03 octobre 2024

Une Bible en hébreu ouverte - Image par Ri Butov de https://pixabay.com/fr/photos/torah-religion-la-sainte-%C3%A9criture-6750376/
Question

Demande de traduction littérale du Psaume 139:16, notre vie et notre mort aurait-elles été déterminées par avance ?

Question posée :

Bonjour Pasteur Marc Pernot,
Je souhaiterais connaître la traduction la plus littérale possible du Psaume 139:16.
Selon les traductions de la Bible en français, le sens de ce verset est différent. Je cite deux sens différents de traduction :

  • Psaume 139:16 (Traduction Louis Segond 1910) : « Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient ; Et sur ton livre étaient tous inscrits Les jours qui m’étaient destinés, Avant qu’aucun d’eux existât. »
    Cette traduction me choque énormément car elle laisse entendre que Dieu a fixé la date de notre mort bien avant notre naissance, ce qui est contraire à la raison. Il n’a pas prédestiné les uns à une longue vie et les autres à une courte vie, car Dieu n’est pas injuste ni partial mais Amour. Je ne crois vraiment pas que Dieu nous ait programmés comme des robots et qu’Il ait fixé notre destin (personnel, individuel). Cette traduction semble soutenir le fatalisme c’est-à-dire que notre vie serait fixée par le destin dont Dieu serait l’auteur.
  • Psaume 139:16 Traduction John Nelson Darby 1885 : « Tes yeux ont vu ma substance informe, et dans ton livre [mes membres] étaient tous écrits ; de jour en jour ils se formaient, lorsqu’il n’y en avait [encore] aucun. »
    Cette traduction met l’accent sur la formation de notre corps physique de la conception à la naissance. Il s’agit des jours de notre développement prénatal. Cette traduction me semble donc conforme à la raison et aux faits. Dans cette traduction, Dieu ne fixe pas le nombre de jours de notre vie. Il ne fixe donc pas la durée de notre vie ni la date de notre mort.

Qu’en pensez-vous et quelle traduction en français du Psaume 139:16 proposez-vous ?
Bien amicalement et fraternellement en Christ,

Réponse d’un pasteur :

Bravo de creuser le texte biblique et de vous poser des questions de cohérence

La NBS (Nouvelle Bible Second) donne cette traduction du Psaume 139:16 « Quand je n’étais qu’une masse informe, tes yeux me voyaient ; et sur ton livre étaient tous inscrits les jours qui furent façonnés, avant qu’aucun d’eux n’existe. »

  • גָּלְמִ֤י galami : mon embryon, probablement, car c’est un mot utilisé une seule fois dans la bible, c’est ce que l’on appelle un hapax) mais galam est la racine d’enrouler, plier, et galmud signifie stérile, il est assez logique de traduire par embryon, mais littéralement ce serait mon enroulement .
  • רָ֘א֤וּ : ont vu : avec un sujet au pluriel donc ce sont les yeux de Dieu qui ont vu
  • :עֵינֶ֗יךָ : tes yeux (ceux de YHWH)
  • וְעַֽל־ : ve-al : et sur
  • סִפְרְךָ֮ : ton document (celui de YHWH), livre de compte, registre, livre
  • כֻּלָּ֪ם : tous, eux
  • יִכָּ֫תֵ֥בוּ : ont été écrits
  • יָמִ֥ים : les jours
  • יֻצָּ֑רוּ : qui ont été formés (passif intensif au parfait, c’est à dire au passé accompli, au pluriel, ce sont donc « les jours, tous » qui ont déjà été formés)
  • ולא : et pas
  • אֶחָ֣ד : un
  • בָּהֶֽם : d’entre eux

Manifestement, il y a une difficulté à la fin : on ne voit pas trop ce que veut dire ce « Pas un d’entre eux… », il manque manifestement quelque chose, que les traductions cherchent à compléter.
Les Bibles sérieuses (NBS, TOB) indiquent en note qu’il y a un problème. Darby se lance dans un roman.

On peut comprendre ce verset de diverses façons. Comme souvent (la Bible est faite pour susciter de multiples interprétations).

Soit comme le destin, l’ananké grec, le fatum latin, ou le mektoub musulman : tout à été écrit à l’avance, nous avons un destin déjà tracé, décidé par la transcendance. C’est vrai que ce Psaume 139 est connu pour assurer de l’accompagnement que Dieu nous assure tout au long de notre vie, de son aide, de ses bons soins. De sa providence, dit-on.

Comme vous le dites, cela ne semble effectivement pas résister à l’observation de la réalité du monde.

