"Mon père était un araméen nomade" (Deutéronome 26:5) - Image par jacqueline macou de Pixabay
Développement

Comment être sûre que mon projet correspond bien à ce que Dieu souhaite pour moi ?

Par : pasteur Marc Pernot

"Mon père était un araméen nomade" (Deutéronome 26:5) - Image par jacqueline macou de Pixabay

Question posée :

Bonjour !

Tout d’abord, je voulais vous dire que ma gratitude et mes sincères remerciements vont à l’Église de Genève pour ces prédications et ce site qui est pour moi une véritable mine d’or pour appréhender au mieux – en en conscience – le quotidien et la vie en général.

Il y a une expression en Anglais que j’aime beaucoup et qui reflète parfaitement la difficulté à laquelle je suis confrontée en ce moment : « to be where i’m supposed to be ». Plus précisément, comment savoir si nous sommes – ou non – « where we’re supposed to be ».

Pour faire simple, je suis sur le point de prendre des décisions de taille, qui je le sais vont changer le cours de ma vie : il s’agit à la fois d’une reconversion professionnelle et d’une expatriation. Avec à la clé une vie plus simple, sans doute beaucoup moins d’argent, mais l’opportunité de vivre dans un endroit où je me sens sereine, en terre d’Islam (les échanges toujours fructueux ont le don de raffermir ma foi chrétienne) et au contact de plein de gens de diverses origines et traditions.

Cette volonté de changement survient à la suite de longues années passées à exercer une profession qui ne m’intéresse pas (après des études choisies un peu par défaut), et à essayer sans succès de m’adopter à un mode de vie et un référentiel de valeurs qui ne me correspondent pas. Cela s’est traduit par une dizaine d’années de mal-être, un burn-out, plusieurs épisodes dépressifs, etc. Et plus généralement une attitude agressive, aigrie, défaitiste, révoltée… rien de bien extraordinaire à vrai dire, juste les manifestations d’une souffrance intérieure.

Au fond de moi, je sens de plus en plus que ce changement de vie va me permettre de tirer un trait sur un passé où je me suis laissée porter par les événements sans écouter ce que me disait ma conscience. Que cet endroit où je cherche à m’installer est « where I’m supposed to be ». J’ai beaucoup voyagé et nulle part je ne me suis sentie vraiment chez moi ; mais là-bas, dès mon premier séjour, et à chaque fois depuis, j’ai ressenti une connexion particulière, une envie de m’enraciner, de m’arrêter enfin, et de la tristesse quand je dois repartir. J’ai senti que j’étais arrivée dans un endroit où mes valeurs et mes traits de caractère ne seraient plus vieux jeu ou inadéquats.

Les gens qui ont changé de vie du jour au lendemain racontent qu’ils ont eu comme un déclic, qu’au milieu du brouillard une lueur est soudain apparue, qui a tout envahi. Et qu’ensuite ils sont passés à l’action avec détermination et sang froid.

Pour ma part, ces changements sont de taille et je suis loin de vivre dans une absolue sérénité : le jour j’ai la tête froide et de la fermeté ; la nuit en revanche je ne dors pas toujours bien, les idées sont emmêlées. Je me laisse aussi gagner par les angoisses de mes proches, en particulier mes parents qui sont terrorisés à l’idée que je puisse quitter l’Europe, un CDI, la sécurité sociale, le système des retraites etc. Surtout pour partir dans un pays arabe, avec tout ce que l’on entend dans les infos etc. J’ai beau leur montrer les photos et vidéos que j’ai tournées à chacune de mes visites, leur parler de mes amis sur place, j’ai énormément de mal à les rassurer. Pour autant, je n’envisage pas de renoncer à mon projet, j’ai déjà renoncé à tant de choses pour ne pas les inquiéter. Mais je garde un poids sur ma conscience à l’idée qu’ils souffrent à cause de moi.

