Avec l’avancée des découvertes scientifiques, comment penser le Dieu « créateur du ciel et de la terre » ?
Question posée :
Bonjour monsieur Le Pasteur,
Je voudrais mettre en concordance ma foi, et mes interrogations en raison de l’avancée des découvertes scientifiques. Car avec les recherches sur l’origine du monde (existence de nombreuses galaxies, big bang,… explorations de comète, météores, planètes), c’est la question du Dieu « créateur du ciel et de la terre » qui peut se poser. Je souhaiterais savoir comment l’Eglise protestante concilie ces vérités, et répond également aux théories sur l’évolution de l’espèce.
Merci de l’éclairage que vous pourrez apporter à ma question.
Bonne journée.
Réponse d’un pasteur :
Bonjour chère madame
Personnellement, je suis de formation scientifique et c’est même la science qui m’a fait penser que l’existence d’un créateur était l’hypothèse la plus vraisemblable. L’évolution de l’univers n’est pas du tout contradictoire avec la notion de Dieu comme créateur, bien au contraire. La science nous apprend que le monde est en évolution. Elle nous apprend aussi que rien ne se met en mouvement tout seul, et elle nous dit que tout système tend spontanément au désordre (c’est que l’on appelle du doux nom de 2e principe de la thermodynamique, ou principe d’entropie). Du coup, comme l’univers est en évolution, l’hypothèse la plus vraisemblable me semble être l’existence de « quelque chose » d’extérieur à l’univers qui serait une cause de cette évolution et de ce mouvement qualitatif, quelque chose qui a participé à en être l’origine et le sens. Ce « quelque chose », nous pouvons l’appeler Dieu (en français), même si ce terme est piégé de mil pré-compréhensions plutôt encombrantes. Je pense, avec l’évangile selon Jean et bien d’autres passages d la Bible, que cette évolution n’est pas terminée. Dieu a ajouté une étape décisive dans cette évolution en Christ. Et Dieu continue à créer partout dans l’univers (il est vivant et il n’a pas arrêté d’agir, heureusement). Il nous appelle à agir aussi, avec lui et par lui, pour faire avancer, évoluer les choses en cohérence avec le Christ.
Cette évolution de l’univers dont nous parle la science dérange bien des athées. Mais cette évolution n’a aucune raison de déranger les croyants en Dieu, bien au contraire. Il y a pourtant des croyants que cela dérange, bizarrement, mais cette évolution dont parle la science ne dérange pas l’idée de Dieu ni ces témoignages anciens constituant la Bible, l’existence de l’évolution dérange seulement une tradition ancienne (et parfois sacralisée) dans certaines églises. C’est tout à fait leur droit, mais ce n’est largement pas le cas de tous les chrétiens, il est tout à fait possible d’interpréter la Bible comme confessant l’existence de Dieu continuant à faire évoluer le monde.
Dans le christianisme, nous avons de tout, dans ce domaine. Rien ne nous impose de faire partie des extrêmes :
- Nous avons des « créationnistes » convaincus (niant l’évolution et soutenant une création brutale, par exemple en 6 jours de 24 heures) dans le protestantisme. Il y en a dans les milieux musulmans ou juifs. C’est tout à fait leur droit.
- A l’autre extrême, il y a des chrétiens très très libéraux qui ne pensent pas l’existence d’un Dieu à l’extérieur de l’univers qui apporterait une dynamique d’évolution et de vie. On a bien entendu le droit aussi de penser ainsi, et je connais des personnes comme cela dans l’église protestante. Généralement ces personnes ne sont pas (trop) agressives mais peuvent avoir un brin d’attitude hautaine vis à vis de ceux qui pensent Dieu comme créateur, comme si c’était du même ordre que de penser que ce sont des marmottes qui emballent le chocolat au lait dans des feuilles d’aluminium…
C’est vrai que nous pouvons nous demander comment Dieu enverrait dans notre univers les informations nouvelles qu’il entendrait proposer pour susciter une évolution. A mon avis, peu importe. Nous ne savons pas tout, cet apport de l’extérieur me semble plausible, comme je l’explique plus haut.
En tout cas il me semble important de penser Dieu ainsi. Car cette pensée à des implications positive sur notre façon de concevoir notre existence en ce monde :
- En acceptant qu’il existe un Dieu en dehors de l’univers, cela nous encourage à avoir un point de vue plus humble, tout en restant responsables. Tout ne vient pas de nous mais nous pouvons nous ouvrir à quelque chose ou quelqu’un de plus grand qui insuffle du positif dans notre monde.
- Et en posant l’idée que Dieu serait créateur, nous induisons l’idée d’évolution et de créativité comme étant une bonne chose dans notre conception de la justice, et pas seulement le statu quo. Cela nous encourage à avancer, à cheminer, dans notre être et dans nos idées, cela nous encourage à nous sentir appelé à chercher ce que nous pourrions bien apporter à ce monde comme évolution positive, comme amélioration.
Je trouve donc excellente l’idée de l’évolution et je me réjouis grandement de suivre ces questions scientifiques. En particulier j’étais très curieux de savoir ce que la science dit de la poursuite de cette évolution, c’est à dire si après le big bang et l’expansion de l’univers il nous fallait penser à une contraction et une sorte de « big crunch » dans l’avenir de notre univers ? Cela tient à un cheveu près, juste quelques points dans la densité de l’univers, encore imparfaitement connue. Il semble que l’hypothèse considérée comme étant la plus vraisemblable par une majorité de scientifiques soit aujourd’hui celle d’un univers ouvert, dans une expansion qui ne s’arrêtera pas. Et cela me réjouis grandement, bien entendu, mais de toute façon Dieu n’a rien à craindre de la vérité, et donc rien à craindre de la science. Au contraire, notre théologie a tout à gagner de s’enrichir et de se réformer grâce à ce contact avec la réalité de l’expérience et de la pensée.
Dieu vous bénit et vous accompagne.
par : Marc Pernot, pasteur à Genève
Si vous voulez, vous pouvez voir aussi, dans le petit dictionnaire de théologie :
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Bonjour,
Je ne sais pas s’il existe ou non à ce sujet une position synodale officielle des Églises protestantes.
Comme suggéré dans la question, il est possible de rechercher une concordance entre science et théologie (protestante, médiévale chrétienne et patristique). Il est même possible de rechercher une unité plus large de vues entre science, philosophie, théologie en cherchant une concordance, mais aussi une complémentarité, une coopération.
Les questions posées sur l’origine du ciel et de la terre et sur la théorie de l’évolution biologique me semblent s’inscrire dans un cadre plus large : celui de l’interrogation sur les grandes origines universelles.
Les 4 grands problèmes des origines sont tous des sujets majeurs de recherche scientifique :
1. origine de l’Univers
2. origine de la Galaxie, du Soleil et de la Terre
3. origine de la Vie sur Terre et de l’évolution biologique
4. origine de la conscience.
