Un homme se bouche les oreilles afin de se protéger d
Foi

Des pensées limitantes gênent notre foi ? et/ou c’est une vision limitée de Dieu ?

Par : pasteur Marc Pernot

Un homme se bouche les oreilles afin de se protéger d'un son qui lui déchire les tympans - Image par Hans Braxmeier de Pixabay

Quelque qui crée une douleur intolérable ? Quand cela vient de l’intérieur, inutile de se boucher les oreilles.

Question posée :

Bonjour cher Marc,

J’espère que cet email vous trouvera en bonne forme ! 🙂

Comme beaucoup de personnes je pense, je lis chaque jour une petite méditation le matin et aujourd’hui cette réflexion posait la question suivante : Arrivez-vous à identifier les pensées limitantes qui entravent votre relation avec Dieu ? C’est quand même une bonne question ! Pour ma part, je pense (du moins, je pensais) chaque jour me décortiquer un peu plus de ces pensées limitantes.. Mais du coup, je me suis mise à re-réfléchir à l’origine du problème. J’ai l’impression que toutes les possibilités citées dans cette petite méditation tournaient autour du pot (manque de confiance en soi, angoisse par rapport au futur, passé douloureux etc..) Parce que, en fait, ces pensées limitantes peuvent se résumer à une seule : la pensée limitée par rapport à Dieu lui-même. Après tout, si vous interrogez des gens qui acceptent de vous parler sans peur et très franchement, vous vous rendez bien compte que très grand nombre d’entre eux peut tout à fait croire (en creusant bien) en l’Amour inconditionnel et illimité de Dieu pour le monde quand tout va bien, sans pourtant croire un seul instant que Dieu les aime de ce même amour-là quand tout va mal.

J’ai repensé au livre de Job. Et à la terrible épée de Damoclès qui se trouve au dessus de nos têtes, cette menace constante. Je pense que, même si l’idée d’un Dieu qui nous aime est fort plaisante, notre inconscient collectif est focalisé sur le fait que, tel qu’écrit dans la Bible, c’est Dieu lui-même qui peut nous abandonner, nous, à chaque instant aux mains du Diable. Personnellement, j’ai des choses douloureuses dans mon passé. Je préfère ne pas m’étaler sur le sujet. C’est là quelque part. Qu’en plus de cela Dieu m’abandonne me paraît donc intolérable. Je cherche à ignorer cette « pensée limitante » car elle fait peur. Mais c’est comme toute ce que l’on ignore… plus on l’ignore, plus elle devient la clé du problème. L’amour de Dieu, j’y crois; Mais je ne peux quand même pas, moi, complètement me laisser aller à aimer un Dieu qui risquerait (même s’il s’agit d’une vision très limitée) de faire je ne sais trop quel pari pour voir si oui ou non l’amour qu’il me donne est bien mérité…

Je pense que cela m’aiderait de savoir comment vous comprenez et analysez le Livre poétique de JOB. Mais surtout, d’où pensez-vous que nos pensées limitantes proviennent réellement ? Est-il vraiment possible de s’en débarrasser? A l’église, une dame très bienveillante m’a dit que « l’Ennemi » savait où nous attaquer dans nos pensées et dans nos émotions pour nous causer le plus de tort. Ne pensez-vous pas que la gangrène qui ronge un très grand nombre de croyants aujourd’hui, c’est cette inavouable blessure- soit inconsciente, soit volontairement ignorée – de croire que l’Ennemi est Dieu lui-même ? Il n’y a aucun manque de respect dans cette question.. C’est juste que la psychologie du chrétien (à commencer par la mienne) m’intéresse. Et ce que j’appelle la « Genèse des douleurs » est un sujet tellement taboo..!!! On ne peut jamais parler de ces choses-là..

Comme toujours je vous remercie d’avance pour le temps que vous consacrerez à me répondre ! 🙂 D’ailleurs, je vous remercie également pour le temps que vous consacrez à répondre aux autres.

Je vous souhaite une très bonne journée ! 🙂

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Bravo et merci pour cette très intéressante et profonde démarche.

