Jésus baptisé par Jean-Baptiste, fresque de Giotto
Esprit-Saint

« En vous, se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas, et qui vient » (Jean 1:1-37) par Marc Pernot

Vidéo :

(Voir le texte biblique ci-dessous)

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève le dimanche 13 décembre 2020,
par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Jésus baptisé par Jean-Baptiste, fresque de Giotto
Jean, l’auteur de cet Évangile, commence son récit en nous parlant de Jean, le Baptiste.

Quel est le statut de ce texte ? Qu’en tirer ?

  1. Dans quelle mesure les faits racontés sont bien réels, historiques ? Nous examinerons d’abord cette question.
  2. Seulement, Jean explique son objectif en introduction de son livre et ce n’est pas de faire de l’histoire, son objectif est de nous inviter à un itinéraire de foi. C’est la 2ème lecture que je vous proposerai de ce récit.
  3. Enfin, ce texte offre à son lecteur différentes figures de l’humain à travers ses différents personnages, que disent-ils sur nous-même ? C’est la 3ème lecture que je vous proposerai.

 

1) Quelle vérité historique (ou non) dans ce récit ?

Presque tous les historiens pensent que le baptême de Jésus par Jean-Baptiste est un fait historique. L’argument qui me semble le plus probant est le fait que cet histoire de Jean-Baptiste est très embarrassante, et que les Évangiles ne le cachent pas. Tout aurait commencé par lui, il est réputé avoir compris que Jésus était le Christ, et pourtant il n’a pas suivi Jésus. C’est très gênant. Il continue à mener son groupe en parallèle, il se lève même une jalousie de ses disciples devant le cercle grandissant des disciples de Jésus, nous dit l’Évangile (Jean 3:26, 5:36, 10:41).

L’existence de ce mouvement initié par le Baptiste est évoquée par l’historien romain d’origine juive Flavius Joséphe à la fin du Ier siècle. Nous avons des copies de leurs textes, rédigés au IIème siècle. Ce groupe était reconnu du temps de Mohammed, et ils étaient encore quelques centaines de milliers de Mandéens en Irak du temps de Sadam Hussein, avant d’être exterminés par les islamistes comme les Yézidis. moins nombreux, les Mandéens disparaissent en ce moment-même dans une triste indifférence. Ces disciples de Jean-Baptiste parlent encore un dialecte araméen, pratiquent le baptême en eau vive et considèrent que Jésus est un faux prophète.

Les Évangiles n’éliminent pas les faits embarrassants, ils les reconnaissent pour en tirer une leçon intéressante spirituellement, à la lumière de l’Évangile du Christ. Chacun des 4 évangiles le fait à sa façon, valorisant tel ou tel aspect de ce que leur a apporté le Baptiste, avec d’assez grandes différences.

L’évangéliste Jean, est celui qui limite le plus le rôle du Baptiste, insistant sur ce qu’il n’est pas : il n’est pas « La lumière » ni une lumière (d’ailleurs), il n’est pas le Christ, ni Moïse (« le » prophète), ni Élie. Le rôle qui lui est reconnu ici me semble bien intéressant : il invite ses contemporains à revivre à leur propre compte les promesses de la Bible Hébraïque, à les revivre personnellement, individuellement. Pour cela, le Baptiste reprend un texte de la Bible écrit au VIème siècle avant Jésus-Christ pour les juifs déportés à Babylone. Le prophète Ésaïe les appelle à discerner dans leur propre temps troublé l’action de l’Éternel venant les sauver, pour un nouvel Exode vers Israël et Jérusalem. Par conséquent, Ésaïe appelait déjà ses disciples à s’approprier et à revivre une histoire ancienne à son époque, celle des hébreux libérés de l’esclavage en Égypte. Nous avons ici, à chaque fois, ce geste consistant à s’approprier une histoire ancienne afin de discerner comment recevoir le salut de Dieu dans le présent de sa propre vie : l’Évangile nous propose de nous approprier le geste du Baptiste, qui appelle à s’approprier le geste du prophète Ésaïe, qui appelle à s’approprier le geste des hébreux cheminant dans le désert, nourris, abreuvés, guidés par l’Éternel.

