Dietrich Bonhoeffer - wikicommons
Question

Je n’aime pas ce livre de Bonhoeffer « le prix de la grâce », pour moi, la grâce ce n’est pas ça ?

Par : pasteur Marc Pernot

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Question posée :

Bonjour cher Marc…

Votre avis m’est précieux, surtout qu’autour de moi je n’ai pas beaucoup l’occasion de partager sur le sujet.
C’est à propos de Bonhoeffer. Je n’aime pas le titre et même le livre de Bonhoeffer : « le Prix de la Grâce ».
Pour moi : C’est la joie de la grâce, donnée gratuitement, qui me fait avancer. Je n’ai pas à payer quoi que ce soit. Je ne suis pas un client de Dieu à qui je donne de l’argent ou autre pour recevoir sa grâce. Quant à l’obéissance, je lui préfère la reconnaissance et l’accueil. Accueil de la Parole, de l’enseignement de Jésus dans les Evangiles. Accueil de Dieu dans une attitude d’amour et de sérénité.

Jésus à donné sa vie pour nous et ce n’est pas la croix qui sauve mais sa prédication. De plus il est ressuscité : et ça c’est une Bonne Nouvelle… Jésus nous rend proche ce Dieu qui nous était si peu familier. Dieu appelle le premier, nous donne sa grâce, son pardon, son amour. Et nous : nous y répondons en nous efforçant de faire ce que Dieu « a fait pour nous », au mieux et avec son aide, car seul on est un peu faible. Si je m’efforce d’aimer mon prochain ce n’est pour payer quoi que ce soit ou m’acheter des mérites…

Je respecte Dietrich Bonhoeffer pour son courage et ses engagements plus qu’honorable à une époque et un lieux bien troublé qu’était l’Allemagne nazi. Mais ne peux et ne veux souscrire à ce genre de théologie de la pénitence perpétuelle.

Je ne suis pas un théologien et ne suis pas certain d’avoir bien compris ce livre.Toutefois je sais que Dieu m’aime. Comme je suis. Que Jésus m’est donné comme docteur qui m’enseigne et me soigne, me guéri. Voilà ma joie.
Merci Marc pour votre patience à me lire, me répondre et éclairer ma lanterne.

Amitiés fraternelles et bien à Vous.

Réponse d’un pasteur :

Bonjour

Vous avez raison de lire des livres de théologie et de vous laisser questionner, pousser à réfléchir, développer votre propre opinion librement. C’est une bonne méthode. Qu’importe si vous êtes d’accord avec un peu, ou avec beaucoup de ce que dit l’auteur que vous lisez (ou que vous écoutez), du moment que ça vous fait approfondir votre propre démarche. Si vous êtes trop d’accord avec tout c’est dommage et inquiétant. Si vous ne l’êtes pas du tout cela rend énervant et inconfortable l’exercice de lecture, mais avec un peu des deux cela donne un intérêt soutenu et un bon exercice. Par exemple, je suis assez allergique à Karl Barth, épidermiquement. Mais sa pensée est en tout cas loin d’être nulle et pendant mes études de théologie j’ai été obligé de faire des fiches de lecture et des devoirs dessus, malgré tout avec un grand bénéfice. Bonhoeffer écrit lui aussi dans un contexte particulier, avec des questions de son époque qui ne sont parfois un peu exotiques pour nous.

Pour ce qui concerne la grâce, vous avez raison « C’est la joie de la grâce donnée gratuitement qui me fait avancer. Je n’ai pas à payer quoi que ce soit ». On a trop dit qu’il fallait croire assez bien, en être persuadé de tout son être… pour être au bénéfice de cette grâce qui n’en serait alors pas vraiment une. On a trop fait dire à Dieu ce que certains parents ont pu répéter cruellement à leurs enfants : « après tout ce que l’on a fait pour vous, vous devriez… » Et bien non. Vous avez raison : l’amour vrai est sans prix à payer avant et sans dette après. Mais cette théorie de la grâce qui coûte ne veut pas dire qu’il faudrait acheter la grâce de Dieu, mais au contraire que Dieu paye le prix fort pour nous offrir sa grâce. Dans un sens oui. Jésus a payé aussi le prix fort pour accomplir sa vocation, et manifester dans le monde la grâce de Dieu, l’amour infini de Dieu pour nous. D’accord. Mais ce « prix de la grâce » a pu vouloir dire dans la pensée de certains théologiens que la souffrance de Jésus était le prix à payer auprès de Dieu pour qu’il puisse ou qu’il accepte de nous pardonner. Là, à mon avis, on entre encore dans une grâce qui n’en n’est plus une car elle n’aurait pu s’exprimer qu’à la suite d’un marchandage. Or, l’amour vrai ne s’achète pas.

Dans une autre mesure, on pourrait dire la même chose de l’église : le service est entièrement gratuit pour quiconque le désire. Certes. Mais même le culte du dimanche n’est offert que parce que des personnes on donné de leur temps et de leur argent, de leur préoccupation et de leur énergie, de leur passion. C’est ainsi que proclamer dans le monde la grâce coûte, cela a un prix : pour que cela soit offert quelqu’un l’a offert, par gratitude envers Dieu, ou pour le simple plaisir de faire du bien.

Avec mes amitiés fraternelles

Marc

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4 Commentaires

  1. Henri dit :

    Merci pour cette réponse très édifiante.
    Le thème de la grâce est en effet très délicat à aborder dans nos sociétés contemporaines où les nouvelles orientations de la foi chrétienne, surtout en Afrique – où il y a une tendance malsaine la spiritualisation de tous les réalités de la vie – prônent la démission du chrétien face à ses responsabilités. On entend par exemple des gens parler de grâce quand on leur pose des questions sur leur état de santé, sur leur vie. Ils disent par exemple: « je vais bien par la grâce de Dieu », ou encore, « par la grâce de Dieu j’ai réussi mon examen ». Ils le font en s’appuyant sur la Bible qui dit que tout est grâce. Cependant, la banalisation même de l’usage du mot « grâce » dans les discours ne traduit-elle pas finalement une mauvaise conception du prix de la grâce ? Est-ce évangélique de dire par exemple que se réveiller le matin est une grâce de Dieu ?
    Je m’efforce souvent à dire à ceux qui le font qu’au vu du sacrifice consenti par le Christ pour nous sauver, l’on ne saurait réduire la grâce à de simples « banalités » telles que la santé, la réussite scolaire, le mariage et autre, surtout que la Bible nous dit de « chercher premièrement le royaume des cieux et sa justice.
    J’aimerais avoir votre avis sur tout ceci, puisque j’ai du mal à faire passer autour de moi la haute estime que j’ai pour la grâce et qui d’après moi est l’une des bases même de l’évangile du salut.
    Merci d’avance.

    1. Marc Pernot dit :

      Bonjour
      Votre remarque ici me semble si importante que je l’ai portée dans un article ici : https://jecherchedieu.ch/question/quand-on-je-vais-bien-par-la-grace-de-dieu-est-ce-que-cela-ne-pose-pas-probleme/
      Grand grand merci pour votre contribution.

  2. Sophie dit :

    Chez Bonhoeffer, il me semble que cette formule insiste sur la responsabilisation du croyant : la grâce “coûte”, non pas parce qu’elle créerait une dette vis-à-vis de Dieu, mais parce qu’elle nous “oblige” au sens moral du terme, qu’elle nous invite à nous efforcer d’être à la hauteur de cette dignité radicale de chacun qu’elle affirme. J’ai trouvé à ce propos un petit paragraphe éclairant chez Didier Travier (Une confiance sans nom, p. 47) : « Accueillir le pardon, c’est aussi être appelé à une vie nouvelle : “sauvé pour servir” selon l’heureuse formule de l’Armée du Salut. “La grâce qui coûte” selon Bonhoeffer. C’est là le grand message des réformateurs : non le salut par les œuvres, mais pour les œuvres. » Chez Bonhoeffer, il s’agissait évidemment d’appeler à un sursaut les Église protestantes allemandes et leurs membres, en majorité complaisants face à la montée du nazisme.

    1. ANDIRAN NATHAN dit :

      Je vous félicite pour la pertinence de votre commentaire. La grâce qui coûte quoi ??? C’est de cela dont il faut parler ? Si elle ne nous coûte rien, pouvons nous envisager sa valeur ? »
       » Le Royaume de Dieu est semblable à un trésor caché dans un champs (…) L’homme qui l’a trouvé va vendre tout ce qu’il a et achète le champs  » Math 13:44.
      Tout ce que nous avons ?? Jusqu’à notre propre vie ? C’est ceux que certains firent ! Bonhoeffer le fit ! Et nous ? Quel prix serions nous prêt à y mettre ??

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