Comme pensée limitante très prégnante actuellement, je verrais la crainte de Dieu. Il y a une injonction paradoxale qui a été (et qui reste parfois encore) en vigueur dans des églises chrétiennes annonçant un Dieu d’amour inconditionnel et infini… et qui peut envoyer ou laisser partir en enfer son enfant : s’il n’est pas à la hauteur, pas assez engagé dans la foi, pas assez persuadé de dogmes essentiels, pas assez bien baptisé, pas assez sincère dans la repentance, pas assez pratiquant… bref pas assez performant. Ce double langage est dévastateur, car il tord le cœur, le cerveau. Il torpille la confiance tout en nous donnant l’ordre d’avoir une absolue confiance en notre salut sinon nous serons condamnés. C’est une folie qui engendre l’inquiétude, la méfiance dans ce Dieu de vie et de mort. Comme vous dites, c’est une épée de Damoclès divine sur notre tête, en permanence.

Le livre de Job est complexe, et il y a bien des façons de le lire. Heureusement, même si c’est pour le meilleur et pour le pire. Au moins cela donne à penser et à débattre. Car il n’est pas possible de le lire à la seule lueur de la conclusion du chapitre 42, ou alors les 41 premiers chapitres n’auraient servi à rien. Personnellement, je pense qu’il y a une seule puissance transcendante, qui est Dieu et qui est uniquement source de vie, une source de vie qui l’emporte sur la mort. Il n’y a pas de dieu méchant qui discute avec le Dieu d’amour, et qui se partagent les destins des humains comme au coin d’un bar où ils discutent aimablement en prenant peut-être quelques antipasti. C’est un produite de la mythologie babylonienne. En l’occurrence, c’est présenté au début de Job de façon tellement poétique (comme vous dites), comme une pièce de théâtre. Ce n’est bien entendu pas un reportage. En « satan » nous avons une figure de ce qui s’oppose (le verbe satan en hébreu) à la vie, au bonheur, à la foi. A mon avis quand on le personnifie dans une créature invisible néfaste on passe à côté du ou des vrais problèmes, on pose un symptôme imaginaire ce qui est à la fois bien commode (cela évite d’avoir aller déterrer nos propres difficultés et souffrances, nos propres faiblesses et compromissions), mais qui précisément laisse ces problèmes s’infecter alors que nous aurions besoin de les identifier, de les nommer, de travailler personnellement et de prier dessus afin de laisser Dieu nous soigner. Donc oui, le désastre infligé par cet adversaire est souvent cruel et injuste comme ce qui est mis en scène dans le livre de Job, en particulier quand la victime, en plus de ses traumatismes, continue à subir des répliques de son agression. Cela ne vient pas de Dieu (il n’est jamais, lui, et ne sera jamais notre adversaire). Ce n’est pas non plus avec la permission de Dieu, car sans cesse il lutte avec nous pour soigner et ressusciter pour chacune et chacun un avenir.

Comme seconde pensée limitante dans notre confiance en Dieu, je pense qu’il y a cette idée théologique que Dieu serait « tout-puissant » et que tout serait sous son contrôle. Comme vous le dites, c’est une idée sympathique pour exprimer la transcendance de Dieu, c’est même un fantasme très humain car nous rêvons d’être roi et reine, avec tout le monde à nos pieds et tous nos désirs exaucés dans l’instant. C’est le rêve d’Adam et Ève et du serpent qui parle dans leur tête, leur cœur et leurs tripes (encore un adversaire qui nous pourrit la vie). Seulement la notion de toute-puissance de Dieu est fausse, elle n’est pas si biblique que cela et elle fait là encore un dégât tout à fait considérable dans la confiance que nous pourrions avoir en Dieu. Comme vous le dites, quand vient le malheur (et il est parfois terriblement cruel quand ce sont par exemple des enfants qui sont les victimes, ou les plus démunis), cette théorie de la toute-puissance de Dieu ruine parfois à jamais la foi des personnes, précisément à l’instant où ils auraient le plus besoin de lui. Voir dans le petit dictionnaire les mots de « diable », « puissant », « Mal »…

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

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