  • Cela pose aussi une difficulté vis-à-vis de l’ensemble du texte biblique, où l’on voit que Dieu lui-même est souvent surpris par ce que font les humains. Cela commence dès le jardin d’Éden, avant le déluge, ou quand les Hébreux se choisissent un roi contre l’avis appuyé de Dieu lui-même.
  • L’idée que tout serait écrit par avance est contraire aux multiples appels à la conversion, à nous tourner vers l’Éternel, vers le bien, à choisir la vie et non le mal et la mort. Très souvent, les prophètes menacent de la part de Dieu disant qu’il en a assez, et qu’il va les laisser tomber, mais au paragraphe suivant, Dieu promet qu’il va repartir d’un petit reste de justes et les sauver : c’est un appel à la conversion, à choisir le bien et la vie même si nous étions seuls dans une foule de personnes faisant n’importe quoi. Jésus appelle lui aussi très souvent à changer, à avancer. Cela n’aurait pas de sens si chacun de nos jours était écrit d’avance.
  • Ce serait très démotivant : à quoi bon faire le moindre effort dans notre vie si de toute façon tout était écrit.
  • Et comment pourrait-on parler de repentance si nous ne sommes responsables de rien ? Nous pourrions répondre : adressez-vous à celui qui a tout écrit d’avance !

Mais il est possible de lire autrement ce verset : on peut lire que chaque journée de notre vie, dès lors qu’elle a été formée, est inscrite dans le livre de vie de Dieu. Cela peut tout à fait être compris que Dieu l’inscrit précieusement comme un trésor dès que la journée a été formée, au jour le jour : par exemple, il inscrit dans son précieux livre la journée du 3 octobre au matin du 4 octobre. Rien de dit que c’est à l’avance, avant notre naissance. Et rien ne dit qui a formé cette journée, puisque le verbe est au passif : cela pourrait être Dieu tout seul, mais le sujet pourrait être aussi Dieu et nous en collaboration, ou peut-être même Dieu avec nous et avec d’autres acteurs interférant : les autres, le hasard.

Dieu voit l’embryon que nous sommes tout au long de notre vie puisque nous sommes en évolution, appelés chaque jour à mourir à ce que nous étions hier et à naître à une nouvelle version plus aboutie de nous-même. Dieu veille sur cet enfantement où il est à la fois le Père et Mère selon les passages biblique. Il nous enfante, nous allaite, nous éduque, nous embauche à sa suite.

Pour l’énigmatique fin de verset : « Pas un d’entre eux… quoi ? » Je dirais : « Pas un d’entre eux, de mes jours, ne sera perdu pour Dieu », puisqu’il en garde la mémoire précieusement dans son livre de vie, comme une personne amoureuse garde dans son cœur chaque moment passé avec la personne aimée, même si cette personne n’était pas parfaite. Quand on aime, on ne compte pas.

Je suis donc bien du même avis que vous sur le fait que notre avenir est ouvert, la date de notre mort aussi (elle dépend de quantité de choses). Mis à part quand même deux certitudes pour chacun :

  1. Une quasi certitude : nous finirons par mourir un jour (en tout cas, c’est l’expérience commune depuis l’aube de l’humanité, mais ce n’est pas le cas de toutes les espèces vivantes sur Terre, et donc qui sait ce que la médecine va trouver…).
  2. Une absolue certitude : Dieu nous aime, donc Dieu nous garde pour toujours. Ça, oui, il l’a décidé par avance, avant toute chose, sans nous demander notre participation, c’est ce que l’on appelle la grâce de Dieu. C’est dû à la nature même de Dieu, si je puis dire. Et donc, oui, notre destin d’être aimé et gardé par Dieu dans la vie. C’est une heureuse prédestination quant à notre vie future… mais pour le présent, effectivement, bien des choses imprévues peuvent arriver, et c’est en particulier grâce aux bons soins que Dieu nous apporte chaque jour. Mais il n’est pas non plus un magicien, ni un tyran ayant toute chose en main, et même quand on est Dieu on ne peut pas forcer une personne à aimer, ni à être libre, ni à être heureuse. « Notre Père ! Que ta volonté soit faite !« 

Je propose comme traduction Psaume 139:16 « Tes yeux ont vu l’embryon (que je suis), et mes jours sont inscrits sur ton livre dès qu’ils sont formés, et pas un d’entre eux (ne sera perdu pour toi). »

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

Partagez cet article sur :
  • Icone de facebook
  • Icone de twitter
  • Icone d'email

Articles récents de la même catégorie

Articles récents avec des étiquettes similaires

Un commentaire

  1. Jean-Pierre dit :

    Bonjour Pasteur Marc Pernot,
    Je vous remercie très sincèrement pour toutes ces excellentes explications.
    Le sens de la traduction de ce verset (Psaume 139:16) que vous proposez me convient parfaitement.
    La grâce de Dieu est avec vous.
    Amitiés fraternelles,
    Jean-Pierre Wisniewski

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *