creuset dont coule l
Bible

N’il y aurait une sélection spirituelle (sur le modèle de la sélection naturelle de Darwin) ?

Par : pasteur Marc Pernot

creuset dont coule l'or - Image par Brennan Emerson de Pixabay

L’image du feu, dans la Bible, renvoie à l’image d’un minerai fondu pour en recueillir l’or, et le débarrasser de la terre qui l’enferme. C’est ce que fait l’amour : il sait dénicher l’or dans le minerai.

Question posée :

Bonjour,

Le verset « C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le Royaume de Dieu » (Actes 14:22) nous enseigne-t-il qu’il y aurait une sélection spirituelle (sur le modèle de la sélection naturelle de Darwin) ? De même pour « Il y a beaucoup d’appelé(e)s, mais peu d’élu(e)s » (Matthieu 22:14) et « Celui/celle qui restera ferme jusqu’au but, celui/celle-là sera sauvé(e) » (Matthieu 24:13).

Le verset « Le Royaume des cieux est forcé, et ce sont les violent(e)s qui s’en emparent » (Matthieu 11:12) signifie-t-il que ce sont les plus forts – spirituellement parlant – qui gagnent ?

N’avons-nous pas dans tous ces versets une allusion à une sélection, du style « l’un(e) sera pris(e), l’autre laissé(e) » ? N’est-il pas par ailleurs agendé un jugement/tri pour séparer les brebis des boucs ? N’est-ce pas récompenser les mieux adapté(e)s ?

Paul ne parle-t-il pas également de gagner la course ? Tout cela n’entre-t-il pas dans un processus de test/sélection ?

Cordialement

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Le verset « C’est par beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le Royaume de Dieu » (Actes 14:22) nous enseigne-t-il qu’il y aurait une sélection spirituelle (sur le modèle de la sélection naturelle de Darwin) ?

Je ne pense pas, non. Pour plusieurs raisons :

1) Dieu n’est source que de bien, pas de « tribulations » (peines, catastrophes, souffrances). Dieu utilise d’autres moyens « pédagogiques » que le mal pour chercher à nous faire grandir. Il n’a pas besoin d’examen pour savoir ce que nous avons dans la tête, le cœur et les tripes (il nosu connaît mieux que nous-même et il nous aime).

2) Mais la Parole de Dieu, son souffle, s’incarne dans un monde matériel, le soulevant, l’informant, cherchant à en faire quelque chose de meilleur et de plus beau, d’en chasser le chaos. Il y a nécessairement tension et résistance, il y a nécessairement choc entre une dynamique tournée vers la vie et le chaos qui est ainsi impacté. Cela peut être présenté en terme de combats et de tribulations. Cela peut être présenté en terme d’artisanat comme la poterie, ou le labourage de la terre et son ensemencement avec quelque chose d’exogène, ou de cheminement voire de course… Mais ce n’est pas un examen, c’est un travail.

Je rapprocherais cela de votre autre verset « Le Royaume des cieux est forcé, et ce sont les violent(e)s qui s’en emparent » (Matthieu 11:12)
Mais encore une fois, ce n’est pas un concours ou un examen de passage pour une épreuve de sélection, mais, je pense, un effort de création, de genèse, de construction du royaume dans ce monde présent.

Jésus en berger - catacombes de RomePour ce qui est de la sélection, c’est ce que j’essaye d’expliquer dans cette prédication sur les brebis et les boucs que j’ai donnée récemment. Nous sommes tous en partie brebis et en partie bouc, et la sélection opère au milieu de chacun de nous. Et ce n’est pas une sélection de telle personne reçue et de telle personne recalée mais c’est un service bénéfique qu’opère l’Esprit Saint, Dieu en nous, pour libérer le meilleur de nous même, créateur et bon, de ce qui est souffrant et chaotique.

D’ailleurs, dans la fresque ci-contre, qui date du IVe siècle, nous voyons que le Christ sauve le bouc, le bouc que nous semblons être parfois mais en qui Dieu ne manque pas de voir qu’à l’intérieur il y a toujours eu et il demeure quelque chose qui est de la brebis, part qui peut se développer infiniment s’il l’aide. C’est pourquoi, dans cette parabole, Jésus nous invite à participer avec Dieu à ces soins.

La brebis et le bouc, le juste et le pécheur, le méchant et le bon sont des figures afin de nous aider à reconnaître ces dimensions dans le monde et en nous. Et il est clair que chaque personne peut (devrait utilement) se reconnaître à la fois dans l’un et l’autre type. C’est ainsi qu’il me semble qu’il convient de lire les passages de jugement où il y a « ceux qui » ou « celui qui » par « ce qui », en chacune et chacun (non ceux qui sont justes, ceux qui sont pécheurs, mais ce qui est juste et ce qui est pécheur en moi). Le jugement traverse ainsi utilement chaque personne, il n’est alors pas une sélection de certaines personnes (comme dans un monde cruel et impitoyable, basé sur la seule performance et non sur l’amour).

Ce n’est pas seulement une question de théologie abstraite. Ce n’est pas d’abord une question de savoir ce qui pourrait bien se passer après notre mort (nous verrons bien, faisons confiance), c’est aussi une question de regard sur nous-même, sur les personnes, sur la vie, sur ce monde. Et avoir un regard clairvoyant, certes, mais aussi un regard de bienveillance et l’envie de participer à de bons soins, pour un avenir meilleur.

Effectivement, il y a peu à garder et pas mal à soigner, guérir, pas mal de parties malades et infectées à nettoyer (« Il y a beaucoup d’appelé(e)s, mais peu d’élu(e)s » Matthieu 22:14) Ce processus est typiquement de l’amour, de la bienveillance et de la bienfaisance : reconnaissant la moindre parcelle de bien et de bon en chacun, gardant même ce qui potentiellement pourrait être bon, et n’éliminant que ce qui est radicalement nocif et mort. Effectivement, ce travail de jugement est ainsi un travail de justification : qui rend juste le « candidat ». Et ce qui reste au terme de ce processus est effectivement pur, bon grandi, nourri (« Celui/celle qui restera ferme jusqu’au but, celui/celle-là sera sauvé(e) » Matthieu 24:13).

En le temps de cette opération est maintenant, dans la mesure où Dieu a accès afin d’apporter ce service aimant et créateur. Comme dans cette parabole des brebis et des boucs, il n’ y a pas marqué « Lorsque le Fils de L’Homme viendra dans sa gloire… » (au futur) : il y a en réalité dans le grec du texte un subjonctif, ce qui signifie « chaque fois que le Fils de l’Homme vient dans sa gloire… », ou « dans la mesure où le Fils de l’Homme se manifeste de façon active… » dans le présent, au cœur de notre vie en ce monde.

L’amour de Dieu est pour chacun, et il ne dépend pas de nos efforts, à mon avis. A quoi bon en faire, alors ?
A mon avis, pour la beauté du geste : pour mettre nos potentialités, notre temps, nos moyens à profit. Pour le plaisir de faire plaisir, pour la beauté de faire du beau, pour la joie de se retourner sur un beau moment, pour faire plaisir à Dieu.
Mais il est clair que l’effort permet de faire des progrès plus rapides, car il est ouverture à l’action positive de Dieu pour nous faire grandir, et son action se soin en nettoyant les mauvais germes. C’est agréable, juste et bon d’avancer. D’être plus en forme et d’être ainsi plus libre et faisant de plus belles choses. Mais ce n’est effectivement pas obligatoire, Dieu a le temps et il ne se lasse pas d’espérer, d’essayer, d’agir.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Si vous voulez, vous pouvez voir aussi, dans le petit dictionnaire de théologie :

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