des dés sont lancés sur un tapis bleu - Photo by Edge2Edge Media on https://unsplash.com/photos/uKlneQRwaxY
Ethique

Est-ce que « la poisse », « la guigne », la « scoumoune » existent ?

Par : pasteur Marc Pernot

des dés sont lancés sur un tapis bleu - Photo by Edge2Edge Media on https://unsplash.com/photos/uKlneQRwaxY

Question posée :

Bonsoir,
Je vous ai déjà écrit concernant des questions de compréhension et d’interprétation et votre aide m’a été très précieuse.
Cette fois-ci je voudrais vous poser une question concernant la malchance à répétition autrement dit « la guigne ». Je m’explique, ma copine et moi sommes ensemble depuis 3 ans, nous nous aimons et avons envie de réaliser des projets tous les deux. Malheureusement, il nous arrive souvent des soucis de santé, professionnels, ou des choses touchant notre entourage proche qui nous empêchent de vivre pleinement notre vie et d’être heureux comme devrait l’être un couple de jeunes amoureux.
Heureusement, ce ne sont pas des choses très graves, mais n’est-ce pas le principe même de la poisse d’agir sournoisement et de vous ronger à petit feu ? En en discutant un jour, ma compagne m’a expliqué que c’était depuis sa naissance que les malheurs l’accablaient et que sa famille en général n’avait jamais eu de chance.

Alors voici ma question. Est il possible que quelqu’un ou quelque chose est fait que cela nous arrive ? Traite t-on le sujet dans la Bible et que faire pour ne plus être victime de ces coups du sort ?

Dans tous les cas votre avis nous est important. Je vous remercie d’avance de votre aide. Amicalement,

Réponse d’un pasteur :

Bonjour Monsieur

C’est une excellente question. Car il importe de bien saisir d’où vient l’ennemi pour s’y préparer et le combattre du mieux possible.

Très sincèrement, je ne pense pas qu’un destin soit inscrit quelque part.

  • Ni dans les astres, qui n’ont qu’une infime influence gravitationnelle, et n’ont aucun pouvoir de déterminer notre destin en fonction de notre naissance ou de quoi que ce soit.
  • Ni dans des créatures imaginaires.
  • Ni en Dieu, qui n’est pas ce genre de tyran manipulant l’histoire d’une personne ou d’un peuple. Et quand bien même il le ferait, ce serait pour le bien, le bonheur et la vie, pas pour envoyer des malheurs.

Les seules choses dont nous pouvons être certain en ce qui concerne notre avenir, à mon avis, c’est 1) que notre vie sur terre ne durera pas toujours, et 2) que l’amour de Dieu qui nous accompagne et  nous garde au jour le jour, à travers les bonnes et mauvaises choses de notre vie, et assurant notre avenir éternel.

Du point de vue scientifique et théologique, il n’y a pas de livre du destin écrit à l’avance qui marquerait l’existence de certaines personnes par la poisse, la guigne, ou autre scoumoune. Ces mots sont intéressants, d’ailleurs :

  1. la poisse, signifie que nous attirons les malheurs comme la glu attrape les mouches.
  2. la guigne, ou le mauvais œil supposent qu’une personne nous aurait envoyé un mauvais sort.
  3. la scoumoune, ce mot fait penser à de l’arabe (la spiritualité musulmane pense parfois que notre destin a été écrit à l’avance, contrairement à la pensée biblique), mais non ce mot est une déformation en patois corse du mot « excommunié », désignant une personne qui serait exclue du corps du Christ (hors de cette communion), comme déchue de son adoption par Dieu qui fait de cette personne un enfant de Dieu, bénéficiant de sa bénédiction, une personne que Dieu aurait abandonnée ou rejetée, que ce soit par sa faute ou par le libre décret de Dieu.

