Fonte de métaux dans un creuset - Image:
Question

Jugement, purgatoire, vie en ce monde ou dans l’autre… et Dieu ?

Par : pasteur Marc Pernot

Illustration : fonte de métaux dans un creuset - Image: 'temperatura' by Rafael Edwards https://creativecommons.org/licenses/by-nc/2.0/ http://www.flickr.com/photos/8741914@N07/13255305945

Question posée :

Bonsoir Marc,

J’ai quelques questions théologiques à vous poser sous forme d’abord de 3 affirmations à discuter.

Quand je dis (et que j’envisage de partager avec mes enfants) les affirmations suivantes, êtes-vous d’accord avec ces propositions ?

  1. « Dieu ne peut pas tout, mais Dieu tient tout ». Etes-vous d’accord avec cette affirmation ?
  2. « Dieu sait tout mais tout ne l’intéresse pas ». Etes-vous d’accord avec cette affirmation ?
  3. « Plutôt que de dire que Dieu est en nous, il est plus juste de dire que nous sommes en Dieu ». Etes-vous d’accord avec cette affirmation ?
  4. Autre question : celle du « purgatoire » :

Par ailleurs, bien que je sois passé du catholicisme au protestantisme libéral, je n’arrive pas à ne pas croire en l’existence du purgatoire, un « temps » de joyeuse purification nécessaire avant « d’entrer chez Dieu », une bonne douche … avant de pouvoir Le voir face à face …

D’ailleurs spontanément, je prie pour les morts et les hommes ont toujours fait ainsi : il doit y avoir une bonne raisons spirituelle, non ? Sinon, si le paradis est automatique, alors pourquoi ne pas se suicider tout de suite ?

Personnellement, j’ai tellement envie de mener à bien tant de projets … que le désir de mourir ne me traverse pas du tout l’esprit, au contraire je demande à Dieu tous les jours depuis ma naissance de ne pas me faire mourir tout de suite avant de les avoir réalisés … mais c’est aussi que je suis quelqu’un d’assez lent et que j’avance dans ma vie au rythme d’une tortue. Dieu a la bonté de tenir compte de ma lenteur. Ce qui me fait me lever tous les matins, c’est que je sais que le sablier du temps peut s’arrêter à tout moment, le compte à rebours ayant commencé dès notre conception, on peut mourir à chaque instant … J’espère échapper à l’enfer et je ne crois pas qu’il y ait quelqu’un en enfer … mais je ne pense pas non plus que l’être humain soit digne de voir Dieu face à face tout de suite… d’où un « temps » de purgatoire, de joyeuse purification nécessaire (mais y a-t-il un « temps » et un « lieu » pour cela, au moment de la mort, on quitte peut-être le temps pour rejoindre l’éternité ? Nos concepts spatio-temporels sont-ils adaptés pour penser cela ? Je pressens que je déraille sur cette question peut-être théologiquement et que je m’emmêle un peu les pinceaux… En m’interrogeant sur l’au-delà, je sens évidemment combien les concepts et le vocabulaire nous manquent pour parler d’une vie après la mort. La Bible et le Christ – dans leur grande sagesse sans doute – n’en parlent pas ou si peu.

Comme l’écrit Henri Bergson à la fin « Des deux sources de la morale et de la religion » (1932), « si nous étions sûrs, absolument sûrs de ressusciter, nous ne pourrions plus penser à autre chose » … et nous ne ferions plus grand-chose en ce bas-monde (c’est moi qui rajoute).

J’ai traversé une longue période païenne de plusieurs années, je me disais, je vais peut-être mourir prochainement, mais au moins j’aurais vécu ma vie assez intensément, j’aurais fait çi, j’aurais fait ça, tel voyage, tel pays découvert, telle rencontre, … j’ai vécu ci, j’ai vécu cela, je peux mourir à présent en me disant que j’ai bien vécu et bien rempli ma vie.

Comme le voit bien Henri Bergson, même la recherche du plaisir est une façon de narguer la mort : « Supposons qu’une lueur de ce monde inconnu nous arrive, visible aux yeux du corps. Quelle transformation dans une humanité généralement habituée, quoi qu’elle dise, à n’accepter pour existant que ce qu’elle voit et ce qu’elle touche ! L’information qui nous viendrait ainsi ne concernerait peut-être que ce qu’il y a d’inférieur dans les âmes, le dernier degré de la spiritualité. Mais il n’en faudrait pas davantage pour convertir en réalité vivante et agissante une croyance à l’au-delà qui semble se rencontrer chez la plupart des hommes, mais qui reste le plus souvent verbale, abstraite, inefficace. Pour savoir dans quelle mesure elle compte, il suffit de regarder comment on se jette sur le plaisir : on n’y tiendrait pas à ce point si l’on n’y voyait autant de pris sur le néant, un moyen de narguer la mort. En vérité, si nous étions sûrs, absolument sûrs de survivre, nous ne pourrions plus penser à autre chose. Les plaisirs subsisteraient, mais ternes et décolorés, parce que leur intensité n’était que l’attention que nous fixions sur eux. Ils pâliraient comme la lumière de nos ampoules au soleil du matin. Le plaisir serait éclipsé par la joie ». (dernière page des Deux sources de la morale et de la religion).

