Bénédiction de Dieu le Père - (Luca Cambiaso, XVIe siècle)
Question

Une personne agnostique en plein questionnement sur « Dieu »

Par : pasteur Marc Pernot

Bénédiction de Dieu le Père - (Luca Cambiaso, XVIe siècle)

Question posée :

Cher Monsieur bonjour,

Permettez moi d’abord de me présenter. Je suis ce qu’on pourrait appeler un « agnostique » et je pense l’avoir toujours été. J’ai longtemps rejeté les religions que je voyais comme des cages pour la pensée mais à force de mes réflexions j’ai été forcé de reconsidérer la question : si les religions existent depuis que l’homme est homme et que de nombreux personnages bien plus intelligents ont été catholiques, musulmans,bouddhistes etc, ne serais ce pas prétentieux de ma part de les balayer d’un revers de la main ?

En grandissant, nous cessons de penser de façon binaire et si l’Eglise a fait de mauvaises choses, l’Inquisition qui est bien commodément exagérée et utilisée par les athées militants ne peux pas éclipser toute la Chrétienté ! Je pense que l’histoire de l’Eglise est assez riche pour que je puisse y trouver de quoi trouver des réponses à mes questions et vivre mieux (l’écueil étant bien sur l’utiliser pour la tordre à ma façon et me conforter dans mes opinions) Je n’ai pas encore lu la Bible mais par intuition je me dis depuis quelque temps que le Christianisme et la foi peuvent représenter aujourd’hui une subversion, un rempart contre le monde moderne dans ses travers. J’ai trouvé du grain à moudre dans la lecture de Georges Bernanos sans qui je ne serais sans doute pas arrivé à de telles conclusion puis dans les écrits de Jacques Elull.

Je suis tombé sur votre site et à lecture de vos commentaires sur l’article « Dieu a crée la terre mais qui a crée Dieu ?« , je me suis dit que je pouvais trouver en vous un bon interlocuteur.

En effet je ne pense pas que la science soit incompatible avec l’idée de Dieu (de nombreux scientifique ne sont ils pas eux même croyants ?) Je me refuse cependant de donner crédit aux opinons dites « créationnistes » :

Je pense que l’homme n’a pas les capacités physiques de comprendre et envisager l’entièreté de la logique de Dieu, l’idée que l’homme n’ai pas toujours été homme ne me parait pas invraisemblable : pourquoi ne serait il pas le résultat d’un long processus évolutif ? Pour imager grossièrement on pourrait imaginer que Dieu a fertilisé la terre avec quelques graines qui se sont développées pour créer petit à petit un système qui a du trouver un équilibre pour pouvoir se complexifier au fur et à mesure. Ainsi l’homme tel que nous le connaissons aujourd’hui n’a pas été crée littéralement en un jour mais en plusieurs millions d’années, mais qu’est ce que représente des millions d’années pour Dieu qui est totalement hors de notre temporalité ?

J’en arrive alors à me poser la question de qu’est ce que/qui est Dieu ? Je ne vois pas Dieu comme un vieux barbu distribuant des bons et mauvais points mais plutôt comme « ce qui est fertile ». C’est assez dur pour moi d’expliquer réellement le fond de ma pensée, mais je pense que Dieu est présent dans tout ce qui est vivant et ignore le bien et le mal. Dans le cas de l’homme ça serait plus complexe, c’est la qu’entre en jeu le fameux libre arbitre, ainsi par un travail sur soi même on peut faire grandir la part de Dieu en nous.

Lorsque je déclare que Dieu ignore le bien et le mal, je ne veux pas balayer la morale, je pense seulement que ces concepts sont trop humains, trop simplistes. Je pense que l’homme doit être bon car le « bon » est fertile, il crée des connections entre les hommes et la nature et ces connections sont bénéfiques à l’épanouissement de l’oeuvre de Dieu comme le soleil et l’eau sont bons pour l’alanguissement de l’arbre. Ainsi l’homme mauvais, serait stérile et ne pourrait donner des fruits, mais je ne pense pas que celui-ci brulera pour autant en Enfer pour l’éternité. Je vois le diable comme une image : l’image de cette stérilité. Mais je pense que toutes ces choses complexes vont au delà des « tu dois faire ci et tu dois faire ça : il faut beaucoup de sagesses pour avoir une vie fertile. Et cette fertilité n’est ni l’apanage des religions ni des plus intelligents, je crois, comme Bernanos en cet ouvrier du faubourg Saint-Antoine qui est plus chrétien sans être allé au catéchisme que bien des baptisés (je n’ai plus la citation exacte, pardonnez moi). L’image que j’ai de Jésus serait dont l’état ultime de l’homme sage qui arrive à se libérer de l’ego pour comprendre et guider son prochain.

Pardonnez ce long développement mais je pense qu’il était nécessaire que je vous explique ma pensée pour vous poser les deux questions qui m’amènent ici.

