Extrait d"un tableau de Spitzweg représentant un bibliothécaire

Par : pasteur Marc Pernot

Le pardon de Dieu est total dans l’Évangile, c’est déjà une bonne chose à noter. Notre façon de vivre a évidemment une importance majeure, mais nous voyons souvent Jésus faire la distinction entre l’acte mauvais et celui qui l’a commis. Dieu a de la haine pour le péché mais de l’amour pour le pécheur. Dieu rejette la méchanceté, mais il accueille le méchant et désire l’aider à le devenir moins. C’est ça le pardon : ce n’est pas oublier la faute, mais c’est ne pas confondre le mal et celui qui en est l’auteur, c’est vouloir du bien même à l’auteur du mal.

Dans la prière essentielle qu’il nous propose, Jésus demande dans une même phrase « Notre Père, pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés« . Effectivement, le pardon de Dieu et le pardon que nous donnerions aux autres sont étroitement liés, mais ce n’est pas un chantage de la part de Dieu, bien entendu, comme si son amour était moins généreux que le nôtre. Mais en nous reconnaissant comme pécheur et au bénéfice du pardon de Dieu peut-être que ça pourrait nous donner l’envie de pardonner à notre tour, sait-on jamais ? Mais en réalité, je crois que Jésus nous propose de demander les deux à Dieu dans le Notre Père : le pardon de Dieu, et le pardon que nous pourrions donner aux autres.

C’est vrai qu’il est parfois impossible à nos forces humaines de pardonner ni même d’avoir envie de pardonner. Il est donc essentiel que Jésus ne nous dise pas  » tu dois pardonner « , mais qu’il nous propose de le demander dans la prière, et que ce soit associé au pardon de Dieu. Le pardon est un domaine dans lequel il nous faut apprendre à grandir petit à petit, et il nous faut absolument l’aide de Dieu pour cela. Heureusement que le pardon n’est pas un commandement. Imaginez par exemple une maman dont l’enfant a été abîmé par un homme. Non seulement elle souffre avec son enfant, mais en plus elle est naturellement chargée de ressentiment contre le malade qui a commis cet acte. Il serait désastreux de lui dire  » il faut pardonner  » car cela ajouterait encore à son fardeau la culpabilité de ne pourvoir pardonner.

Mais ce que l’on peut dire, c’est qu’il est bon de pardonner, que ça fait un bien fou, que c’est une bénédiction. On peut dire que quand nous n’arrivons pas à pardonner nous pouvons alors demander à Dieu de nous aider à y arriver.

Il est bon d’être pardonné de Dieu, et il est bon d’arriver à commencer à pardonner à telle ou telle personne, il est bon d’arriver à nous pardonner un petit peu à nous-mêmes, le cas échéant.

La prière que Jésus nous a donné en exemple (le Notre Père 1) nous dit que le pardon est quelque chose que nous pouvons demander à Dieu et recevoir de lui. Dans cette prière nous lui demandons de nous pardonner et de nous aider à pardonner. Nous lui demandons l’un comme l’autre. Cette prière nous permet aussi comprendre ce que Jésus nous propose quand il dit « tu pardonneras à ton frère« 2 , cela peut être pris comme une promesse, une force qui nous sera donnée par Dieu.

Un bon pardon est un pardon qui libère tout le monde, d’abord celui qui a été blessé, espérons le, mais aussi celui qui a blessé quelqu’un. Le pardon concerne ainsi plutôt l’avenir, il ne dispense pas d’essayer de réparer nos fautes quand c’est possible, ou de marquer au moins par un geste notre volonté de le faire.

Il n’est pas facile de pardonner, mais ce n’est pas facile non plus d’être pardonné par un autre. En effet, si nous avons un peu de cœur, nous avons du remord après avoir fait du mal à quelqu’un, nous ressentons envers lui comme une dette. Si cette personne nous pardonne, cela ajoute encore à ce sentiment de dette que nous ressentons envers elle. Il n’est ainsi pas facile d’être pardonné, et il est plus encore difficile de se pardonner à soi-même les bêtises que l’on a faites.