1. origine de l’Univers, défini en tant qu’ensemble fini ou infini dans le temps et l’espace de tout ce qui existe physiquement (au sens de la physique)
Une exploration des possibles conduit à ce que j’appellerais le trilemme de l’origine de l’Univers :
– soit l’Univers n’a pas d’origine temporelle (infinité temporelle) : point de vue de certaines philosophie grecques antiques
– soit l’Univers a une origine temporelle (le Big Bang ou avant) et s’est auto-engendré : point de vue de la mythologies grecque d’Hésiode : l’Obscurité engendra le Chaos, qui engendra Gaïa, de certaines physiques ou philosophies ioniennes présocratiques (l’Univers est engendré par l’Infini, par tel ou tel des 4 éléments, par les 4 éléments…), et plus récemment de l’astrophysicien Stephen Hawking dans son ouvrage « Une brève histoire du temps »,
– soit l’Univers a une origine temporelle, et a été créé par une volonté : point de vue des philosophies déistes recourant à un démiurge (certaines philosophies grecques antiques, Voltaire…), du taoïsme si l’on interprète le Tao comme une sorte de volonté, de Dieu : le Tao Un engendra le Yin et le Yang, qui engendrèrent les 5 éléments et leurs mutations, qui engendrèrent les dix mille êtres…, de plusieurs religions, de WIlliam Craig et de son argument du Kalam (syllogisme comme quoi tout système a une cause, or l’Univers est un système, donc l’Univers a une cause hors de lui-même), et de la Bible : l’idée d’un Dieu « créateur du ciel et de la Terre » est exprimée dans la Bible dans les passages comme Genèse 1:1-10 et 2:4, Psaumes 8:4 et 74:15-17, Esaïe 40:26, Sagesse 9:1-2… pour le Premier Testament, et en Jean 1:1-3 notamment pour le Nouveau Testament (qui est plus centré sur Jésus Christ comme nouvelle étape de la création, par rapport au Premier Testament).
La science est agnostique à propos de ce trilemme, qui relève plus de la philosophie. On pourrait néanmoins dire que tout système physique possède des conditions initiales en termes de distribution de matière-énergie dans les dimensions du systèmes. La solution d’un Univers auto-généré me paraît donc plus difficile à soutenir du point de vue de la physique contemporaine (bien que pour l’astrophysicien Stephen Hawking spécialiste des trous noirs cela n’ait pas été le cas), car les conditions initiales appellent une explication physique à leur tour. La solution avec un Dieu créateur est hors de la science physique, mais l’Univers physique ferait alors partie d’un méta-Univers plus large, d’un sur-ensemble métaphysique. La solution sans origine temporelle (Univers infini dans le temps passé) est cohérente d’un point de vue physique, mais pas très satisfaisante sur le plan logique (infinité récursive de la série causale des conditions initiales précédentes vues comme état causal de l’état suivant, pour une durée donnée quelconque, par exemple 1 jour, 1 an, 1 siècle…).
Sur la base donc d’une estimation purement rationnelle voire probabiliste de ce que la physique peut et pourra expliquer dans le futur, je pencherais pour ma part nettement en la faveur d’une origine non physique (métaphysique) de l’Univers. Donc d’une création divine de l’Univers. Beaucoup de prix Nobels de physique sont ou étaient croyants en Dieu il me semble, et beaucoup d’universités Nord-américaines par exemple enseignent en parallèle théologie et science (plus de 250 facultés de théologie, dont Cambridge-US (Harvard), plutôt unitarienne d’ailleurs…). Cambridge-UK (haut lieu de Foi…) et Oxford, Paris, Londres et Édimbourg, autres hauts-lieux des sciences, ont également des facultés de théologie.
2. origine de la Galaxie, du Soleil et de la Terre
Une fois l’Univers existant, les lois physiques s’appliquent. L’astrophysique, la planétologie et la géophysique décrivent (en l’état actuel des connaissances, pour ce qui a pu être observé par télescope, mesuré, modélisé…), l’apparition des éléments chimiques dans les étoiles et lors de leurs explosions, la formation des galaxies, trous noirs, étoiles, planètes, … avec le rôle centrale de la gravitation.
Cette histoire est souvent racontée dans les musées scientifiques. Le fait que ce soit descriptible (avec auto-critique et amélioration continue) par la science (bien que beaucoup de points restent incompris, inconnus…), implique indirectement que Dieu n’intervient pas, ou alors de façon indiscernable, non mesurable, dans le chaos au sens mathématique des interactions physiques. Selon moi, tout ceci était prévu lors de la création de l’Univers, c’est en ce sens que Dieu est intervenu dans la création de la Vie, en mettant en place la matière physique, ses lois physiques et sa distribution initiale qui aurait donc donné les conditions initiales de l’Univers.
3. origine de la Vie sur Terre et de l’évolution biologique
Cette histoire est également racontée dans les musées scientifiques. Bien sûr il n’est pas possible de prouver que la Vie soit apparue uniquement par une suite de processus physique, chimique, géologiques et éventuellement météoritiques et cométaires, sans doute dans des milieux extrêmes (forme de vie extrémophiles https://fr.wikipedia.org/wiki/Extr%C3%AAmophile). Mais il est fortement envisagé que cette apparition soit possible, de la reproduire partiellement en laboratoire (expérience de Miller Urey sur la synthèse à partir de gaz et liquides simples de la plupart des acides aminés trouvés dans l’ADN et l’ARN en laboratoire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Miller-Urey, expérience améliorée depuis…) et que la Vie soit également apparu ailleurs que sur Terre, soit dans le système solaire (Mars, Ganymède, Europe, Encelade, Titan, …), soit ailleurs, ce qui est l’objet de l’exobiologie et un des thèmes centraux des explorations spatiales en cours (rovers sur Mars, retours d’échantillons…) et à venir. Voir par exemple à ce sujet l’excellent petit livre « L’origine de la vie, l’apparition des premiers organismes », collection les défis de la science.
L’évolution peut être observée à notre échelle temporelle pour des micro-organismes, des petits organismes, ou pour l’espèce humaine via la réduction récente de la taille des mâchoires (absence fréquente de certaines dents de sagesse…) par rapport à il y a quelques siècles. Ceci pourrait indiquer dans les processus biologiques un marquage épigénétique de l’utilisation de telle ou telle fonctionnalité au cours de la vie de l’individu, qui serait déposé dans les gamètes. Au fil des générations, une moindre utilisation provoquerait une réduction de la croissance embryonnaire, et au contraire une plus grande utilisation une augmentation de la croissance embryonnaire de la zone utilisée. Ceci en parallèle des mutations génétiques aléatoires (dues aux particules hautement énergétiques en provenance de l’espace, aux radiations radioactives ambiantes (y compris dans notre propre corps), à des réactions chimiques…), à des variations épigénétiques liées à l’environnement chimique, à la sélection naturelle…
Le fait que l’origine de la Vie soit en passe d’être reliée par la science avec des processus physico-géologico-chimiques, et que l’évolution des espèces soit descriptible (avec auto-critique et amélioration continue) par la science (bien que beaucoup de points restent incompris, inconnus…), implique indirectement que Dieu n’intervient pas, ou alors de façon indiscernable, non mesurable. Selon moi, tout ceci était prévu lors de la création de l’Univers, c’est en ce sens que Dieu est intervenu dans la création de la Vie, en mettant en place la matière physique, ses lois physiques et sa distribution initiale qui aurait donc donné les conditions initiales de l’Univers.
4. origine de la conscience.
L’évolution des espèces conduit à l’apparition de sensibilité, de cerveaux, de conscience…
A partir d’un certain moment les humains apparaissent, la sociabilité humaine, le langage, la réflexion, la technique, les arts…
Ils recherchent des explications et des soutiens, inventent des religions, d’abord proches de la nature, comme le chamanisme… puis cela évolue en des formes de plus en plus rationnelles, vers la mythologie, le polythéisme, puis le monothéisme apparaît, sans doute de la façon dont le raconte la Genèse dans la Bible. Il s’agit d’une recherche des groupes humains. Une révélation intérieure peut néanmoins avoir lieu, comme dans le christianisme ce qui est désigné par la paix intérieure, la paix du Christ… En puisant dans les sagesses, mythologies et récits des peuples environnants, le peuple hébreu a pu avoir de telles révélations prophétiques, et les consigner dans ce qui deviendra peu à peu la Bible hébraïque, plus les livres aujourd’hui dits deutérocanoniques par les canons catholiques et orthodoxes, et transmis via la Septante en grec. Idem pour les auteurs du Nouveau Testament, avec les différentes traditions de Matthieu-épître aux Hébreux, Marc – épître 1-Pierre, Luc-Apôtres-certaines épîtres pauliniennes comme Philippiens-Philémon-Timothée-Tite, Jean-épitre 1-Jean-Apocalypse-Ephésiens, autres épîtres pauliniennes plus juridiques, épîtres pastorales… : une grande partie a pu être rédigé en expérimentant cette paix intérieure. Ceci serait un gage de vérité à un certain niveau (sentiment d’accomplissement, d’unité, de cohérence entre conscience et valeurs, entre conscient et inconscient…)
Une notion très intéressante est celle de Qualia, qui signale que l’expérience vécue est plus que la connaissance abstraite :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Qualia
https://en.wikipedia.org/wiki/Qualia
Ainsi il n’est pas sûr qu’une intelligence artificielle consciente voire libre en un certain sens (ce qui relève pour le moment de l’expérience de pensée, mais paraît probable vu les simulations par super-ordinateurs des cerveaux animaux et humains d’une part, le développement de l’intelligence artificielle d’autre part) expérimente ces qualias (à moins qu’elle ne soit devenue un être vivant évolué à part entière…).
L’évolution de l’humanité au niveau de la conscience (et de l’inconscient) peut être un second lieu de la métaphysique, après celle de l’origine de l’Univers.
Cordialement,
Bonsoir,
C’est tout à fait passionnant. Grand merci de partager cela.
Pour ce qui est d’ « une position synodale officielle des Églises protestantes. » Heureusement, ce n’est pas trop le style de la maison : chaque personne étant appelée à être en ligne directe avec Dieu, appelée à se faire sa propre opinion, éclairée par l’Esprit, sans que ce soit l’église qui lui dise quoi penser. C’est l’idée même de la Pentecôte, où se réalise ce qui était promis par les prophètes et attendu par le Messie : “Je mettrai ma loi, ma Parole au-dedans d’eux, je l’écrirai dans leur cœur, du plus petit au plus grand, tous me connaîtront” (Jérémie 31:33), ce qui se réalise donc en Christ (voir les Actes des apôtres « Dieu dit : je répandrai de mon Esprit sur toute personne, vos fils et vos filles prophétiseront, des plus jeunes jusqu’aux plus âgés » (Actes 2,17)).
C’est vrai que parfois un synode, un responsable d’église ici où là, où une commission, un pasteur, un synode… se prend un peu pour la voix de l’église à lui/elle toute seule. Ce n’est pas si grave, les protestants de base ne se sentent absolument pas engagés alors par ces paroles et continuent à penser librement ce qu’ils pensent, et ils ont bien raison.
Bonsoir,
oui, grand merci à vous.
Selon la Foi en Dieu source de Vie, en l’Esprit-Saint qui donne sa Grâce, en Jésus Christ source de l’Amour-agapé qui donne sa paix, Jésus Christ est selon Apocalypse 22-13 l’Alpha et l’Oméga, le Commencement et la Fin, selon Jean 1:1-3 le Logos à l’origine de l’Univers, selon Ephésiens 1:10 la plénitude et l’accomplissement des temps, permettant de réunir l’Univers entier sous un seul chef, le Christ, ce qui est est dans les cieux et ce qui est sur la terre. Dieu « créateur du Ciel et de la Terre », Christ Logos et Médiateur, est destinée de l’Univers à travers la participation à son corps céleste qu’est l’Église Universelle.
Il y a comme unicité de la vérité et multiplicité des points de vue : comme dans une chaîne de montagnes, les randonneurs peuvent admirer des points de vue très différents selon leur position, leur altitude, la météo… Pour ma part, dans cette randonnée, je pense que la logique, la raison, l’empirisme, donc la science quand elle est authentique dans sa démarche (d’ailleurs auto-critique et auto-améliorative avec le temps), et la philosophie quand on n’active pas en même temps toutes les philosophies mais que l’on est sélectif, que l’on recherche une cohérence, hors des extrémités du relativisme ou du scepticisme intégral, sont comme des boussoles, des lampes-torches pour la nuit ou les explorations des grottes, et des garde-fous pour éviter les crevasses et les précipices. Mais tout ceci, de même que la lecture et l’étude de la Bible par exemple, demande du temps, beaucoup de temps… que l’on a pas tant que ça puisqu’il faut bien vivre dans la pratique aussi, dans le monde… Il faut alors parfois survoler, aller piocher à bon escient et rapidement exactement la quintessence de l’information dont on a besoin pour avancer… se baser sur de bonnes sources… Un bon synode idéal pourrait servir à cela, à fournir des éléments de synthèse et des pistes de réflexion de qualité pour progresser à des gens qui ont tous un temps limité pour approfondir des sujets dont l’abord est difficile et exigent comme une randonnée de montagne assez longue. Mais la vérité est unique, universelle, ne l’oublions pas, ne le mettons pas de côté au nom du principe que chacun est libre de croire ce qu’il veut. Ce qui est possible n’est pas forcément bien, liberté de pensée et de croire ne veut pas dire vérité totalement subjective, relativisme…
Quelques points encore :
– concernant la notion d’origine de l’Univers, il peut s’agir à la fois d’une origine causale (cause des mouvements, interactions physiques…) et d’une origine temporelle. Le temps choisi pose question puisqu’en fait le temps est associé à un référentiel ou à un observateur donné. L’existence d’une origine de l’Univers signifierait que tous les référentiels temps ont une origine temporelle finie, mais pas forcément la même. Il ne s’agit pas tout à fait pour moi de ce qui est appelé « origine de l’Univers » en relativité générale, car en science, c’est l’Univers observable qui est étudié. Il s’agit alors de remonter par la théorie au delà de la toute première observation obtenue de l’Univers fossile, à savoir celle du fond diffus cosmologique, pour décrire l’expansion des débuts de l’Univers observable selon la théorie du Big Bang. Il se peut qu’avant le Big Bang il y ait eu un pré-Univers, qu’il existe ou ait existé d’autres sortes de bulles d’Univers, mais avec la même physique universelle… Pour ma part, j’utilise le terme Univers ici dans le trilemme de l’Univers, selon une approche que je qualifierais de philosophique, ou d’expérience de pensée, comme une réunion logique, mathématique, de tout ce qui existe physiquement, mesuré selon un référentiel physique d’étude cohérent selon la physique. Le trilemme implique selon moi (au sens d’une plus grande probabilité et logique), l’existence d’un Univers métaphysique qui a conféré ses conditions initiales soit à notre Univers, soit à son pré-Univers, et donc à l’ancêtre ou la source en quelque sorte de notre Univers observable au sens de l’astrophysique et de la relativité générale.
– Colossiens 2:8 nous invite à ne pas tomber dans le piège de la philosophie (et le mot philosophie et le verset sont bien attestés avec très peu de variantes dans les manuscrits Sinaïticus, Alexandrinus et Vaticanus selon http://nttranscripts.uni-muenster.de/AnaServer?NTtranscripts+0+start.anv), même s’il semble s’agir de philosophies religieuses qui font intervenir des forces de l’Univers au lieu du Christ selon la suite du verset. Mais Luc 10:27 et Mark 12:30 invitent à aimer Dieu de toutes ses pensées ou de toute sa pensée selon les variantes selon ces mêmes manuscrits. J’entends pour ma part « Aimer Dieu de toute sa pensée » comme une invitation à réfléchir, à rechercher dans la réflexion une cohérence, Dieu créateur de l’Univers ayant aussi créé la Science Idéale, vers laquelle la science humaine converge, et qui peut expliquer la possibilité même de son succès, conduisant à la croissance progressive de l’humanité en connaissances et en responsabilités, et Jésus Christ identifiable au Logos Intermédiaire peut aussi recherché via notre faculté du logos, en la philosophie, à condition de ne pas tomber dans le relativisme, et d’activer en même temps toutes les philosophies connues, en faisant jouer tour à tour toutes leurs contradictions intrinsèques.
– Enfin quelles lectures et interprétations de Genèse 1, magnifique poème de la création de l’Univers, mais aussi de la Nature et de l’Humanité ? Je l’interpréterais comme décrivant le processus de conception de l’Univers, de la Terre, et de la Nature, avant la création de l’Univers, la réalisation matérielle de cette conception pouvant être décrite par la science, qui trouve des procédés et processus reproductibles, et donc où l’intervention de Dieu est indiscernable, sinon complètement absente. L’intervention créatrice de Dieu après la création de l’Univers se ferait alors dans sa relation à l’humanité et à chacune et chacun, peut-être en créant l’esprit de chacune et de chacun. Ce sont des questions éternelles…
Cordialement,
« Il y a comme unicité de la vérité et multiplicité des points de vue »
Oui. Mais pas au sens d’une connaissance cachée. La notion de « vérité dans la Bible est une vérité de relation, de sincérité, de respect, de prise en considération de l’autre. Au pour que le même mot « émèt » en hébreu se traduit tantôt par « vérité », tantôt par « fidélité ». Il peut y avoir quantité de façon « vraie » de vivre et d’être. C’est la qualité du geste qui réunit toutes ces façons d’être, alors même que des différences apparaissent dans le visible.
Quant à la « philosophie », Paul en est un habile praticien, associant de manière féconde l’interprétation biblique et les méthodes, notions philosophiques, souvent stoïciennes. Jésus lui-même insiste sur l’exercice de la réflexion personnelle, de l’intelligence pour chaque personne, comme vous le dites. Et l’habileté de Jésus à argumenter, la pédagogie questionnante de ses paraboles invite à la réflexion. On ne peut donc pas dire que le Nouveau Testament soit contre la philosophie. Seulement, cet outil, cette faculté n’est pas un but en lui-même mais la philosophie, la réflexion est mise au service de l’Esprit, animée par l’Esprit. De même que l’Evangile n’est pas contre la chair, contre ce monde, mais la chair est faite pour être animée par l’Esprit, que la Parole de Dieu s’y incarne.
merci, on n’est pas du tout du tout d’accord, mais merci quand même.
Alors merci, d’autant plus, pour ce dialogue nourri et respectueux !
Dieu vous bénit et vous accompagne
Bonjour,
Oui. Pour ma part je parlais du concept de vérité-réalité, de réalité en fait en fin de compte, la vérité étant des énoncés logiquement vrais sur la réalité de ce qui existe et est. Il me semble que la personne qui a posé la question initiale se référait à ce sens du mot vérité : « Je voudrais mettre en concordance ma foi, et mes interrogations en raison de l’avancée des découvertes scientifiques. Car avec les recherches sur l’origine du monde […], c’est la question du Dieu « créateur du ciel et de la terre » qui peut se poser. Je souhaiterais savoir comment l’Eglise protestante concilie ces vérités ».
On peut glisser sur un autre sens du mot vérité, mais cela ne change pas le concept de vérité-réalité au sens habituellement employé en science, en philosophie, qui lui demeure. Il s’agirait pour moi plutôt de rechercher l’unité de cette vérité-réalité, à divers niveaux, en activant simultanément recherche en science au sens habituel moderne, en philosophie, et en théologie. Cette vérité-réalité est comme une chaîne de montagne, avec de nombreux belvédères, et comme un iceberg, dont une petite partie seulement serait émergée, par analogie avec la partie émergée des icebergs (10% de leur volume environ). D’où l’idée d’une partie de la vérité qui serait plutôt bien cachée, difficile d’accès, inaccessible sauf peut-être pour une part à faire de la plongée dans la mesure de ses possibilités…
****
Précision du point de vue scientifique.
