc celui qui aurait reçu une Grâce particulière ?

    1. Marc Pernot dit :

      La grâce n’opère pas par le baptême. C’est l’inverse : Le baptême est le signe d’une grâce de Dieu qui a précédé, et qui (par définition même de la grâce), n’a pas d’autre cause que l’amour de Dieu pour la personne en particulier.

      Le fait que ce soit une grâce est accordé par Dieu sans condition, et donc laisse entièrement libre la personne. Elle est l’amour de Dieu sur cette personne, qu’elle devienne croyante ou non, priante ou non. C’est cela; la grâce de Dieu : un amour même unilatéral, même si la personne devenait ennemi de Dieu, nous dit Jésus. C’est pourquoi je trouve bien de baptiser même le nouveau né qui ne comprend encore rien de Dieu. Cela exprime bien cet amour de Dieu inconditionnel, et cet appel à le vivre, ensuite.

      Ce qui est laissé à la liberté n’est donc pas la grâce, mais la foi. La grâce de Dieu appelle notre foi, la rend possible, sans l’imposer. Heureusement. Que serait un amour, une amitié, une foi, un bonheur qui serait imposé sous menace de vie ou de mort ???

  4. irgvap dit :

    Peut-être que le Baptême est une invitation à la Grâce
    et que la Grâce advient ensuite si le coeur ne se ferme pas ?

  5. irgvap dit :

    Baptisée mais isolée dans la famille de par ma foi, j’ai ressenti Jésus, Dieu très proche de moi dans les pires moments de maltraitance. Ma foi fut attaquée aussi. Mais ma foi m’a aidée à surmonter, survivre. J’ai tenté de faire entendre que je pardonnais. Mais en vain. Ce fut un échec. Pour moi la Grâce (une présence d’Amour plus forte et plus dérangeante car étonnante à réaliser), je l’ai ressentie un jour dans l’enfance bien après le baptême, comme une force d’amour, une aide pour être plus forte dans ma foi dans l’isolement face à la maltraitance, face à l’incompréhension etc.. C’est pourquoi il m’est plus difficile de saisir la différence entre le Baptême et la Grâce car c’est plus tard à travers les épreuves que j’aurais donc réalisé la Grâce déjà accordée mais précédant le Baptême.
    Je vous remercie pour votre aide à la bonne compréhension.

    1. Marc Pernot dit :

      C’est très touchant.
      Oui, vous avez expérimenté la grâce sous la forme d’une rencontre. Elle a pu se manifester de bien des façons aussi avant, autrement. Dans le fait d’avoir la foi, d’avoir la force du pas suivant, et puis celle d’être née, de grandir, de s’éveiller au meilleur au delà du pire.
      Dieu vous bénit et vous accompagne chaque jour, depuis les commencements et pour toujours.

  6. irgvap dit :

    Merci croyez bien que votre réponse m’aide à prendre de l’assurance.
    Depuis que je suis sortie du pire…. et après la reconstruction, je me suis retrouvée progressivement enfin à l’aise avec Dieu et j’adore les petits pas à sa rencontre ! Mieux vaut tard que jamais.

    1. Marc Pernot dit :

      Génial. J’aime beaucoup votre joie des petits pas à sa rencontre. C’est tout à fait là l’essentiel de la démarche, je pense. C’est comme cela qu’une vraie relation se construit, avec fidélité et solidité, robustesse, intimité et joie.
      Dieu vous bénit et vous accompagne.

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