Dans tous les cas, le pardon de Dieu est une la source qui va nous aider. C’est ce qu’affirme la Bible, et c’est ce que peut ressentir le croyant. Dieu ne tient pas sans cesse la liste de tout ce que nous faisons de mal, il a un regard plus positif que cela sur nous. La preuve, c’est la façon dont se comporte le Christ vis-à-vis des pécheurs. Il relève la femme adultère 3, il raconte la parabole de la brebis perdue4 , il parle au brigand crucifié à côté de lui et prie pour les soldats romains qui sont en train de se moquer de lui tout en le crucifiant5 , Jésus nous montre cet amour de Dieu pour nous, pécheurs, nous offrant ainsi la certitude du pardon de Dieu.

À sa suite, nous avons parfois l’occasion d’aider quelqu’un à avancer sur le chemin du pardon, il nous arrive d’aider telles personnes à se réconcilier un peu, telle autre à essayer de réparer sa faute, une troisième à se pardonner à elle-même une faute irrécupérable… Quand cela arrive, on est alors vraiment content d’avoir pu y participer.

Le sens du verbe pardonner dans les langues originales

Le verbe utilisé en grec des évangiles est « aphièmi » qui est par exemple dans le « Notre Père » pour le « pardonne nous nos offenses ». Ce verbe a un sens plus large qu’en français, il signifie « laisser tomber », comme quand les disciples laissent leurs filets et leur barque pour suivre Jésus. C’est bien ce verbe qui est utilisé dans la traduction grecque de l’hébreu par exemple quand Caïn reconnaît que son péché (ou sa peine) est trop lourd pour être pardonné » (Genèse 4:13), ou en Genèse 18:26 quand Abraham demande à Dieu de pardonner à la ville de Sodome.

Si le verbe grec aphièmi veut dire à la fois pardonner et laisser tomber, le verbe hébreu nassa qui signifie pardonner veut dire porter, supporter. Je trouve assez piquant que les images utilisées pour dire le pardon soient si différentes, elles sont même diamétralement opposées. Laisser tomber ressemble à une amnistie, une grâce où on laisse tomber l’accusation et le châtiment. Porter évoque un effort pour élever, pour porter une charge, élever le problème et si possible aussi son auteur. L’hébreu me semble ici avoir un sens plus proche de ce que propose Jésus en ce qui concerne ses bourreaux.

1 Matthieu 6:12

2 Luc 17:4

3 Jean 8

4 Luc 15

5 Luc 23:34-43

 

Marc Pernot

Suite :

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2 Commentaires

  1. Yves dit :

    Excellent article qui éclaire bien le sujet du pardon en spiritualité chrétienne, Raîssa Maritain dans:«Notes sur le Pater»Descléede Brouwer,1962, p.112 fait la distinction entre le «pardon ordinaire» ou «le pardon de nécessité de salut»â la différence du «pardon prope aux parfaits» Quelle est la différence en théologie catholique entre ces deux ordes de pardon? J’attends avec impatience votre réponse et vous remercie bien cordialement à l’avance,

    Yves

    1. Marc Pernot dit :

      Bonjour
      J’ai l’impression que c’est propre à la théologie catholique du salut, des péchés véniels et mortels, etc. Or, dans la théologie protestante, le pardon de Dieu au sens d’amnistie des péchés est chose de toute façon accordée par Dieu, par le seul fait de l’amour universel de Dieu. C’est ce que l’on appelle « la grâce » de Dieu. La question est plutôt de s’ouvrir aux soins de Dieu, aidant les victimes des fautes, et travaillant avec la personne qui en a été responsable afin qu’elle ne soit plus, ou moins, source de mal. C’est une tout autre logique que celle d’un salut compris comme un effacement des peines et sanctions.

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