Je vous cite : « Elle [la science] nous apprend aussi que rien ne se met en mouvement tout seul, et elle nous dit que tout système tend spontanément au désordre (c’est que l’on appelle du doux nom de 2e principe de la thermodynamique, ou principe d’entropie). Du coup, comme l’univers est en évolution, l’hypothèse la plus vraisemblable me semble être l’existence de « quelque chose » d’extérieur à l’univers qui serait une cause de cette évolution et de ce mouvement qualitatif, quelque chose qui a participé à en être l’origine et le sens. »
Vous me semblez faire référence à une version revisitée de l’argument de la cause première d’Aristote, du premier moteur immobile (extérieur à l’Univers) du livre VIII de sa Physique : VIII-6-10:13.
Néanmoins, il y a comme deux causes premières : une cause première origine de l’Univers (le cf trilemme de l’Univers), et une cause première des mouvements dans l’Univers à chaque instant.
Concernant cette cause première des mouvements à chaque instant, tout système ne tend pas vers le désordre. D’abord il s’agit d’une convergence vers un état d’équilibre statistique complet pour les systèmes fermés. L’équilibre statistique complet correspond à un équilibre dynamique entre l’ensemble des micro-états correspondants à l’état statistiquement le plus probable, plus des sortes d’oscillations autour de ces états les plus probables. Ensuite, par exemple dans la théorie de la Relativité Générale, l’Univers est considéré comme un système ouvert car le champ gravitationnel créé par sa propre matière-énergie s’y applique. Cf, par exemple l’ouvrage de Physique statistique de Landau et Lifchitz par exemple (disponible sur https://archive.org/details/ost-physics-landaulifshitz-statisticalphysics, p41-42). S’il est donc vrai qu’il semble y avoir une contradiction manifeste entre ce principe et l’expérience, il faut rappeler ces deux points, que l’évolution n’est pas vers un désordre vers l’état statistiquement le plus probable selon des mouvements et des interactions de proche en proche, et ensuite que la courbure de l’espace-temps engendré par sa propre matière-énergie entraîne qu’il faille considérer l’Univers comme un système statistiquement ouvert, de par l’intervention de cette courbure qui, du point de vue de la physique statistique, est comme extérieure aux interactions de proche en proche entre molécules, atomes, rayonnements… En fait l’origine de cette courbure de l’espace-temps ou plus simplement de l’attraction de la gravité en théorie newtonienne, doit aussi provenir d’interactions de proche en proche au sens d’une physique statistique, mais à une échelle plus fine, quantique ou subparticulaire, probablement indétectable aujourd’hui. Sinon cela suppose des interactions instantanées à distance quasi magiques pour exercer la force de gravitation (ou provoquer la courbure de l’espace-temps en relativité générale) , comme Newton le pensait d’ailleurs à son époque. Donc attention en tout cas, ce n’est pas le second principe de la thermodynamique qui serait une explication de l’évolution, on ne peut guère en tirer de calculs d’ailleurs il me semble.
*****
Concernant la notion de vérité dans la Bible hébraïque, avec notamment les mots Emet et Amen (commençant tous deux par la lettre aleph) :
Humour (ce verset pourrait être appliqué mutuellement lors des discussions et recherches, chacun aurait-il un peu raison ?)
Ps 118:43 N’ôte pas entièrement de ma bouche la parole de la vérité! Car j’espère en tes jugements.
Citation par rapport à la question initiale
Ps 145:6 Il a fait les cieux et la terre, La mer et tout ce qui s’y trouve. Il garde la fidélité à toujours.
Vérité, fidélité, bonté et justice
Ps 118:142 Ta justice est une justice éternelle, Et ta loi est la vérité.
Ps 118:160 Le fondement de ta parole est la vérité, Et toutes les lois de ta justice sont éternelles.
Ps 84:11 Bonté et fidélité se rencontrent, justice et paix s’embrassent
Psaume 144:18 L’Éternel est près de tous ceux qui l’invoquent, De tous ceux qui l’invoquent avec sincérité
Jérémie 4:2 Si tu jures: L’Éternel est vivant! avec vérité, droiture et justice, alors les nations seront bénies en lui, Et se glorifieront en lui.
Complément à la citation de Actes 2,17 :
Actes des apôtres « Dieu dit : je répandrai de mon Esprit sur toute personne, vos fils et vos filles prophétiseront, des plus jeunes jusqu’aux plus âgés » (Actes 2,17)
Jérémie 28:9 « mais si un prophète prophétise la paix, c’est par l’accomplissement de ce qu’il prophétise qu’il sera reconnu comme véritablement envoyé par l’Éternel. »
Psaume 137:2 Je me prosterne dans ton saint temple, Et je célèbre ton nom, à cause de ta bonté et de ta fidélité, Car ta renommée s’est accrue par l’accomplissement de tes promesses.
Existence d’une connaissance cachée :
[ je vous cite : « Il y a comme unicité de la vérité et multiplicité des points de vue »
Oui. Mais pas au sens d’une connaissance cachée. « ]
Daniel 8:26 Et la vision des soirs et des matins, dont il s’agit, est véritable. Pour toi, tiens secrète cette vision, car elle se rapporte à des temps éloignés.
Isaïe 59:14-15
Et la délivrance s’est retirée, Et le salut se tient éloigné; Car la vérité trébuche sur la place publique, Et la droiture ne peut approcher.
La vérité a disparu, Et celui qui s’éloigne du mal est dépouillé. -L’Éternel voit, d’un regard indigné, Qu’il n’y a plus de droiture.
Psaume 24:5 Conduis-moi dans ta vérité, et instruis-moi; Car tu es le Dieu de mon salut, Tu es toujours mon espérance.
Psaume 42:3 Envoie ta lumière et ta fidélité! Qu’elles me guident, Qu’elles me conduisent à ta montagne sainte et à tes demeures!
Ephésiens
Eph 3:3-5 C’est par révélation que j’ai eu connaissance du mystère sur lequel je viens d’écrire en peu de mots. En les lisant, vous pouvez vous représenter l’intelligence que j’ai du mystère de Christ.
Il n’a pas été manifesté aux fils des hommes dans les autres générations, comme il a été révélé maintenant par l’Esprit aux saints apôtres et prophètes de Christ.
Nécessité d’une recherche de la vérité, d’un achat, d’un investissement pour acquérir cette vérité, et de ne pas s’en défaire ensuite (ne pas la vendre, la troquer pour autre chose)
Proverbes 23:23
Acquiers la vérité, et ne la vends pas, de même que pour la sagesse, l’instruction et l’intelligence.
Dieu de vérité
Isaïe 65:16 Celui qui voudra être béni dans le pays Voudra l’être par le Dieu de vérité, Et celui qui jurera dans le pays Jurera par le Dieu de vérité; Car les anciennes souffrances seront oubliées, Elles seront cachées à mes yeux.
Psaume 25:3 Car ta grâce est devant mes yeux, Et je marche dans ta vérité.
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Enfin pour revenir sur la vérité cachée ou non dans la Bible, il me semble que beaucoup de ressources sont disponibles à notre époque, mais que cela repose sur un énorme travail des générations précédentes : rédacteurs des livres de la Bible, copistes jusqu’à l’apparition de l’imprimerie, imprimeurs, sites bibliques en ligne, interprètes, traducteurs, grammairiens, rédacteurs de dictionnaires et lexiques analytiques…
Quelques exemples de sens un peu cachés :
Psaume 82:6 (ou 81:6): J’avais dit: Vous êtes des dieux, Vous êtes tous des fils du Très Haut.
Le mot dieux en hébreu est Elohim. Or qui sont les Elohim : parfois Dieu, parfois des dieux, parfois de humains, parfois Nabuchodonosor en tant que roi exerçant une puissance quasi-cosmique ? Ou bien un titre d’élévation de l’humanité, à condition de ne pas s’en prévaloir soit-même, mais qui est comme conféré par Grâce, à ceux qui se reconnaissent comme pêcheurs et demandent le Salut en Jésus Christ qui a ouvert une Nouvelle Alliance symbolisé par sa Résurrection qui réconcilie la condition humaine avec une possibilité renouvelée davantage accessible de la Grâce.
Ps 101:3 (ou 100:3)
Je ne mettrai rien de mauvais devant mes yeux; Je hais la conduite des pécheurs; Elle ne s’attachera point à moi.
Une traduction plus littérale serait : je ne mettrai pas devant mes yeux la parole de Belial. […]
Seule les traductions Darby et Chouraqui mentionnent cette parole de Belial. Mais qui est ce Bélial dont il est question en hébreu (ou Béliar parfois dans le Nouveau Testament) ? Se renseigner sur lui ne conduit-il pas à mettre devant ses yeux la parole de Bélial, alors qu’il faudrait l’éviter ?
Jésus indique dans les Evangiles la Loi transmise par Moïse comme accomplie par Lui, alors que Paul ou les disciples de Paul l’indiquent comme abolie en Ephésiens 2:15 par exemple : Il a aboli dans sa chair la Loi, ses commandements et ses observances. Alors que même aujourd’hui les Dix commandements du décalogue (partie de la Loi transmise par Moïse) sont considérés comme globalement toujours d’actualité. Bref, la vérité sur ce sujet n’est pas simple, elle nécessite réflexion et interprétation, il y a comme plusieurs propositions dans le Nouveau Testament.
« Mais pas au sens d’une connaissance cachée. »
On peut citer enfin la question de la Trinité : il existe plusieurs manières d’interpréter la Bible :
– Unité dans la Trinité au sens habituel des professions de Foi des Conciles, Synodes, Symboles anciens, ou de la théologie dite orthodoxe
– Unité de Dieu, avec Jésus Christ et l’Esprit Saint à un niveau juste en-dessous comme intermédiaires divins,
– unitarisme(s)…
– Unité de Dieu avec Jésus humain modèle et Saint-Esprit comme force agissante de Dieu…
Est-ce que la vérité n’est pas cachée, incertaine ? Surtout incertaine. Faîte de croyances et de Foi sur des choses qui semblent à beaucoup absolument essentielles, comme l’existence même de Dieu.
Cf par exemple le livre « le Savoir-Croire » de Jacques Neyrinck (le titre n’est pas très heureux, mais le contenu est intéressant).
Cordialement,
Comme vous voulez.
Dans tous les versets cités, vous pouvez tout aussi bien remplacer la traduction « vérité » par « fidélité ».
D’accord pour cette belle traduction et lecture systématique par le mot fidélité, effectivement ça ouvre un autre sens, une autre perspective, insistant davantage sur la relation personnelle à Dieu que sur la compréhension soit objective soit sur une base de Foi subjective de la réalité. Pourrait-on accepter les deux lectures, soit vérité (au sens plutôt « grec », mais qui semble quand même exister en hébreu) soit fidélité ? ça me paraîtrait peut-être « fidèle » à la logique de la langue hébreu dans la Bible hébraïque. Sur quelle base dire que les auteurs voulaient dire plutôt tel sens ou plutôt tel sens, et que les lecteurs assurément lisaient plutôt en tel sens ou plutôt en celui-ci ? Sur quelle base sont établis les lexiques analytiques, comme le Analytical Hebrew and Chaldee lexicon (Hebrew Bible) de Benjamin Davidson ? Il serait intéressant de consulter les interprétations talmudiques à ce sujet : Rachi de Troyes, Moïse Maïmonide, et les interprétations plus récentes… Les communautés chrétiennes ont délibérément choisi la langue grecque plutôt que l’hébreu ou l’araméen, peut-être en partie pour éviter les trop nombreuses polysémies sur des points essentiels, en recourant même préférentiellement voire peut-être quasi-exclusivement à la Septante, la traduction grecque du Premier Testament, pour les très nombreux emprunts effectués lors de la rédaction du Nouveau Testament. D’où peut-être une partie des risques de divergences, de schismes dans la religion chrétienne, là où la pluralité des interprétations est systématiquement mise en avant dans la religion juive contemporaine il me semble (rabbins comme fidèles).
Concernant le chapitre 1 Corinthiens 13 de Paul sur l’Amour-Agapé, Paul distingue une sorte de podium (en ces temps de Jeux Olympiques) de 3 vertus parce qu’elles demeurent, ne passent pas, ou engendrent des fruits éternels, la Foi, l’Espérance et l’Amour-Agapé, et il donne la médaille d’or en quelque sorte à l’Amour-Agapé, qu’il place aussi au-dessus de la connaissance, qui est seulement partielle et confuse, et sera abolie, remplacée par une connaissance nouvelle, de la charité envers ceux dans le besoin, et des dons de prophétie et de parler en langues, dont la portée prendra fin.
Personnellement, de nombreuses phrases me paraissent excessives, car trop inconditionnelles, comme beaucoup d’énoncés pauliniens d’ailleurs. Non, sans Amour-Agapé, personne n’est rien (1 Corinthiens 13-2), puisque l’on est un être vivant. Une formulation plus nuancée (une interprétation donc) pourrait être de dire qu’un peu d’Amour-Agapé dessèche, et que plus d’Amour-Agapé guérit, revitalise, comme de l’eau qui coule à nouveau dans une terre aride. Sans doute est-ce très important pour l’hygiène de vie sur le plan psychologique (indépendamment du fait de fréquenter ou non effectivement beaucoup ou peu de personnes), voire même pour réduire les risques et la gravité de maladies neurodégénératives, de même que faire un peu de sport-santé régulièrement aussi longtemps que l’on peut est très favorable pour garder une bonne condition physique le plus longtemps possible. Ensuite non l’Amour-Agapé n’excuse pas tout (1 Corinthiens 13-7), par exemple les horreurs de l’Histoire humaine (et pas seulement au XXème siècle) malheureusement, on ne peut que les abandonner à Dieu pour en juger.