Trois raisons invoquées comme possiblement attirant la malchance sur une personne. Examinons ces hypothèses :

3. Le rejet ou l’abandon par Dieu n’a pas de sens en théologie chrétienne, c’est le principe même de la grâce de Dieu, grâce puissante, surabondante, éternelle. L’amour de Dieu ne lâche jamais le morceau, Dieu garde son amour sur des milliers de générations, nous dit le livre de l’Exode (c’est à dire pour l’éternité, et indépendamment de nos propres mérites). Même si nous-même rejetons toute communion avec Dieu, rejetons le Christ, cela ne donne pas à Dieu l’ordre de nous rejeter. Au contraire : là où le péché abonde, la grâce surrabonde, Dieu aime même ses ennemis, et cherche à leur faire du bien. Pas de scoumoune, donc.

2. Il arrive que des personnes nous soient hostiles. Personne ne peut plaire à tout le monde, même pas Jésus. Cela engendre certainement de malheur quand on tombe sur des personnes dont la méchanceté cherche à nous nuire, parfois de façon répétée et que cela nous poursuive. Dans un sens, la guigne et le mauvais œil existeraient, hélas. Mais je ne crois pas une seconde qu’il y ait des mauvais sorts qui puissent faire passer ce malheur par des démons invisibles ou manipuler un destin (puisqu’il n’y a pas de destin). Pourtant, la sorcellerie et les mauvais sort marchent parfois : quand la victime elle même y croit, quand elle a peur et se trouble. C’est ce que l’on appelle une prophétie auto-réalisatrice. Quand on dit à une personne « je t’envoie des malheurs », et que cette personne y croit, elle va chercher inconsciemment ces malheurs : comme quand on a peur en vélo de passer dans un trou, on regarde si fixement le trou pour l’éviter que l’on met la roue dedans.

1. La poisse, par contre existe quand même dans une certaine mesure, je pense :

  • Quand nous avons déjà eu un malheur (par hasard, par maladresse ou par la méchanceté de quelqu’un), le risque de sur-accidents est plus fréquent. Ou quand nous connaissons un grand bonheur (amoureux, réussite à un examen…). Nous pouvons alors manquer de vigilance ou avoir de moins juste réactions face aux circonstances de la vie, et cela fait que la probabilité augmente d’avoir des difficultés.
  • Le malheur, en particulier, peut faire que nous avons un moins bon moral, et que nous sommes alors plus sujet à voir les choses négativement, à ne pas voir les choses positives, à moins saisir les chances qui passent. , quand nous prenons conscience de cela, nous pouvons essayer de corriger un peu, consciemment, notre regard, notre attention, notre bon moral. Et là encore, cela nous invite à bien nous entourer, de bonnes personnes et par la foi qui peut élever notre regard, nous donner une force plus grande. Et sortir ainsi des accumulations de catastrophes.
  • Parfois, nous connaissons effectivement une série de malheurs, c’est parfois invraisemblable, sans qu’il y ait aucune de ces raisons. Cela peut être le seul fait du hasard. C’est ce que nous enseignent la science des probabilités avec la loi des séries : même dans un hasard parfait, il peut arriver que l’on tire 10 fois de suite un double six aux dés. C’est vrai que c’est très rare mais ça arrive. Cela dit, cette chance ou cette malchance finit toujours par tourner, et une personne qui a eu ainsi une série de catastrophes voit tout d’un coup la situation revenir à la normale avec seulement un pépin de temps en temps comme tout le monde. Et une autre personne qui n’a eu que de la chance jusqu’à présent peut tout aussi brutalement voir arriver une série de malchances. C’est alors assez dur, car une rafale de catastrophe peut ébranler notre moral, et même notre foi. Il est donc utile de prendre des forces, de se serrer les coudes, et de garder toute confiance en Dieu qui, jamais, n’est du côté du malheur mais travaille comme il peut à arranger notre vie et renforcer notre être.
  • Il peut arriver des catastrophes en série pour une cause réelle, pas seulement du hasard, mais par une cause que nous ne connaissons pas. C’est ce qu’étudie la théorie mathématique du chaos expliquant qu’il est possible qu’un minuscule battement d’aile d’un papillon en Amazonie provoque, dans une réaction en chaine, une série de tornades à l’autre bout du monde.  Là encore, ce n’est absolument pas notre faute et ce n’est absolument pas contre nous. Et là encore cela mérite la compassion, la solidarité, et appelle à l’étude scientifique afin de mieux nous prémunir.