Au début du Ier siècle, à une époque difficile d’occupation, d’impôts, d’agitations, de maladies, le Baptiste appelle à vivre à notre tour un grand coup de pouce de Dieu. Son appel a soulevé des foules : moi aussi, je veux en être. Pour moi et pour ma famille. Bien des personne se lèvent, se déconfinent de leur vie ployée sous les coups de l’adversité et vont à lui.

Jean-Baptiste a dit bien des choses à côté de cet appel, nous en avons une petite idée par les 3 autres évangiles et par les textes mandéens. Le 4ème évangile n’a gardé que cet appel à revivre personnellement l’Exode avec Moïse, pas de moralisme, pas d’appel à la repentance : plutôt une démarche spirituelle, une plongée dans la pure grâce de Dieu. Il est « comme une voix dans le désert », il se tient « de l’autre côté du Jourdain » avec ceux qui ont encore soif. Son baptême dans le Jourdain est une entrée dans la vie consolée et sauvée que Dieu promet à chacun.

Comme Ésaïe avaient lui, comme Jean-Baptiste, les évangiles se détachent alors des faits historiques anciens pour en garder l’essence, afin que le lecteur puisse se les approprier, et que ce récit devienne pour le lecteur le récit de faits actuels de sa vie avec Dieu.

Par définition, l’évangéliste cherche à faire saisir ce qu’est le salut apporté par Christ. Le récit ancien n’est pour lui qu’un cri, comme celui de Jean-Baptiste, il le reprend à son compte en y inscrire l’Évangile, à sa façon, dans l’habillage de la trame de base. Par exemple notre texte garde l’indication que Jean Baptisait dans le Jourdain, historique, seulement, il ajoute que c’était « à Béthanie de l’autre côté du Jourdain », tous les lecteurs de cet évangile savaient bien que ce village cher à Jésus se situe à la porte de Jérusalem, pas de l’autre côté du Jourdain. C’est le sens qui importe ici plus que la géographie ; la mention de Béthanie permet de faire une connexion avec l’autre bout de l’histoire du Christ, à cette autre Pâque, celle où l’Esprit Saint est donné aux disciples, comme il descend ici sur Jésus.

Cette histoire vraie du Baptiste est écrite comme étant à vivre par son lecteur, cette histoire passée devient une histoire vraie dans le futur, pour ceux qui l’entendent. C’est ce que je vous propose d’explorer maintenant de deux façons :

 

2) Ce récit : un itinéraire de foi

Comme ces deux hommes dont parle le texte, nous sommes appelés à commencer à entendre Jean-Baptiste puis à suivre le Christ.

Ce qu’entendent ces hommes c’est ce cri du Baptiste « Moi, je suis celui qui crie dans le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme dit le prophète Ésaïe. » C’est donc un appel à s’approprier ces Écritures anciennes, et à entrer au désert dans le silence et dans l’écoute, y attendre la venue de Éternel, où que l’on soit, pour cheminer grâce à lui.

Le premier geste est une attente, une préparation afin de faire place au geste de Dieu pour nous. C’est très concret, même si c’est à chaque personne de voir quelles seraient les modalités pratiques de ce travail de préparation.

Ce chemin des hébreux dans le désert est connu comme un temps de gestation de soi-même, et la traversée du Jourdain (d’une nouvelle génération) est comme un accouchement de notre moi comme le dit le prologue de cet Évangile, devenant enfant de Dieu en plus d’être seulement enfant de l’humain.

Le baptême dans le Jourdain est une plongée dans la grâce de Dieu, dans cette fin de toute menace, ouvrant sur cette confiance qu’est la foi.

En ce qui concerne la suite, Jean-Baptiste dit de Jésus : « voici l’agneau de Dieu », c’est encore une référence au récit de l’Exode, « l’agneau » étant ce qui est mangé par les hébreux pour avoir la force de vivre la traversée. Le Baptiste donne ici le mode d’emploi du Christ : il est à manger comme on mange l’agneau de la Pâque, le prendre, mâcher ses paroles et sa vie, les déconstruire afin de pouvoir les assimiler, de les faire nôtre, qu’elles soient notre énergie pour vivre et avancer, traverser nos déserts et nos Jourdain.

Qu’allons-nous devenir en vivant cela, en accouchant de nous-même comme fils ou fille de l’humain, et fils et fille de Dieu à la fois ? C’est à découvrir avec surprise. Comme le dit le Baptiste : « En vous, se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas, et qui vient » (Jean 1:26) C’est cette attente et à cette découverte que nous ouvre aussi ce texte, c’est la 3e lecture que je vous propose :

 

3) Qui sommes nous ?

Comme chaque fois qu’un texte de la Bible présente différents personnages, c’est afin de nous présenter différentes facettes de notre être.

Nous sommes ce Jean-Baptiste interrogé de ces « Qui es-tu toi-même, qu’en dis-tu ? ». C’est une excellente question à se poser et à creuser. Comme ici, les différentes voix de la religion, la Bible, les diverses recherches théologiques et philosophiques, la prière sont autant d’occasions de se questionner en vérité sur qui nous sommes. Découvrir, élaborer ainsi sa propre vocation dans le monde. Se rendre compte que, n’étant pas le Christ, nous avons besoin de secours de Dieu ; que n’étant pas Moïse nous avons encore à entendre et donc à écouter pour savoir ce qu’il serait juste de faire ; que n’étant pas Élie nous pouvons attendre d’avoir un petit peu plus d’esprit Saint avant de juger d’essayer de retirer la paille qui est dans l’œil du voisin…

Ensuite, comme Jean-Baptiste, nous sommes dans l’attente et dans la préparation, dans la gestation d’un nous-même qui sera à la fois humain et divin. Alors nous serons petit frère ou petite sœur du Christ, à notre façon. Un petit peu christique, un petit peu Moïse et un petit peu aussi Élie, à notre façon, à notre mesure, pour notre monde.

Seulement, comme le dit l’Évangile, Jean-Baptiste poursuit son ministère d’annonce alors que Christ commence le sien. Cela peut sembler étonnant, seulement, comme il est dit plus loin dans cet Évangile, Jean-Baptiste confesse que c’est normal et bien ainsi que cela doit être : « Il faut qu’il grandisse, et que je diminue. » (Jean 3:26-30)

Nous sommes ainsi à la fois comme Jean-Baptiste et comme Jésus-Christ. C’est aussi ce que dit cette phrase que je trouve merveilleuse et pleine de promesse : « En vous, se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas, et qui vient » (Jean 1:26)

Ce « quelqu’un » est à la fois déjà là, debout, vivant comme Jésus était incognito dans la foule. Il est déjà là et en même temps il vient encore. Il est déjà là et il est encore intelligent D’espérer encore, de ne pas se croire entièrement arrivé, entièrement possédant le Christ. Il est bon encore de terrasser un peu son chemin afin qu’il puisse mieux visiter les coins et recoins de notre être, et de notre monde.

Jean-Baptiste, nous dit-on ici, « se tient là », encore et encore, de l’autre côté du Jourdain, à l’extérieur, marquant le passage et veillant. Il regarde et que voit-il ? Deux choses sur cet être qu’il espère et qu’il ne connaissait pas. Et c’est cela est vrai aussi de ce que nous pouvons attendre en nous-même, et dans notre prochain :

1) L’Esprit descend et demeure sur lui, sur elle. Le texte insiste sur le côté concret, corporel de cet Esprit, de ce souffle. Nous ne nous connaissons pas très bien nous-même, en vérité. Seulement, en regardant bien : il y a en nous un être que nous ne connaissions pas et qui reçoit ce souffle. Une part géniale de nous-même, infiniment plus belle, lumineuse, riche de possibilités, et plus vivante que nous ne l’imaginions.