Ensuite et surtout, je ne pense pas qu’il soit pertinent de segmenter et hiérarchiser l’humanité en nous : Amour-Agapé, Foi, Espérance, Charité à bon escient et au moment approprié, Amour-Agapé de Soi, Amour-Agapé du Prochain, Connaissance des Mystères de Dieu, Autres Connaissances, Don de Prophétie…
Chaque personne est un tout unique. Chaque personne fonctionne à sa manière. Je n’adhère pas vraiment à ces idées d’échelles de valeurs qui seraient universelles et permettraient de hiérarchiser les bonnes choses en nous.
Je pense au contraire qu’il n’y a pas contradiction (si l’on travaille pour obtenir une certaine cohérence), mais au contraire coopération et renforcements mutuels entre Connaissance et Foi, entre Foi et Espérance, entre Compréhension et Amour-Agapé…
De nombreuses théologies alternatives pourraient être proposées. On peut en construire une simple sur la base d’une autre épître paulinienne (pas forcément de Paul…), et cela reprend l’idée de l’importance d’une certaine connaissance d’éléments cachés, rendus publics peut-être, mais cachés à la compréhension de prime abord comme peuvent l’être les meilleurs coups possibles lors d’une partie d’échecs ou de go complexe, alors que toute l’information de l’échiquier ou du plateau de go est accessible à tout moment : Colossiens 2:2-3 : Christ, en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance. Jean 1:3 : Au commencement était le Logos, […]. Tout fût par lui. Apocalypse 21:6: [Jésus] Je suis l’Alpha et l’Oméga, le Commencement et la Fin. A celui qui a soif, je donnerai de la source d’eau vive, gratuitement. Proverbes 2:2-6 : si, prêtant une oreille attentive à la sagesse, tu soumets ton cœur à la raison, oui, si tu fais appel à l’intelligence, si tu invoques la raison, si tu la cherches comme l’argent, si tu la déterres comme un trésor, alors tu comprendras ce qu’est la crainte du SEIGNEUR [de l’ETERNEL], tu trouveras la connaissance de Dieu. Car c’est le SEIGNEUR [l’ETERNEL] qui donne la sagesse, et de sa bouche viennent connaissance et raison. Esaïe 45:3 : Je te donnerai les trésors déposés dans les ténèbres, les richesses dissimulées dans les cachettes : ainsi tu sauras que c’est moi le SEIGNEUR [l’ETERNEL].
Merci encore, j’ai vraiment apprécié ce développement.
Le passage à la langue grecque pour la traduction des Septantes et pour le Nouveau Testament ne me semble pas être dû à une intention philosophique ou théologique. C’est simplement une nécessité, la diaspora juive était extrêmement importante déjà au temps d’Alexandre et encore plus au temps de Jésus. Et la plupart de ces juifs étaient de langue grecque, ou partageaient mieux en grec qu’en une autre langue, beaucoup de lisaient plus vraiment l’hébreu. Cependant, même en grec, les notions hébraïques ne sont pas loin dans la mentalité de ces personnes dont la pensée reste pétrie ce culture biblique. C’est ce que l’on voit par exemple dans le prologue de Jean, où effectivement le logos fait penser au logos stoïcien, au logos de la pensée rationnelle. Sauf que ce prologue de Jean est manifestement un midrash du début de la Genèse, ce qui laisse à penser que cette notion de logos johannique est en grande partie à lire au sens de amar, la parole/action créatrice de Dieu. Ce qui n’empêche pas un clin d’œil de Jean, une passerelle, un appel du pied de Jean envers les personnes inspirées par les écoles philosophiques du temps.
Les Evangiles me semblent avoir choisi d’exprimer l’Evangile en grande partie par des récits, plus que par des développements rationnels. Ce débat est ancien entre la communication par le récit (mytos) censé inspirer le lecteur ou l’auditeur, et/ou par la pensée rationnelle (le logos) censé nourrir le bon discernement du lecteur ou auditeur. Jésus pratiquait les deux modes avec aisance, avec ses paraboles et ses gestes signifiants d’un côté, et ses discours de l’autre. Mais même quand il emploie le mode du discours, ses hyperboles sortent du simple discours de sagesse. Par exemple dans son « vous êtes la lumière du monde » ou dans son « ne résistez pas au méchant » ou comme vous le dites un « l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle »… ce genre d’énoncés appelle plus au questionnement et à l’inspiration qu’à un savoir rationnel en anthropologie ou en code de comportement.
Paul est manifestement plus du côté du logos, et ce n’est pas non plus étranger à Jean. Mais comem vous le dites, même avec Paul il est difficile de prendre ses énoncés comme étant totalement du côté du logos du philosophe. Il me semble être encore profondément dans une façon hébraïque de penser avec des effleurements de notions plus grecques.
Mais évidemment, et heureusement, de nombreuses théologies alternatives peuvent être développées à partir de ces textes. C’est délibéré de la part des auteurs, et de ceux qui ont constitué le « canon » de la Bible, nous donnant en particulier pas moins de quatre témoignages sur le seul Christ. C’est d’une grande richesse et cela aussi casse les velléités d’absolutiser une unique « vérité ».
Dieu vous bénit et vous accompagne
Oui, merci pour cette idée d’écriture de passages du Nouveau Testament sur le modèle du midrash, « ce qui vient des interprétations en profondeur ». Je pense le prologue de Jean 1:1-3 établit le lien en langue grecque entre d’une part la Foi sémitique, et notamment du peuple hébreu en un Dieu créateur de l’Univers que l’on trouve bien sûr formulée en Genèse 1, et d’autre part un extrait compatible de la philosophie grecque de Platon, d’Aristote, du néoplatonisme et des stoïciens. Ce lien se retrouve aussi aussi dans la philosophie de Philon d’Alexandrie, voire à ce sujet « Les idées philosophiques et religieuses de Philon d’Alexandrie » du professeur d’histoire de la philosophie Émile Bréhier (disponible sur archive.org). Les écrits d’interprétation allégorique de Philon d’Alexandrie seront repris par les Pères de l’Église de l’école chrétienne d’Alexandrie, mais avant cela, il est fort possible que sa lecture allégorique de la Bible hébraïque comme sa synthèse entre philosophie grecque et Bible hébraïque ou Septante ait influencé les milieux de rédaction du Nouveau Testament, en particulier Jean.