Dans votre article, vous dites « Il me semble que l’hypothèse de deux incréés : Dieu et l’énergie, est assez bonne » ? L’energie et Dieu ne sont il pas une seule et même chose ? L’energie dont je fais mention serait celle qui anime le vivant.

Et enfin, je voulais vous demander si selon la Bible l’idée selon laquelle l’homme à crée la terre pour que l’homme puisse en jouir est communément admise ? J’ai en effet quelques difficultés avec cette affirmation.

Je vous remercie de m’avoir lu jusque là, et j’espère que vous trouverez le temps de répondre à mes questions.

Respectueusement,

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Franchement, il vaut mieux être trop agnostique que pas assez. Car c’est une façon de ne pas s’imaginer détenir « LA Vérité », ce qui est un problème spirituel (il est alors inutile et dangereux de chercher Dieu ou de l’expérimenter), ce qui est un problème avec les autres (toute personne qui ne penserait pas comme nous serait pour nous dans l’erreur, dans le blasphème), et c’est un problème pour soi-même (on est devenu fou, se prenant non seulement pour Napoléon, mais se prenant même un petit peu pour Dieu en personne).

Il ne s’agit pas de balayer d’un revers de la main ce qu’ont pensé les autres sur Dieu avant nous, mais la question, le défi de notre propre existence c’est d’être nous-mêmes. Et donc d’avoir notre propre lecture de Dieu, du monde et de la vie humaine, de notre propre vocation. Que les autres aient un autre point de vue est bien naturel. Le problème, là encore, serait de penser qu’il n’existerait qu’un unique point de vue sur la réalité. Mais comme nous ne pourrions pas réinventer la roue et le wifi tout seul, il est sage de chercher à faire le point sur ce qu’ont pensé et expérimenté les autres, les générations passées, les autres, pour se forger sa propre théologie, sa propre relation à Dieu, au monde, à soi-même et aux autres.

C’est ce que vous faites, et c’est excellent. Tout en continuant à creuser, se poser des questions, perfectionner ses modèles de pensée.
Il est excellent de rester un peu « agnostique » au sens où l’on sait que Dieu est au-delà de tout ce que l’on peut connaître et dire de lui. Ce n’est pas étonnant, c’est déjà le cas pour toute personne humaine, même un personne que l’on connaît intimement, il est bon de se rappeler qu’elle est toujours plus complexe et riche que ce que l’on pense. C’est même vrai en ce qui concerne soi-même (c’est ce que montre la psychanalyse). Alors pour Dieu, pour la source de ce qui existe, il y a encore plus de difficultés à modéliser ce qu’il est dans la pensée humaine.

La religion n’est qu’une salle de musculation pour notre réflexion et notre prière. Un moyen de s’entraîner et d’injecter de l’inattendu par des questions et des idées nouvelles qui dérangent de façon salutaire nos résultats. Mais bien entendu, toutes les religions (comme toutes les institutions et associations, comme tous les humains), sont à la fois bonnes et mauvaises. Bonnes en partie, et parfois mauvaises, surtout quand on en fait soi-même un mauvais usage ou que l’on en a une fausse idée. La question est donc d’avoir un juste rapport avec la religion. Voir par exemple cet article « Choisir sa religion… et son rapport avec sa religion. »

Lire la Bible est une assez bonne idée, à condition là encore de savoir ce qu’elle est (ou pourrait être) : un livre génial si on le prend comme un réservoir de questions à se poser, un livre dangereux si on le prend comme un livre de réponses auxquelles il faudrait se soumettre. Pour explorer ce monument, j’ai proposé ici quelques conseils, pistes et mode d’emploi.

En ce qui concerne la place de l’homme dans la création ? La Bible a été écrite par l’homme et pour l’homme, donc oui, l’homme est au centre. Je suppose que si les fourmis ont écrit un livre, il traite de la vie des fourmis. Mais dans la Bible, il y a aussi la vocation de l’homme à ne pas faire n’importe quoi mais à être créateur, à l’image de Dieu. La jouissance de l’humain, ainsi, serait donc d’être l’artisan d’une belle créativité. De quelque chose qui soit beau, juste, utile et bon, quelque chose qui développe la vie plutôt que de gâcher, enlaidir, dilapider… Sans cesse dans la Bible les notions de bénédiction et de vocation sont liées. La notion même de bénédiction se lit comme une mise en articulation avec l’autre, entre Dieu et nous, entre nous tous, entre le monde et nous.

J’ai lu votre réflexion sur Dieu, le bien et le mal. Personnellement je suis du même avis si l’on pense aux notions de Bien et Mal comme figée dans un code civil. Par définition : Dieu est source de surprise et de nouveauté, il s’affranchit donc des règles préétablies. Mais c’est plus complexe que ça. Car Dieu n’est pas, comme vous le dites, un barbu assis sur un nuage. Il est dynamique de création et donc le bien est la créativité. Dieu est alors par définition même le bien. Dieu n’est pas non plus que le créateur, il est aussi pour chacun de nous la figure du bien ultime, du beau et du juste ultime, par conséquent, là encore, par définition, Dieu est uniquement du côté du bien.

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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