2) La seconde chose que voit Jean-Baptiste alors qu’il se tient à son piquet de garde : c’est que Jésus passe. Christ est mouvement, cheminement. C’est normal car la vie est ainsi. C’est ce que remarquait le philosophe grec Héraclite, dans un débat s’interrogeant sur ce qui demeure en réalité. Héraclite dit que ce qui demeure c’est le mouvement. Donnant à montrer un fleuve, comme le Jourdain. Chaque goute d’eau qui passe sera partie un instant après. Ce qui demeure, c’est ce flux, ce mouvement permanent. Comme la tendresse et la fidélité de Dieu, toujours là et toujours nouvelles.

Les deux disciples du texte parlent aussi de nous. Ils voient Jésus passer, ils demandent à Jésus où il « demeure », il les invite à en faire l’expérience en cheminant avec lui, tranquillement, dans la confiance.

Amen.

pasteur Marc Pernot

Texte de la Bible

Évangile selon Jean 1

1 Au commencement était la Parole, et la Parole était à Dieu, et la Parole était Dieu.

2 Elle était au commencement avec Dieu. 3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.

4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. 5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas reçue.

6 Il y eut un homme envoyé de Dieu: son nom était Jean. 7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous aient confiance par lui. 8 Il n’était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière.

9 Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. 10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a pas connue. 11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue. 12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, 13 non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.

14 Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.

15 Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié : C’est celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi.

16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce. 17 Car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.

18 Personne n’a jamais vu Dieu. Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a fait connaître.

 

19Voici le témoignage de Jean, lorsque les Judéens lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : Toi, qui es-tu ?

20Il le affirma sans feinte, il affirma : Moi, je ne suis pas le Christ.

21Ils lui demandèrent : Alors quoi ? Toi, es-tu Élie ?

Il dit : Je ne le suis pas.

(Ils lui dirent 🙂 Le Prophète, est-ce toi ?

Il répondit : Non.

22Ils lui dirent alors : Qui es-tu ? Que nous puissions donner une réponse à ceux qui nous ont envoyés ! Que dis-tu de toi-même ?

23Il dit : Moi, je suis celui qui crie dans le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme dit le prophète Ésaïe.

24Alors, ceux qui avaient été envoyés de chez les pharisiens 25lui demandèrent : Pourquoi donc baptises-tu, si, toi, tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète ?

26Jean leur répondit : Moi, je baptise dans l’eau, au milieu de vous (au cœur de vous-même), se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas 27et qui vient derrière moi ; quelqu’un dont je ne suis pas digne de délier la lanière de sa sandale.

28Cela se passait à Béthanie, de l’autre côté du Jourdain, là où Jean baptisait.

29Le lendemain, il voit Jésus venant vers lui et il dit : Voici l’agneau de Dieu portant le péché du monde. 30C’est à son sujet que, moi, j’ai dit : Derrière moi vient un homme qui a été devant moi, car, avant moi, il était ; 31moi-même, je ne le connaissais pas ; mais c’est pour qu’il soit manifesté à Israël que je suis venu baptiser dans l’eau.

32Jean rendit ce témoignage : J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et demeurer sur lui ; 33moi-même, je ne le connaissais pas ; c’est celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau qui m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit saint. 34Moi-même, j’ai vu et j’ai témoigné que c’est lui le Fils de Dieu.

35Le lendemain, Jean se tenait de nouveau là, avec deux de ses disciples ; 36il regarda Jésus en train de marcher et dit : Voici l’agneau de Dieu. 37Les deux disciples entendirent ces paroles et suivirent Jésus…

(cf. traduction NBS)

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