Le Psaume 121 nous dit :

  • que les accidents de la route (cailloux, brûlures du soleil) n’arrivent pas à cause de Dieu, mais qu’au contraire il nous accompagne pour nous aider à y faire face, à surmonter.
  • ce Psaume dit littéralement que « Dieu est en train de créer le ciel et la terre », donc, oui, il existe encore du hasard dans ce monde, il existe encore du chaos, car ce monde est encore en évolution, en genèse. Certains traducteurs transforment ce texte du Psaume 121 en mettant que Dieu « a créé le ciel et la terre », au passé accompli, mais ce n’est pas ce qui est marqué dans le texte (il y a un participe présent, exprimant une action permanente de Dieu), qui laisse bien place ainsi au hasard dans ce monde, et à l’action de Dieu qui continue. Et à Dieu qui est en train de nous accompagner pour le meilleur, faire face aux difficultés qui nous tombent dessus, parfois en rafale.
  • Cette action de Dieu est comme pour la création du monde, c’est une puissance d’évolution formidable, mais dans une autre échelle de temps que la nôtre. C’est pourquoi Dieu ne peut pas tout résoudre dans le présent. Il n’est pas facile pour Dieu de faire tomber du pain sur la table d’un enfant qui meurt de faim, c’est pour quoi il nous appelle à agir.
  • Ce psaume termine en disant que Dieu qui nous gardera pour l’éternité, de toute façon, le malheur n’aura pas le dernier mot !
  • Et puis dans ce Psaume, nous sommes invité à regarder vers le haut, dans la louange, et dans l’espérance. Déjà c’est une transformation de notre regard vers ce qui est positif dans le réel, et ce qui est prometteur dans l’action continue du créateur dans ce monde et dans notre vie.
  • Enfin, ce psaume nous propose de passer de cette expérience personnelle de l’aide et de la création continue de Dieu dans le présent au service de notre prochain, le psaume passe à la deuxième personne du singulier, comme un témoignage, un geste et une parole que l’on adresse à une autre personne qui elle-même fait face à des difficultés dans sa vie. Ce Dieu qui m’est d’un grand secours, qui m’a aidé et soutenu, il t’accompagne aussi et il te gardera certainement,car toi aussi, évidemment, est son bien aimé.

Il y a ainsi une façon de vivre les problèmes que nous avons rencontré en devenant meilleur, en ayant plus de compassion pour ceux qui souffrent, en ayant plus de foi, de confiance en Dieu. Cela ne justifie pas le malheur, mais tant qu’à faire que cela soit arrivé, même d’un mal que Dieu ne veut pas, Dieu peut en faire un bien.

C’est ce qu’affirme le Psaume 91, célébrant l’aide puissante de Dieu. Mais ne pensons pas que si nous subissons un malheur ou même mil malheurs de suite, ce serait que Dieu nous l’aurait envoyé ou qu’il nous aurait abandonné. Dieue st fidèle, il n’abandonne aucune de ses créatures.

A l’inverse, la « chance », ou plutôt le bonheur peuvent effectivement se cultiver. C’est ce que nous apprend Jésus de bien des façons.

  • Par sa première béatitude, par exemple « Heureux ceux qui mendient l’Esprit, le Royaume de Dieu est à eux » (voir un court commentaire ici) : cequi qui prend conscience qu’il a reçu un pouvoir créateur de vie bonne (l’Esprit de Dieu), prépare un meilleur avenir pour lui et autour de lui.
  • Par sa parabole du semeur, jetant des graines de vie dans l’humus de ce monde et de notre être. Cela semble dérisoire une petite graine de vie bonne mais cela peut se multiplier comme dans un épi de blé, et cela peut pousser aux dimensions d’un grand arbre.
  • Par l’appel de Jésus « veillez et priez » car vous ne savez ni le jour ni l’heure. Du malheur à combattre, ou de la belle opportunité à saisir, ou du coup de main à donner (Lu 10:33).

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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