Illustration : des courbes et des équations - Image parGerd Altmann de Pixabay
Bible

À la lumière de la science, qu’est ce qui légitime la Bible, et Dieu ?

Par : pasteur Marc Pernot

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Question posée :

Bonjour,

Je me permets de vous contacter afin de vous faire part d’une réflexion que j’ai grandement eu envie de partager avec vous afin d’avoir votre avis. J’espère ne pas me tromper d’endroit pour ce genre de message, et si c’est le cas, je m’en excuse par avance.
Je rédige actuellement une thèse de mathématiques portant sur les statistiques et les probabilités. Passionné de sciences fondamentales depuis l’enfance, je me défini comme athée-agnostique (bien qu’issu d’une famille protestante) : je ne crois pas a priori en Dieu mais considère son existence ou son inexistence comme inconnaissables. Les pensées et questions que je souhaite partager avec vous, si vous en avez le temps et l’envie, sont les suivantes : La Bible énonce un certain nombres de faits. Nous allons chercher à confronter ces faits à l’expérience et au raisonnement scientifique, et comprendre quelles peuvent en être les conséquences. Je propose un raisonnement par l’absurde : l’idée est de formuler une hypothèse et d’aboutir par inférence logique à une contradiction. Si cela est possible, cela assure que l’hypothèse de départ est fausse.

Formulons les 2 hypothèses suivantes:
i) Dieu existe.
ii) La Bible est la parole de Dieu.

Prenons l’exemple de l’âge de la Terre égal à 6.000 ans énoncé dans la Bible. Nos théories scientifiques combinées à nos moyens technologiques actuels nous ont permis de mettre en évidence que l’âge de la Terre est largement supérieur à 6.000 ans, grâce à un grand nombre d’observations géologiques, cosmologiques ou chimiques. Toutes nos théories (prédictions) et expériences (observations) pointent de façon indépendantes et concordantes vers un âge de la Terre d’environ 4.5 milliards d’années. La certitude que la Terre n’a pas 6.000 ans est acquise.

Or d’après nos hypothèses, Dieu existe et la Bible est la parole de Dieu. Ce qui implique que Dieu peut énoncer une proposition fausse.

Deux solutions :
Dieu n’en avait pas conscience. C’est impossible par omniscience de Dieu.

Dieu en avait conscience. Cela signifie que Dieu avait une raison d’agir ainsi. Quelle qu’elle soit, elle a pour conséquence d’aboutir a une contradiction entre la Bible et l’expérience aujourd’hui. Un résultat correct annoncé dès le début n’aurait rien changé pour les hommes de l’époque car ils n’avaient pas les moyens de mettre en place les bons protocoles expérimentaux pour le vérifier. Par exemple, annoncer directement un âge de la Terre de 4.5 milliards d’années n’aurait absolument rien changé, que la réponse fusse 6.000, 4.5 milliards, ou 197. En revanche cela aurait produit un bouleversement majeur au moment où l’Homme a acquis les capacités intellectuelles et technologiques de vérifier les faits énoncés dans la Bible. Si ces faits étaient aujourd’hui en accord avec l’observation, cela impliquerait l’existence d’une entité (Dieu, ou pas) ayant énoncé des vérités inaccessibles à l’humanité au moment où elles étaient énoncées. Le crédit apporté à la Bible deviendrait alors immense. Par omniscience de Dieu, il le savait.

Dès lors, sous les hypothèses i) et ii), comment justifier que Dieu ait énoncé ces propositions fausses de façon délibérée, alors que cela correspond manifestement à un choix non optimal de diffusion de sa Parole ?
Il semble, selon moi, que cela soit contradictoire, et donc que les hypothèses i) et ii) ne peuvent être simultanément vraies.
A la lumière de ces réflexions, je pose la question de façon plus générale: qu’est ce qui légitime la Bible, et donc, Dieu ?

Réponse d’un pasteur :

Bonjour. Merci pour votre message. Il m’intéresse bien puisque je suis moi-même de formation scientifique, avec des diplômes d’ingénieur et des diplômes d’informaticien, plus un master en théologie portant sur les logiques.

