Après une enfance dans la violence, j’ai du mal à aider ma mère âgée maintenant.
Question posée :
Bonjour.
Je me permets de vous contacter à propos d’un problème concernant la famille.
Ayant vécu dans la violence (bagarres entre parents sous alcool avec tentatives de suicide, séparations puis remise ensemble etc…) j’ai grandit dans un semblant d’équilibre.
Aujourd’hui adulte et père d’une fille d’un an, je sens bien malgré ça que je ne suis pas « complet », que ces failles de l’enfance laissent bien des traces. Mais, je m’en sers positivement.
Le problème se trouve chez justement, ma mère qui ne se rend pas compte de cela.
Gentille quand l’humeur est bonne, serviable et pleine d’humour. Mais, tout peut aller si vite… Au moindre hic c’est la colère, la pression…
On ne sait pas comment agir et se comporter en sa présence.
Je la respecte et essaye d’être encore présent car elle est seule et vieillit. Mais j’ai aussi ma famille qui se construit au quotidien et j’ai l’impression parfois qu’elle me freine… Elle en rit si je parle du fait que j’aille à l’église, que je crois etc… elle a dû mal à accepter les choses qu’elle juge « nulles ».
Avez vous des conseils sur comment mener ma vie avec cette relation importante mais toxique ?
Je peux même être gêné de ma foi quand elle s’en moque ouvertement. Et aussi j’ai cette envie presque inconsciente de l’aider alors qu’elle me fait du mal et m’insupporte.
Compliqué…
Merci Marc de me lire et tous mes encouragements et félicitations pour votre manière de répondre et d’écouter.
Que Dieu vous aide encore et toujours.
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
Bravo pour votre cheminement malgré les difficultés bien malheureuses connues dans l’enfance. C’est vrai que c’est injuste, tous n’ont pas la même chance.
Cela ne justifie certainement pas les difficultés que vous avez subies, mais tant qu’à faire qu’elles aient existé et qu’elles apportent leur lot de souffrance et de cicatrices, c’est formidable d’entendre que vous pouvez en tirer du positif. C’est vrai que connu plusieurs personnes d’une extraordinaire profondeur d’humanité dont j’ai découvert ensuite qu’elles avaient traversé des moments très difficiles. Apparemment elles ont pu en tirer une capacité à comprendre les autres et la vie, qui est bien touchante, riche, vivifiante. Mais surtout que dire cela ne justifie pas les accidents et les blessures de la vie.
Donc bravo. Votre famille a bien de la chance. En particulier votre fille.
Cela dit, je peux vous dire que personne n’est « complet ». C’est une grande qualité que vous avez, vous, d’avoir noté vos propres failles et limites, mais encore vos qualités et forces.
Pour ce qui est de notre appel à servir, votre question est tout à fait essentielle. Car l’appel à servir son prochain est donné d’une façon générale et absolue dans l’Evangile. C’est très précieux et utile, mais cela est également dangereux si l’on n’y fait pas attention. Dans « aime ton prochain comme toi-même » il y a aussi, et peut-être d’abord « aime toi toi-même » car sans cela rien n’est possible, et certainement pas d’aimer quelque prochain que ce soi. Il convient d’être en forme, c’est ce que veut certainement Dieu pour nous. Ensuite il nous envoie, comme Gédéon « Vas avec la force que tu as ». Cela demande de se soigner, de se former, et de se protéger. Jésus lui-même le fait, bien sûr : on le voit renvoyer les foules et même ses disciples pour reprendre des forces, bien tranquillement, dans le repos et la prière. C’est ce qui permet de vivre cet appel tellement absolu d’aimer son prochain et de se faire serviteur les uns des autres. Sans cela, ce serait totalement destructeur. Le soin de soi-même et le service de l’autre forment comme une respiration. Et ce qui est utile en soi n’est pas le fait que nous souffrions mais que tout le monde se porte mieux : et la personne que nous aidons et nous-même. Dieu ne nous aimera pas plus, et nous ne vaudrons pas plus en souffrant plus.
Qui est notre prochain ? Nous ne sommes pas Dieu (c’est une grande découverte théologique mais surtout existentielle et spirituelle). Nous avons 7 milliards de prochains vivant au monde, nous pourrions toujours aider plus : nous devons donc discerner quelle est notre vocation : qui est aujourd’hui notre prochain et comment, et jusqu’où l’aider ? Nos proches sont a priori des candidats. Mais pas nécessairement. Car nous ne sommes pas toujours les mieux placés pour cela, d’abord, ensuite parce qu’il y a peut-être une personne inconnue qui est abandonnée de tous et que Dieu cherche désespérément quelqu’un pour s’en occuper, et enfin, il est possible que nos goûts et nos forces entrent en compte,notre intuition, notre bon sens.
En ce qui concerne le service de parents qui ont été plus ou moins maltraitants (ce n’est malheureusement pas rarissime) la question se pose de savoir comment faire pour les enfants, d’autant plus que ses parents vieillissent. Vous posez très bien la question : je le respecte et je veux l’aider mais je sens que c’est pour moi toxique. Vous voilà pris dans la tenaille d’une double contrainte entre aimer votre prochain et vous aimer vous-même. Il est certainement bon de faire un effort, de se priver, de se fatiguer un peu, de se donner… mais pas de se perdre, de s’abîmer. Car alors ni votre mère, ni les autres personnes que vous avez aussi la vocation d’aider, ni vous-même, ni Dieu ne seront avancés. Au contraire. Vous avez donc non seulement le droit mais même le devoir de vous protéger, d’arrêter le service quand cela vous abîme. Il y a des cas où l’héroïsme de donner sa vie fait partie de notre vocation, mais c’est à mon avis l’exception qui confirme la règle et c’est précisément à sentir dans le cadre d’une vocation très particulière, dans un cas particulièrement tragique où un pompier doit aller sauver des personnes dans un incendie, ou quand le Christ donne sa vie pour manifester l’amour total de Dieu pour nous. Mais la volonté de Dieu n’est pas notre mort, notre dégradation, mais notre vie et notre épanouissement.
Comme cette relation est difficile avec votre mère, il n’est pas certain non plus que vous soyez le mieux placé pour l’aider et l’entourer, car s’il n’est pas bon pour vous d’en souffrir encore (vous avez déjà pas mal donné dans ce domaine), il n’est jamais bon pour quelqu’un de faire souffrir un autre, cela nous abîme.
C’est à chacun de sentir jusqu’où il pense pouvoir aller. Et s’autoriser alors à faire comme Jésus face à la foule : d’arrêter le service pour se protéger et reprendre des forces. Bien entendu, cela ne va pas sans une certaine culpabilité de ne pas avoir pu aller au-delà. Et c’est là que la foi aide bien, pour chercher où placer la limite avec bon sens et avec l’aide de l’éclairage de Dieu, avec la force qui vient de lui et la connaissance de nos limites, avec son aide pour nous pardonner à nous-même.
Ensuite, entre aider soi-même et ne rien faire parce que l’on n’a pas la force, il peut exister des solutions alternatives comme de trouver des tiers qui peuvent prendre le relai quand vous aurez atteint vos limites ?
Bien fraternellement
Dieu vous bénit et vous accompagne
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