Sainte Sophie à Constantinople - Image par Ion Oroles Manolache de Pixabay
Question

Quelle est la signification de « la sainte église universelle » proclamée dans notre crédo ?

Sainte Sophie à Constantinople - Image Pixabay

Question posée :

Bonjour,

Je vous écris car je me pose la question de la signification de « la sainte église universelle » telle que proclamée dans notre crédo.

Qu’entend-on par universelle ? Est-ce une universalité géographique, transcendant les peuples, ou est-ce encore une universalité « église réalité spirituelle » ou est-ce universalité dans le sens temporel (ce qui a toujours été cru, adopté, partout et par tous) ?

Merci d’avance,

Fraternellement,

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir,

Votre question, apparemment toute simple, ouvre une « boîte de Pandore » (avec heureusement, toujours l’espérance qui, elle, nous reste au fond de la boîte).

D’abord sur « notre crédo ».
Le crédo vaut ce qu’il vaut. Il mérite attention par respect pour des chrétiens du IVe siècle qui ont commencé à se rassembler autour de cet ensemble de convictions. En même temps, la démarche en elle-même qui à consisté à fixer des doctrines obligatoires pour les croyants est très discutable. La grande et belle diversité qui existait entre les apôtres de Jésus, puis parmi les chrétiens des premiers siècles a fortement diminué à partir de ce moment là, et rapidement des chrétiens se sont sentis autorisés à persécuter d’autres chrétiens à cause de cette démarche ! En effet, ce texte (le « crédo ») a précisément été composé pour exclure certains courants chrétiens que le courant majoritaire voulait combattre. Cela explique pourquoi tout ce qui est essentiel ne se trouve précisément pas dans ce texte, par exemple  : la grâce et le pardon de Dieu, le fait que Jésus-Christ ait fait quelque chose entre sa naissance et sa mort (!) : qu’il a parlé et qu’il a agit, vécu, ce texte n’en dit pas un mot. Ce « crédo » ne parle pas non plus de foi, ni d’espérance, ni d’aimer Dieu, son prochain et soi-même comme Jésus nous y invite…
 
Donc, le « Crédo » n’a pas à voir le statut d’une parole de Jésus, ni de l’Evangile.  Vous pouvez vous sentir très libre de ne pas être d’accord avec ce qui est marqué, ou de ne pas trouver cela essentiel pour vous. Le seul point vraiment commun à tous les chrétiens de toute sorte, c’est la personne de Jésus, le Christ. C’est à mon avis le seul « universel » pour tous les chrétiens de tous les temps, transcendant les peuples, comme vous le dites, mais aussi les sensibilités, la personnalité de chacun et les circonstances. Et comme la définition même de la fonction de « Christ » est universelle, il me semble que quand on dit Jésus est le Christ, cela implique que toute personne, même ceux qui ne croient pas en lui, sont au bénéfice de l’amour universel de Dieu que Jésus a manifesté. Le voile du temple s’est déchiré, le monde entier est le « saint des saints ».
 
Cela dit : bravo de vous poser des questions sur le Crédo. Si la majorité n’a pas toujours raison, il arrive qu’elle n’ait pas tord quand même. Une majorité de théologiens s’est fixé sur cette liste de croyances (certes discutables), ils n’étaient pas non plus des personnes sans intelligence ni foi. Ils méritent d’être écoutés. Quitte à discuter après. Et puisqu’une majorité de chrétiens et d’églises dans le monde choisissent d’honorer ce texte, cela mérite une grande considération par respect pour ces personnes. Ce qui ne nous empêche pas de respecter tout autant les personnes qui pensent différemment sur tel ou tel point de ce Crédo.
 
Ensuite, en quel sens comprendre cette expression « la sainte église universelle » ?

C’est bien moins simple qu’il ne le semble.

  • Église : un ensemble de personnes chrétiennes. Jusque là c’est simple. Mais quel ensemble ? En général, avec un é minuscule : c’est l’ensemble des personnes chrétiennes qui se réunissent en un lieu, comme Paul parle de l’église de Corinthe, ou de Cenchrées. Mais ce terme d’église peut aussi désigner l’institution qui gère concrètement ce rassemblement (la paroisse, avec son conseil, ses bâtiments, ses comptes et ses pasteurs, curés), parfois « l’église » est l’institution qui gère un ensemble plus large (comme l’église protestante de Genève, ou l’église romaine). Avec un É majuscule à « Église) on pense souvent plutôt à l’ensemble des personnes qui sont disciples du Christ dans leur cœur, même si elles ne sont pas inscrites dans une paroisse. Personnellement, quand je pense à l’Église avec un grand É, je pense plutôt à une définition ayant pour référence Dieu (en non pas la personne humaine comme dans la définition précédente) : L’Eglise est alors l’ensemble des personnes que Dieu appelle à se mettre en chemin, c’est à dire l’humanité entière, puisque Dieu veut que toute personne soit sauvée. (en effet, le mot « église », « ekklesia » en grec, vient de « ex », »hors de » et de « caleo », »appeler » : un appel à sortir de chez soi pour aller vers la voix qui appelle, l’appel de Dieu qui crie le com de chacune et chacun en Christ).
  • Saint, sainte : ce mot est moins simple qu’il n’y paraît, car le sens courant aujourd’hui a bien changé. Dans la Bible, « saint » signifie : appelé en particulier par Dieu, et donc appelé à un service pour des personnes qui nous sont confiés en particulier. « Sainte » n’est ainsi pas à comprendre comme un label de niveau d’excellence. L’église, quelle qu’elle soit a besoin comme chacun de nous de l’aide de Dieu pour pallier à ses faiblesses et à ses erreurs. C’est ainsi que l’église, toute église, est sainte : elle a un service à rendre, et ce service elle le doit à chaque personne que sa vocation lui confie. Par exemple toutes les personnes du secteur de la paroisse, sans discrimination de sexe, de richesse, de croyances, d’orientation sexuelle, d’origines, ou de parcours de vie, d’âge… Il y a une dimension d’universalité, car :
  • Universelle (Katholikos en grec : concerne tout le monde).