Bref, revenons à ma première question, quid du purgatoire ?

N’hésitez pas à me faire vos commentaires de mes commentaires et du texte d’Henri Bergson.

Réponse d’un pasteur :

Cher Monsieur

Bravo de vous poser des questions et de réfléchir, avancer !

C’est ça qui est génial

1 « Dieu ne peut pas tout, mais Dieu tient tout » ?

Je ne suis pas certain de bien comprendre ce que veut dire « Dieu tient tout » ? Oui, dans le sens où il garde dans ses pensées, dans son espérance, dans son action toute personne, toute vie, toute chose. Et en définitive il fera que la situation aille vers le mieux possible.

2) « Dieu sait tout mais tout ne l’intéresse pas » ?

Je suis moins d’accord. Tout nous intéresse dans la personne que l’on aime. Et donc, si, Dieu s’intéresse à tout, à mon avis, le bien pour le garder et le mauvais pour chercher à en guérir la racine. Mais c’est vrai qu’il passe sans doute sur ce qui est un peu nul et pas trop nocif quand même.

3) « Dieu est en nous, ou nous sommes en Dieu » ?

C’est les deux, à mon avis. En tout cas si l’on suit les grands discours d’adieux de Jésus dans l’Evangile selon Jean. Dieu est en nous et nous sommes en Dieu.

4) Qu’en est-il du purgatoire ? Ou de notre purification

D’abord, on a bien le droit de penser ce que l’on pense. Et si les autres ne sont pas d’accord ils n’ont qu’à penser autrement. Et même si c’est assez exotique parmi les protestants de « prier pour les morts », il est sans doute une bonne chose de prier en pensant à ceux que l’on aime et qui sont morts, ce qui n’est pas très très différent, en réalité.

D’accord pour l’idée de purification. Cela me semble essentiel comme conception du jugement. Non pas comme une sélection mais comme une purification active et douce, créatrice. Gardant le meilleur et cherchant à le faire s’épanouir, espérant et semant du bien encore neuf, travaillant à la racine du mauvais pour chercher à la soigner avec tendresse et détermination… Voir l’article « jugement » dans notre petit dictionnaire.

Mais la vision d’une vie après la mort avec des lieux comme le paradis, l’enfer, le purgatoire est tout à fait mythologique. Et pas très utile, voire nocif.

Vivre le jugement de Dieu au présent : c’est un soin

C’est pour aujourd’hui qu’il convient de vivre ce jugement, aujourd’hui qu’il convient de vivre ce temps de joyeuse purification du purgatoire. Aujourd’hui que nous ressuscitons. Paul en parle même au passé « nous avons été ressuscités » (Ephésiens 2:6; Colossiens 2:12; 3:1). C’est donc aujourd’hui que nous sommes dignes de « voir Dieu » et de recevoir celle lumière d’un monde inconnu. Que cela cesse d’être quelque chose comme un rêve, une illusion, un mirage qui nous ferait sortir de ce monde et de ce temps. Mais au contraire qui nous y engage, dans la confiance de toute façon notre avenir est assuré, reste la question de faire que cette vie présente soit belle et vraie. Pour l’amour de l’art. Par amour pour ceux qui nous entourent, par passion (sans jeu de mot) pour ce monde et cette vie que Dieu aime. Alors que la pensée de notre avenir futur, surtout si elle se fait dans une pensée de jugement, de peines possibles, de sélection… nous invite à penser à nous mêmes par instinct de survie, cela nous pousse à l’égoïsme et non à vivre dans la confiance par la grâce et dans la grâce.

Tous mes vœux de bénédiction pour vous et pour ceux qui vous sont chers

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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2 Commentaires

  1. Anonyme dit :

    Bonjour,
    J’ai lu récemment le témoignage d’un homme catholique qui y disait que sa croyance en un purgatoire résidait dans sa conviction profonde qu’il y a toujours un prix à payer pour nos actes, et que le pardon de Dieu ne dispensait pas de toute réparation et de toute sanction.Argument qui ne me paraît pas dénué de sens. Or, si j’ai bien compris, il n’y a aucune mention du purgatoire dans la Bible(est-ce que je me trompe ? Cela se pourrait, je ne suis guère connaisseur). Que pensez-vous de cet argument ?

    1. Marc Pernot dit :

      Si cet homme pense qu’il est juste de faire payer les fautes des personnes autour de lui, je n’aimerais pas être son conjoint, son enfant, son parent ou son ami ! Quelle épouvantable façon de concevoir le bien. Sans aucune miséricorde, sans compassion, sans une once de charité ni d’amour.
      Bien sûr, sa théologie est à l’image de cette épouvantable conception de la justice. Et cela donne un Dieu terrible.
      Donc si, désolé, cette théorie est totalement étrangère à l’Evangile du Christ. On le voit pardonner à la femme adultère sans lui infliger une sanction, on le voit même prier pour ceux qui viennent de le crucifier.
      Dieu ne fait souffrir personne !

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