J’ai déjà des réserves sur la formulation de votre hypothèse « Dieu existe ».

C’est une hypothèse floue (au sens mathématique du terme) car elle peut avoir plus de deux états, pas seulement vrai ou faux. D’abord parce que le terme même d’exister se rapporte à la réalité matérielle de la vie quotidienne mais est problématique à d’autres échelles. Par exemple :

  • Peut-on dire qu’un électron « existe » ? Même si l’on accepte cette notion d’existence pour ce qui est transcendant, au moins par analogie, la question de l’existence de Dieu n’appelle pas seulement à une alternative vrai/faux, mais est mais des degrés de vérité entre les deux, comme pour l’amour, par exemple.
  • Peut-on dire que l’amour existe entre deux personnes qui s’aiment ? Il faudrait d’abord définir de quel amour il est question entre ces deux personnes, ce qui n’est pas simple, évolutif dans le temps et concernant différentes dimensions de la personne humaine. Une fois bien précisé, donc, de quelle dimension de l’amour on parle, la réponse sera plus un degré de vérité, par exemple entre 0 et 10 plus qu’une réponse oui/non.

Or, le raisonnement par l’absurde que vous utilisez ici n’est en mesure de servir de démonstration uniquement dans le cadre d’une logique booléenne, où s’impose le principe de non contradiction. Dans la vie, la réalité est souvent plus complexe, il y a bien des portes qui ne sont pas soit ouvertes soit fermées mais peuvent être dans des états intermédiaires (par exemple entrouverte, ou en train de s’ouvrir, ou la moitié du bas de la porte est fermée et la moitié du haut est ouverte, ou l’ouverture de la porte est plausible car on sent un courant d’air sans que l’on en soit certain car la porte est dans la pièce à côté…). Dans ce cas, la logique simple ne suffit pas, il faut une logique plus complexe comme les logiques floues.

Or, par définition, Dieu est une réalité bien plus complexe encore qu’une simple porte en bois.

J’ai aussi des réserves en ce qui concerne la seconde hypothèse « la Bible est la Parole de Dieu ». Certaines personnes peuvent l’affirmer, mais à mon avis, il est plus exact de dire que la Bible est un recueil de témoignages humains sur leur expérience de Dieu. Or, tout témoignage est subjectif, ces écritures reflètent ainsi la pensée et la culture, les questions et la personnalité de leur auteur ou des communautés qui les ont produites. Elles témoignent aussi de quelque chose de Dieu, certes, mais l’action de Dieu elle même est conjoncturelle, et ces écritures ne sont pas écrites par le doigt de Dieu, ni dictées par Dieu à un scribe qui prendrait des notes.

C’est pourquoi, dans les facultés de théologie catholiques et protestantes, nous ne disons pas que la Bible est la Parole de Dieu. C’est par contre quelque chose que l’on peut voir affirmer dans des facultés ou des églises « évangéliques », qui vont jusqu’à professer « l’inerrance des Écritures », « la soumission à la lettre de la Bible ». Ce n’est à mon avis pas possible de l’affirmer, pour plusieurs raisons. La première est que bien des passages ont manifestement un sens figuré et non matériel (par exemple quand on dit que Jésus est la lumière du monde, il n’est manifestement pas un champ de photons, et même celui qui a Jésus dans le cœur a besoin de lampe pour voir la nuit). Ensuite, certains passages sont inapplicables comme ceux qui conseillent de lapider les enfants désobéissants et les abominables personnes qui portent des vêtements en fibres mélangées…). Enfin, il y a une diversité de témoignages intégrés à la Bible, les contradictions internes sont donc des points de vues différents, augmentant la richesse de ce recueil de témoignages, mais cela ne fait pas de ces témoignages des mensonges.

Il n’est donc pas possible de tirer ne contradiction entre la Bible et l’expérience aujourd’hui une contradiction avec l’existence de Dieu. Il faut reconnaître que l’extraordinaire richesse de ces témoignages ne prouvent pas non plus l’existence de Dieu, mais l’existence de personnes ayant une riche expérience de la vie et l’existence de la spiritualité humaine.