La seule personne qui accueille mon projet avec enthousiasme, c’est mon meilleur ami. Ce n’est pas surprenant : il y a plusieurs années il a scandalisé son entourage en abandonnant un poste d’enseignant-chercheur pour entamer des études au séminaire (et sa décision s’est encore affermie depuis) ; lui aussi a dû batailler ferme et il comprend très bien la difficulté de mon questionnement. Il m’a conseillé la prière pour m’aider à y voir plus clair, et affermir ma volonté. J’ai déjà beaucoup prié autour de ce sujet, et je dois admettre que prier ou lire la Bible a le pouvoir de m’apaiser et de m’aider à réfléchir. Mais je bloque sur certains points :

  • Comment être sûre que ce que « j’entends » ou ressens lorsque je prie est bien ce que Dieu cherche à me dire, et non juste ce que moi je veux entendre ?
  • Comment être sûre que les décisions que je m’apprête à prendre correspondent bien à ce que Dieu souhaite pour moi ? Je sais bien qu’Il ne m’inciterait pas à prendre des décisions néfastes mais peut-être ne suis-je pas assez à l’écoute ?
  • Comment trouver les mots pour rassurer mes proches ? Et si je n’y arrive pas, comment prendre cette décision que je crois être bonne pour moi sans culpabiliser pour la peine ou les inquiétudes que je leur apporte ?

J’accueillerai avec joie toute réponse, toute suggestion ou tout commentaire sur ces sujets. J’apprécie énormément le travail d’accompagnement spirituel que vous faites auprès des croyants de tous bords mais aussi auprès de toute personne qui en exprime le besoin.

En attendant, je vous souhaite à tous un excellent après-midi !

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Merci pour votre message. Grand merci pour les encouragements. Cela dit, il faut plus lire les réponses et commentaires comme des questions, des pistes éventuelles que comme quelque chose à prendre trop au premier degré. Moi-même, je réponds en pensant (et en priant) à haute voix, si je puis dire, et il est fort probable que je répondrais plus ou moins différemment si j’avais reçu telle question quinze jours plus tard.

En ce qui concerne vos projets, il est normal que vos proches se fassent du soucis. C’est qu’ils vous aiment. Et vous seriez amie d’une personne qui annonce les changements que vous voulez opérer, je suppose que vous diriez la même chose. Et bien entendu, je pense la même chose. L’islam se porte mal actuellement, et si 99,99999 % de la population est amicale pour une chrétienne en terre d’Islam, ce qui reste de pourcent est assez inquiétant. Pourtant, puisqu’il y a un seul Dieu, nous avons tous le même, et nous devrions naturellement nous sentir en communion de foi malgré les différences de religions. Le concept même de « terre d’Islam » me semble dangereux (comme sont dangereux les concepts symétrique en Europe, ou en Israël, en Inde, ou ailleurs…), cela me semple précisément à l’encontre de votre belle inspiration qui fait que vous êtes en droit de vous sentir bien dans le pays où vous désirez vivre alors que vous êtes chrétienne, comme un honnête citoyen devrait pouvoir se sentir bien dans sa foi musulmane à Genève, Paris ou New-York, ou sans sa spiritualité bouddhiste, ou dans son athéisme.

Les questions que vous posez et la façon dont vous les abordez sont inspirantes. Elles doivent à mon avis rester des questions ouvertes pour nous, dans notre vie quotidienne, que ce soit lors de projets de grand changement ou quand on a le projet de ne rien changer.

Comment être sûre que ce que « j’entends » ou ressens lorsque je prie est bien ce que Dieu cherche à me dire, et non juste ce que moi je veux entendre ?

  • Il faut cette humilité, bien sûr. Et c’est donc là que vous êtes dans le vrai. En nous s’expriment bien des voix, celle de Dieu, celle de différentes dimensions de notre être, celles des blessures anciennes, celles de notre cœur, nos peurs et nos hormones… On en peut jamais être certain, et il convient de poursuivre dans la prière et de recouper ces impressions par l’intelligence et les conseils (quitte à ensuite ne pas suivre les conseils reçus).

Comment être sûre que les décisions que je m’apprête à prendre correspondent bien à ce que Dieu souhaite pour moi ? Je sais bien qu’Il ne m’inciterait pas à prendre des décisions néfastes mais peut-être ne suis-je pas assez à l’écoute ?

  • Là, je pense c’est moins difficile, car de toute façon, Dieu vous accompagnera même si vous ne suivez pas le chemin qu’il penserait optimum pour vous, et que de toute façon, même d’un échec, avec Dieu pour vous accompagner, avec vous qui vous appuyez sur lui, même d’un échec il pourra sortir de grandes et belles choses.

Comment trouver les mots pour rassurer mes proches ? Et si je n’y arrive pas, comment prendre cette décision que je crois être bonne pour moi sans culpabiliser pour la peine ou les inquiétudes que je leur apporte ?

  • Il n’y a pas de mots pour les rassurer. Pour cela, il faudrait qu’ils cessent de vous aimer !!! Vous pouvez leur dire que c’est un simple essai, une façon de prendre l’air, pour un temps ou pour longtemps, qui sait ? Et que dans l’un et l’autre cas vous êtes hyper reconnaissante de leur attention et de leur amour, que vous comptez sur eux pour vous soutenir dans son projet si vous le poursuivez.
  • Vous n’avez pas à culpabiliser. Chacun sa vie, et vous êtes en charge de la vôtre. Peut-être qu’enfin vous devenez vous-mêmes, que vous apprenez ainsi à vivre en vérité et non en décalage, étant la gentille petite qui fait ce qu’on lui dit ? Ce serait déjà hyper positif. Et cela n’empêche pas de penser aux autres, mais pour les aimer il faut déjà commencer par être soi-même. Jésus propose comme clef de la vie d’aimer Dieu et son prochain comme soi-même. Pour aimer Dieu, vous êtes bien. Pour aimer les autres, vous êtes bien. Mais il y a un 3e amour dans cet enseignement de Jésus : de s’aimer soi-même. Et l’on n’a pas à demander pardon de s’aimer soi-même. C’est indispensable pour aimer Dieu et aimer les autres en vérité, sans se perdre, sans s’épuiser, sans s’aigrir.
  • Je sais que c’est facile à dire, et il n’y a rien de plus difficile que de se pardonner à soi-même. C’est là que Dieu peut vraiment aider. C’est à recevoir et à voir grandir dans la prière, dans la louange, dans l’adoration de ce qu’il est : la base solide de notre être.

Cela dit, il n’est pas forcément nécessaire de partir à l’autre bout du monde pour vivre cette évolution. Cette rupture avec une façon d’être, de vivre, avec son environnement. C’est bien possible, dans un sens, car le changement lui-même impose de prendre de la hauteur sur sa vie, sur son être et ses relations. C’est une belle occasion de faire le tri et de simplifier ce qui est essentiel pour nous. Dans un autre sens, quand on part, on part avec soi-même et l’on se retrouve là-bas ! Les vrais voyages sont intérieurs. Les changements extérieurs sont à prendre comme des chances de se déplacer intérieurement, et ils sont donc parfois salutaires. Cela me fait penser à cette parole de la Bible « Tu prendras la parole, et tu diras devant l’Eternel, ton Dieu: Mon père était un Araméen nomade » (Deutéronome 26:5), il y a dans la disponibilité à cheminer, à évoluer, à chercher à être plus fidèle : à Dieu, à ce que l’on est en vérité, à sa vocation telle qu’on l’élabore avec Dieu et avec les circonstances, avec les personnes.

Où est-ce que Dieu vous veut ? Il vous veut en forme. Quelle que soit votre décision, prenez soin de vous, vous êtes une merveille précieuse.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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