05 décembre 2018

illustration : une femme souriante portant son bébé - Image:
Foi

Une vraie foi se manifeste par des actions, non ? Et qu’est-ce que la grâce ?

Par : pasteur Marc Pernot

illustration : une femme souriante portant son bébé - Image: 'Ladies TimeOut 2011' by ND Strupler  https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/ http://www.flickr.com/photos/9650814@N04/5370168719

Question posée :

Bonsoir,

J’ai déjà écrit par le passé et la réponse m’a été d’une grande aide, très réconfortante. Encore merci ! Et bravo pour ce blog et les questions/réponses !

En parcourant les épîtres de Paul et l’épître de Jacques, je me suis perdue entre deux affirmations qui me semblent paradoxales. Si je compare Romains 3:27-28, Ephésiens 2:8-9 et Jacques 2:14-26, je lis du côté de Paul que la justification d’un homme vient uniquement par sa foi, indépendamment des œuvres réalisées, tandis que Jacques exhorte l’homme à matérialiser, à concrétiser sa foi à travers des œuvres, car sans foi, les œuvres sont creuses, mais que la foi sans l’œuvre est creuse également.

Maintenant, j’applique ce raisonnement à la vie quotidienne, et je considère deux personnes : A, qui ne doute pas, en son cœur, mais ne décolle jamais de son fauteuil pour agir, et B, qui fait de bonnes actions mais doute de sa foi. Si j’interprète Paul, je dirai que A sera sauvé par sa certitude, contrairement à B qui doute. Si j’interprète Jacques, je dirai que A ne fait que parler mais n’agit pas, donc que sa foi est vide. Quant à B, ce serait mieux s’il ne doutait pas, mais s’il fait de bonnes actions, c’est qu’une partie de lui ne doute pas du chemin à suivre ; alors je n’aurai pas le cœur à condamner ses doutes et je le déclarerai sauvé.

Intuitivement, il me semble difficile de dissocier foi et œuvres, car à partir du moment où l’on décide d’agir en accord avec sa conscience, chaque acte porte en lui-même la marque de la foi. Et si l’on décide de s’abstenir d’agir, c’est là encore la foi qui nous guide. Quant à avoir l’intention mais ne pas la concrétiser, cela me semble un beau gâchis, et peut vite glisser vers l’hypocrisie, si la personne sait d’avance qu’elle ne fera qu’énoncer l’idée sans la mettre en pratique.

Aurais-je mal compris Paul (ou Jacques) ? Autant les Corinthiens ou les Ephésiens m’ont semblé plutôt clairs, autant je trouve l’épître aux Romains dense conceptuellement.

Ma deuxième question concerne la grâce, cette grâce qui nous est offerte pour notre salut, qui nous est donnée afin de nous guider. J’ai du mal à la conceptualiser, je voudrais avoir une idée plus précise de ce que c’est, de ce à quoi cela ressemble. Pourquoi ? Tout simplement pour la reconnaître si elle se présente, pour ne pas la rejeter par inadvertance, pour ne pas être sourde par ignorance ou crainte, bref pour ne pas laisser passer un tel don ! Je me suis dit « il faut déjà commencer par être à l’écoute, attentive, réceptive ». Mais comment être réceptive à quelque chose que je ne peux me figurer ?
Alors depuis quelques semaines, je m’interroge : qu’est-ce que la grâce ? Peut-on la ressentir ? Peut-on la voir puis tout à coup ne plus la voir ? Comment se manifeste-t-elle ? Une émotion forte ressentie à la lecture d’un passage de la Bible, l’impression fugitive d’être en parfaite communion avec soi-même ou son environnement, ou même le don d’une grande intelligence ou d’une grande sensibilité, sont-ce des manifestations de la grâce ? (ou bien serait-ce être superstitieuse que de vouloir y trouver la grâce ?)

Chaque soir, avant de me mettre au lit, je remercie Dieu de la journée qu’il m’a permis de vivre, des enseignements reçus, des personnes rencontrées, des joies ressenties, des épreuves traversées… Mais comment être sûre de ne pas me montrer ingrate malgré tout, de ne pas oublier quelque chose d’important ?

Sur ce, bonne soirée et bonne nuit !

Julie

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir Julie

Et encore merci pour les encouragements, c’est très sympa. Si le site et/ou le blog vous a plu, vous pouvez participer en mettant des liens, des j’aime et des +1 (si vous voyez ce que je veux dire), c’est d’une grande aide.

Avec cette question vous mettez vraiment le doigt sur un point essentiel de la théologie chrétienne, voir des thèmes essentiels de la théologie chrétienne. Et vous avez à mon avis bien compris ce que disent Paul et Jacques, à mon avis (ce qui n’est pas rien, car Paul n’est pas des plus facile à suivre, parfois).

La justification : c’est ce qui nous rend digne, c’est une grâce, sans mérite. Ce n’est pas évident du tout et c’est une des spécificités chrétiennes. Mais c’est assez logique si l’on se considère comme un nouveau né et Dieu comme une tendre maman idéale, l’amour qu’elle a pour son bébé ne trouve pas son origine dans les performances de son bébé mais dans son propre amour à elle. Tout le reste est en bonus. Dans ce sens nous sommes enfant de Dieu par grâce, ou par adoption, si l’on veut. Même si nous n’avons aucun trait de ressemblance avec Dieu.

D’un autre côté, nous sommes appelés à grandir dans la qualité d’être. Même si Dieu n’attend pas ça pour nous aimer, même si notre dignité n’est pas mesurée à cette croissance, nous sommes appelés à cheminer, à nous élever dans les sens de la foi, l’espérance et l’amour (comme le dit Paul). Parce que c’est une bonne chose, parce que c’est vivre vraiment sa vie, parce qu’il y a du bonheur vrai à participer au bien, à créer de la Paix, du bonheur, de la santé… Mais ce n’est pas pour gagner des « bons points » auprès de Dieu, de toute façon, il est déjà au maximum de son amour pour chacun. Dan ce sens, nous pouvons, en nous ouvrant à la dynamique de création qu’est Dieu, nous laisser créer de plus en plus un cœur de chair, des yeux pour voir ce qui est bon, une intelligence pour comprendre par nous-mêmes…

Nos actes, nos fruits sont révélateurs de notre état intérieur, de notre cœur, de notre santé physique, spirituelle, existentielle… Si nos fruits sont mauvais cela ne veut pas dire que Dieu ne nous aimera plus, il nous aimera autant et développe des trésors de pédagogie en espérant nous aider à avancer.

Et nos actes, notre mentalité, notre façon d’espérer, de chercher Dieu ou non… tout cela influe sur notre croissance et notre cheminement, comme notre santé est influencée par notre hygiène de vie et notre alimentation.

On peut donc garder à la fois l’importance de l’amour gratuit qu’a Dieu pour nous et garder aussi l’importance des actes. Je suis persuadé que Dieu garde l’être profond de chaque personne, de toute façon. Mais cet être profond se développe en fonction de nos actes qui sont plus ou moins dans une ouverture à cette vie qu’est Dieu. L’enjeu n’est pas ultime, donc, puisque Dieu nous garde. Mais il vaut mieux vivre le plus vraiment possible le plus tôt possible. Tout simplement. Parce que chaque minute peut être un trésor quand elle est bien vécue, dans son authenticité. Comme vous le dites très bien, rater ça est un sacré gâchis. Et c’est une injure à la beauté de la vie, à notre beauté, à cette source de bonté qu’est Dieu.

2) pour ce qui concerne la grâce. Oui on peut parfois la ressentir. Tout le monde n’est pas très mystique, mais c’est néanmoins assez largement partagé par les humains de parfois sentir qu’un amour est là, et qui les garde dans une tendresse infinie. Même les plus mystique ne ressentent cela que par moment, comme Pascal, par exemple, ou d’une manière moins fulgurante, plus diffuse. Certaines personnes ne le ressentent pas du tout, c’est un peu dommage mais ce n’est pas crucial, chacun sa sensibilité, ses forces et ses faiblesses.

Et cette grâce peut se sentir quand tout d’un coup on se sent touché par une personne, par un geste, par une attitude que l’on a ou dont on est bénéficiaire, ou dont nous sommes le spectateur. Cette étincelle de grâce mérite d’être repérée, et remémorée, ruminée même pour se laisser un peu construire par elle. Bravo de faire cela dans la prière, à mon avis c’est une vraie grande chance d’avancer. Et en plus, c’est source d’une joie et d’une paix qui ne sont pas des illusions mais au contraire qui nous aident à devenir plus encore sujet de notre propre vie. Et oui, il y a de bonnes choses que l’on laisse passer. Qu’importe, nous ne sommes pas à l’usine (en ce domaine), il est juste bon, à mon avis, de trouver déjà un sujet de louange, déjà un, c’est bien, et de bien le goûter.

Et oui, vous avez raison, le sentiment de la beauté de la vie, beauté de l’être que nous sommes, de l’infinie dignité de la personne normale que l’on a devant soi… tout cela peut être à juste titre considéré comme des manifestations de la grâce, car que cela soit possible est une des choses les plus improbables et illogiques qui soient dans l’univers.

La grâce, c’est quelque chose qui est parfois toute simple, quand on peut avoir un geste, une pensée pour quelqu’un sans pour autant considérer qu’il nous doive le moindre remerciement. la grâce c’est pouvoir demander de l’aide sans se sentir humilié le moins du monde pour autant, accepter de bon cœur un cadeau sans se sentir obligé de faire un contre don, mais juste manifester une joie sincère. La grâce c’est ne pas pouvoir s’empêcher de dire à quelqu’un qu’on l’aime, qu’on le trouve bien, qu’on est content de le connaître, juste parce qu’on le sent comme ça…

Bonne soirée. Et merci pour votre témoignage, votre rayonnement.

Amitiés fraternelles

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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