La rémission des péchés par le baptême vient-il des rites propitiatoires anciens ?
Question posée :
Cher Pasteur,
Votre prédication de ce jour m’a beaucoup intéressée. J’ai une grande joie à vous retrouver grâce à Internet.
Cela m’a donné envie de reprendre la lecture de l’évangile de Marc.
J’ai une question (peut-être pour Je cherche Dieu?) : Jean le Baptiste proclame le baptême de repentir pour la rémission des péchés. Le baptême est-il une nouveauté introduite par Marc ? Existe-t-il dans l’Ancien Testament ? La rémission des péchés par le baptême a-t-elle vocation à remplacer les rites propitiatoires de l’ancienne alliance ?
J’espère ne pas vous embarrasser avec une question que vous auriez déjà traitée.
Très fraternelles amitiés
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
Avec plaisir d’avoir cet échange avec vous, bravo d’avoir toujours et encore cet intérêt vif et pertinent, c’est avec joie, bien sûr, et vous ne me dérangez pas du tout. L’Eglise de Genève m’a d’ailleurs chargé de répondre aux personnes de partout, même à celles qui n’ont pas la chance d’être genevoises !
Merci pour les encouragements concernant cette prédication. Bravo d’être allé chercher dans d’autres évangiles ce qu’aurait pu raconter Jean-Baptiste. J’ai un petit peu maltraité au cours de ma prédication d’aujourd’hui les autres évangélistes que celui proposé pour ce jour, ironisant sur les appels à la repentance. Je reconnais que j’ai été influencé par un personnage passablement effrayant et sinistre du roman d’Umberto Ecco «Le nom de la Rose» (bien mis en scène aussi dans le film) faisant retentir le cri d’appel à la repentance «Penitenziagite». Ce n’est, malheureusement, pas seulement dans les romans, ni au moyen-âge que l’appel à la repentance est source de peur et d’aliénation. C’est ce que l’on appelle la « pastorale de la peur », très efficace hélas, et donc courante. La personne est menacée de peines éternelles si elle ne croit pas assez fort, ni assez bien comme il faut, promettant l’effacement de ses fautes à celui qui est bien convaincu de ce qu’il faut, va bien à l’église, donne bien ses sous, a une vie correspondant à la norme…
Je ne pense sincèrement pas de cela dont il est question dans les évangiles. Pas même dans ces appels à la repentance résonnant dans les débuts des évangiles de Marc et de Matthieu.
D’abord parce que Marc commence en disant que l’intention de son livre est d’exposer «l’Évangile du Christ», «l’Évangile qu’est le Christ». Une bonne nouvelle, LA meilleure des nouvelles, donc, et une menace n’entre pas dans la catégorie des bonnes nouvelles, n’est même pas soluble dans un évangile et encore moins dans l’Évangile du Christ.
Marc 1:4 dit : « Jean arriva, baptisant dans le désert, et proclamant un baptême de changement de mentalité (repentance, ou conversion) pour (ou dans) le pardon (la libération) des péchés. »
Il ne me semble pas possible de penser que dans l’Évangile le pardon des péchés ne soit accordé qu’à ceux qui se « convertissent », ou se repentent. Car alors le pardon de Dieu serait à mériter, à acheter, il serait sous condition d’avoir un niveau suffisant de foi, de repentance, ou de je ne sais quoi d’autre. Or, l’amour, par définition aime sans condition. D’ailleurs il y a bien des cas où Jésus annonce le pardon à une personne qui n’a pas particulièrement manifesté de repentance ni même de foi. Par exemple le paralytique descendu par ses amis devant Jésus à travers le plafond (Marc 2:5), ou les Romains qui crucifient Jésus et se moquent de lui.
Ensuite, la grâce de Dieu, son amour inconditionnel pour chacune et chacun, fait que la question du pardon de nos fautes est une affaire qui n’est même plus la question. La question est de nous aider à être source de belles choses en non de catastrophes. La question n’est donc pas de nous pardonner nos péchés passés, mais de nous libérer de ce qui nous rend pécheur, source de malheurs et de souffrances. Comme le dit très bien Paul « je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas…. Misérable que je suis! Qui me délivrera de ce corps de mort? Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur ! » (Romains 7:19-25).
Jean nous invite à un changement de mentalité, certes, celui de l’Évangile, celui du pardon gratuit déjà donné, celui de la bienveillance de Dieu, ne gardant pas rancune. Ce baptême est donc une plongée dans la grâce de Dieu.
Ce pardon gratuit n’est pas étranger à certains courants de la Bible Hébraïque, par exemple le pardon même de Caïn meurtrier de son frère (un quart de l’humanité) quand même, ou dans des Psaumes. C’est vrai que d’autres courants de la Bible hébraïque étaient possiblement dans une logique plus légaliste, et qu’un petit sacrifice ou un culte pouvait tenter d’arranger les choses selon certains religieux. En général, quand même, il me semble que les rites et sacrifices étaient plus dans l’idée d’une reconnaissance, d’une gratitude qua dans l’idée d’acheter les bonnes grâces de Dieu. Vous avez raison, ces rites propitiatoires sont plutôt trouvés dans d’autres religions, avec d’autres théologies.
Mais hélas, c’est vrai que le baptême a été assez rapidement vu dans les églises chrétiennes des premiers siècles, comme un effacement un peu magique, et ne marchant qu’une seule fois, de la comptabilité de nos fautes. Du coup, des petits malins prenaient le risque de ne demander le baptême que le plus tard possible et menaient ainsi une vie débridée. Cette logique me semble aux antipodes de l’Evangile. Si l’on se plonge dans le pardon gratuit de Dieu, dans cette espérance de Dieu de nous rendre libre par rapport à nos travers, à nos faiblesses… cela me semble inspirant et responsabilisant, au contraire, et nous avons des chances de pouvoir vivre d’une bien belle façon.
Dans la Bible hébraïque il est parfois question de bain rituels, en signe de purification. Seulement, ce n’est pas vraiment comme le baptême, car c’est un bain qui peut être répété à chaque occasion utile. Le baptême me semble plus à rapprocher de la circoncision, un signe d’alliance.
Dieu vous bénit et vous accompagne.
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