Les Évangiles, le Nouveau Testament, et la Bible dans son ensemble, sont à interpréter, quelle que soit la langue de lecture. Paul dans ses épîtres 1 Corinthien et Galates par exemple propose une théologie basée sur une triple Logique (un triple Logos) :
1. La Logique (le Logos) du Salut par la Foi seule en Galates 2:16 (la Foi d’Abraham lui ayant été comptée comme justice, sans Amour ni œuvre),
2. La Logique (le Logos) de la Croix salvatrice du Christ Messie (1 Corinthiens 1:21-24 et 30), scandale voire blasphème (cf Lévitique 24) pour les Pharisiens antiques qui attendaient le Messie, qui ne doit donc pas être insulté, et raison sans doute de la persécution de Saül-Paul avant sa transfiguration lors du chemin de Damas ; cette logique de la Croix entraîne la rupture d’avec la logique (le logos) de la Loi comme dans Galates 3:15-29 qui présente la Loi de Moïse comme une sorte de mi-surveillant – mi-pédagogue pour mineurs incitant presque à la transgression des interdits et mettant en évidence l’impossibilité du salut par soi-même, cette Loi de Moïse venant seulement des anges, alors que l’Alliance avec Abraham vient de Dieu, de même que la Nouvelle Alliance par le Christ, Nouvelle Alliance qui offre le Salut comme reconnexion à l’Eau de la Vie éternelle en Jésus Christ. Elle provoque aussi la rupture avec les logiques (logos) humaines, y compris les sagesses humaines. En ce sens 1 Corinthiens 1:18-21 et 3:18-20 me paraissent aller (comme Colossiens 2:8) dans le sens d’une remise en cause forte de la philosophie et des sagesses en général
3. La Logique (le Logos) de l’Amour-Agapé, première des vertus cardinales devant la Foi elle-même et l’Espérance, Amour universel renforcé par l’inspiration en Jésus Christ et en l’Esprit Saint, et qui engendre des fruits éternels, en particulier lorsqu’il est dirigé en faveur de la Vie, pour Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa pensée (dianoia), de toute sa faculté de compréhension (sunesis), et de toute ses forces, (Marc 12:28:34) et en justice de façon équilibrée et effectivement existante envers soi-même de façon introvertie et envers ses prochains de façon extravertie, en aimant son prochain comme soi-même, ce qui vaut mieux toutes les œuvres de la Loi, tous les holocaustes et sacrifices.
Selon cette triple perspective, les logiques de mérite et de rétribution habituelles, du monde, sont comme annulées, tout est poussière, et retournera à la poussière (Qohéleth 3:20 et 12:7, midrashim de Genèse 3:19), tout est vain et passera (Qohéleth 1:2), sauf les fruits de la Foi et de l’Amour, eau vie éternelle coulant dans nos canyons et nos déserts intérieurs lorsqu’on laisse pleuvoir sur nos montagnes intérieures, intermédiaires entre le Ciel divin et notre habitat sur Terre, montagnes déplacées et comme réorientées en direction de Jésus Christ par la Foi, et que l’on ouvre les vannes de nos barrages artificiels intérieurs.
Paul est du côté du Logos le Christ, qu’il montre comme très différent en perspective du logos des philosophes (non chrétiens à son époque). Aujourd’hui cela pourrait correspondre à une interpellation pour ceux qui voudraient prendre appui uniquement dans la philosophie, qui de nos jours est encore beaucoup plus vaste qu’à l’époque, (même si les sommes des écrits de Platon (> 3-5000 pages), Aristote, les néoplatoniciens, les stoïciens, devaient représenter l’équivalent de milliers voire dizaines de milliers de pages à lire, même en étant sélectif), avec encore plus de nos jours le risque de relativiser tout point de vue et son contraire, en activant toutes les philosophies en même temps, et en faisant jouer les contradictions de leurs articulations respectives par un jeu dialectique académique, ce qui peut donner mal à la tête, au sens d’une douleur intérieure de perte de repères…
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Je ne pense pas que les deux passages à la langue grecque aient les mêmes raisons. La traduction des Septante a été effectuée ou menée par la diaspora juive d’Alexandrie dans l’Égypte hellénistique des Ptolémées, alors que la rédaction du Nouveau Testament a été effectuée par les nouvelles communautés chrétiennes. Dans les quelques siècles suivant la rédaction du Nouveau Testament, le Talmud de Jérusalem a été rédigé en araméen judéo-palestinien et celui de Babylone en partie en hébreu pour la Mishna, et pour le reste en araméen judéo-babylonien. Et non en grec. Et au XXème siècle l’hébreu a comme ressuscité en tant que langue vivante, fait qui semble unique dans l’histoire, et donc cela prouve rétrospectivement qu’il aurait aussi été possible d’utiliser cette langue pour la nouvelle communauté.
Il semble qu’il y a même bien eu des rédactions dans d’autres langues que le grec : selon l’ouvrage « La langue de Jésus, l’araméen dans le Nouveau Testament » de Frère Bernard-Marie, les Pères de l’Église font état d’Évangiles écrits (et non traduits) en hébreu et/ou en araméen : Eusèbe de Césarée d’un Évangile des Hébreux (pas un des Apocryphes gnostiques…) et d’un Évangile syriaque (=araméen), Épiphane de Salamine dans son Panarion de l’Évangile de Matthieu complet en hébreu chez les Nazoréens « conservé en lettres hébraïques comme il a été écrit primitivement », Jérôme d’un Évangile de Matthieu écrit en araméen, et plus tard Nicéphore de Constantinople à la fin du VIIIème siècle, apporte la précision que l’évangile de Matthieu en hébreu était presque aussi long en nombre de versets que l’évangile de Matthieu en grec.
L’époque de rédaction des 4 Évangiles du Nouveau Testament coïncide avec les conflits croissants et la séparation entre les nouvelles communautés chrétiennes et les communautés juives fréquentant les synagogues. Paul dans l’épître aux Galates veut lutter contre des tendances de retour à la Loi de l’Ancien Testament, et n’est donc au passage pas si hébraïque dans sa façon de penser, l’épître aux Hébreux propose une relecture de l’Ancien Testament selon la perspective de Jésus Christ comme étant le Messie annoncé par l’Ancien Testament…
Écrire en grec permet de proposer l’Évangile dans la prestigieuse langue de la philosophie, en plus d’être une langue de communication internationale, mais comme l’étaient le latin et l’araméen. Et aussi d’utiliser une langue au vocabulaire et à la syntaxe moins sujets à la polysémie théologique et à la controverse avec les hébreux-juifs non chrétiens. Disruption théologique de la venue et de la résurrection du Christ, et disruption religieuse par volonté de rupture d’avec le courant pharisien seul survivant des répressions romaines, et qui donnera le courant talmudique et la religion juive moderne : tout ceci se traduit finalement par le passage non seulement d’une langue à une autre, comme de l’hébreu à l’araméen, mais d’une famille de langue à une autre, de la famille sémitique à la famille indo-européenne, d’une façon de penser à une autre. Les langues ne sont pas équivalentes entre elles, et en particulier l’hébreu et le grec sont deux langues extrêmement puissantes, chacune à sa façon.
Aujourd’hui, grâce aux codex et aux papyrus rescapés de l’histoire, il est possible de reconstituer le texte transmis, avec certaines variations entre les manuscrits parfois importantes. On dispose d’un double héritage de pensée et de recherche théologique, à la fois en hébreu biblique ouvert à la polysémie et en grec biblique parfois influencé par l’araméen et l’hébreu, ainsi que par la tradition philosophique grecque antique, plus rationnel.
Cordialement,