Ce qui légitime Dieu ? Tout dépend de ce que l’on entend par « Dieu ». Il faut d’abord définir le concept avant de l’examiner. Si l’on entend par « Dieu » un barbu assis dans les nuages ? Un Père Noël ? Un terrible juge qui va sélectionner les meilleurs et vire les moins performants (toute ressemblance de ce « Dieu » là avec un impitoyable patron du XIXe ou un Seigneur du XIIIe siècle n’est pas un hasard), si l’on entend derrière ce mot un être omniscient, omnipotent, immuable ? rien ne le légitime, et fort heureusement. A mon avis, un tel être n’existe pas, et c’et un grand soulagement. Pourtant, je pense que Dieu est, et de plusieurs façons.

En effet :

  • du point de vue scientifique, l’hypothèse que l’évolution de l’univers soit liée à une cause extérieure à l’univers matériel me semble être l’hypothèse la plus plausible, alors que l’hypothèse que l’univers n’évolue que par lui-même, par hasard me semble une hypothèse extrêmement peu plausible. Il est possible de nommer « Dieu » cette cause transcendante de l’évolution. Mais ce n’est pas une preuve absolue, bien entendu. C’est simplement plus raisonnable de le penser car cela a un plus haut degré de possibilité.
  • du point de vue spirituel ou mystique, bien des personnes de toutes les cultures, depuis que l’homme ne pas seulement une sorte de singe, ont le sentiment d’être en relation avec une réalité qui les dépasse et qui les accompagne dans la vie. Il est possible de nommer « Dieu » cette présence. La question n’est alors pas celle de prouver l’existence ou la non existence, car c’est une question de définition : Dieu est l’objet d’une spiritualité qui existe effectivement, et que les sciences sociales peuvent étudier.
  • du point de vue existentiel ou philosophique, chacun a une certaine conception du bien, du juste, du beau et du bon ultime. Même si c’est par défaut. Il est possible de nommer « Dieu » cet idéal, cette visée, voire la source d’un progrès du bien, du beau et du juste dans notre existence. Là encore, cet objet de foi a une existence certaine, même si elle reste non pensée par certaines personnes. Certes, il n’est pas obligatoire de nommer « Dieu » cet idéal ou ce qui favorise la réalisationd e cet idéal dans notre vie, mais même si on ne le nomme pas ainsi, du point de vue de l’existence humaine cela fonctionne néanmoins bel et bien comme un Dieu, objet de notre adoration, et nous créant à son image. Mieux vaut donc que ce soit délibérément que l’on cherche en quel Dieu nous choisirions de croire. Car c’est le lieu même de la prise en main de notre propre devenir.

En ce qui concerne la Bible, c’est comme une compilation des meilleurs textes selon des croyants des tout premiers siècles de notre ère. Ils ont sélectionné des livres qui les aidaient à avancer, à réfléchir, à prier. Et pendant 2000 à 3000 ans des hommes et des femmes ont débattu et vécu en s’inspirant de ces textes. Rien n’oblige à utiliser ce patrimoine de l’humanité comme une des bases de son inspiration. Évidemment. C’est comme quand on visite par exemple la ville de Paris, rien n’impose de faire confiance au guide Michelin pour sa visite, il existe d’autres guides. On peut aussi se lancer sans guide du tout à la découverte d’une ville ou un pays inconnu, cela pourrait aller si l’on a vraiment énormément de temps mais si l’on a un temps limité ce n’est pas si idiot de s’intéresser à ce que disent des personnes ayant déjà visité, quitte à ne pas les suivre ensuite. La Bible est un de ces guides, un guide assez réputé, un guide qui est enrichi de 2000 à 3000 ans de commentaires des utilisateurs et d’œuvres artistiques qu’il a inspirées, ce qui enrichit encore cette expérience extraordinaire de la vie humaine, et de Dieu. Et ce n’est pas inutile car notre vie est si courte, en réalité. Mais nous ne suivons pas ce guide les yeux fermés, mais comme des pistes, des questions, des ouvertures.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Si vous voulez, vous pouvez voir aussi, dans le petit dictionnaire de théologie :

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