Pour ce qui est de l’époque du crédo, un historien serait plus compétent (et plus intéressé) que moi à la question de savoir comment les saints théologiens qui ont pensé le crédo comprenaient cette phrase au IVe siècle, et ensuite. Je dirais que vu le contexte du puissant désir de verrouiller la liberté de pensée dans le christianisme d’empire de l’époque, il s’agissait à mon avis de définir un cadre qui s’imposerait universellement à toutes et tous, qui définirait un intérieur avec pour frontière cette ligne de dogmes et d’autorités. À l’intérieur : l’église au sens d’un club de personnes comme il faut pour être sauvables. Est considéré comme étant à l’extérieur : celui qui ne se plie pas : il a été dès lors considéré comme « hérétique » (si c’est sa pensée qui ne cadrait pas avec ce qui est imposé ou défendu), ou considéré comme schismatique (s’il ne respectait pas l’autorité du chef). Il est possible que cela parte d’une bonne intention, mais je dois dire que cela m’est peu sympathique et ne me semble pas fidèle avec la façon dont le Christ parlait et vivait, ni la pensée de l’apôtre Paul, par exemple. Il dit que c’est l’Esprit de Dieu qui fait l’unité du corps du Christ (en non une autorité humaine, même inspirée), ce corps du Christ comprenant une riche et belle diversité de membres (1 Corinthiens 12). L’universalité est donc dans l’action de Dieu en chacun (l’Esprit) et non de l’extérieur en imposant des choses à penser, des rites à faire, ou autres frontières.

 
Je préférerais donc lire cette idée de « sainte église universelle » dans sens, non pas exclusif mais plutôt inclusif :
  • en ce qui concerne l’église comme communauté de personnes : au sens où on la considère comme l’ensemble des personnes que Dieu appelle, tout le monde est déjà dedans (Dieu aimant chacun), elle est ainsi universelle, personne ne pouvant être considéré par un autre ou par l’institution comme étant du dehors.
  • en ce qui concerne l’église au sens d’institution, sa vocation (puisqu’elle est « sainte ») est universelle : elle est de servir toute personne présente et future.

En ceux qui sont dehors, exlus ?

A l’occasion de ces conciles dits « œcuméniques » qui ont commencé à vouloir imposer un dogme à tous, le terme « Hérétique » est devenu comme une sorte d’injure sur des personnes qui auraient l’arrogance de ne pas trouver « universel » tout ce que cherche à imposer certaines autorités. Pourtant, l’hérétique, littéralement, c’est « celui qui choisit » de aireomai (choisir, en grec). Bien sûr que cela fâche le cercle des « autorités » qui veulent verrouiller la liberté de penser, de croire et de prier Dieu directement : « non mais, regardez celui là qui ose avoir un point de vue ! » C’est pour ces autorités le péché ultime, contre Dieu, le Saint-Esprit, l’église et la tradition. De là à brûler cette personne pour la purifier elle même et purifier le monde de son abominable pensée, il y aura, hélas, un pas qui sera vite franchi. C’est, bien entendu, diamétralement avec la façon dont le Christ a vécu et ce qu’il nous a dit de faire (Mt 5:44-48).
 
Alors que « là où est l’Esprit du Seigneur est la liberté« , comme le dit Paul, la liberté et la diversité, non pas l’unanimité. Ce qui unit les personnes de l’église, ce n’est pas le dogme ou l’autorité d’une institution, ce qui nous unit dans notre diversité c’est notre lien personnel à Dieu, c’est nos regards qui convergent vers le Christ. Pour le reste, laissons agir l’Esprit de Dieu qui aidera chacun à avancer et à corriger ce qui doit l’être, chacun à son rythme. Le fait que l’amour de Dieu soit sans condition rend possible la plus grande sincérité, pour tous, pour chacun. La sincérité est une des conditions pour que notre relation à Dieu soit de l’ordre de l’amour, que nous puissions alors aimer Dieu plutôt que de se forcer à penser des choses que l’on ne pense pas vraiment mais que l’on pense devoir penser de peur que Dieu punisse ou même qu’il soit seulement fâché.
 
Il me semble que l’église devrait être universelle au sens où elle permet une sincérité universelle, chacun y recevant assez de confiance en Dieu pour se sentir autorisé de choisir ce qu’il pense, et sa façon de prier. Et qu’il trouve dans l’église une aide et des outils lui permettant de progresser dans ce sens.
 
Dieu vous bénit et vous accompagne

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Si vous voulez, vous pouvez voir aussi, dans le petit dictionnaire de théologie :

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