Extrait d"un tableau de Spitzweg représentant un bibliothécaire

En français, le verbe « ressusciter » appartient au patois théologique, alors que les mots grecs de la Bible appartiennent au langage courant, egeiro ou anistemi veulent dire se lever, comme on se lève de table ou on se lève le matin. C’est bien dommage car cela ne nous aide pas à comprendre ce que l’Évangile nous dit sur la notion de résurrection, la rendant particulièrement mystérieuse alors qu’elle nous est plutôt présentée dans la Bible comme une expérience qui est à vivre durant notre vie en ce monde, voire une expérience que nous avons déjà vécue, comme nous le dit Paul « vous avez été ressuscités avec Christ » 1.

La Vie éternelle ce n’est pas, ou pas seulement, une vie future (après la mort de notre corps), mais une vie présente qui est éternelle par certains aspects, une vie qui est plus forte que la mort. Cette qualité est offerte par Dieu, c’est lui qui nous ressuscite ou qui ressuscite le Christ. C’est déjà une bonne nouvelle, nous n’avons pas à arriver tout seul à entrer dans la vie éternelle en construisant des pyramides ou en nous élevant à une telle qualité par la seule force de notre sagesse. La question semblerait plutôt de s’ouvrir à cette action de Dieu.

Dans l’Évangile selon Matthieu l’enseignement de Jésus commence par cette affirmation qui est le résumé ou la clef de tout l’Évangile : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux. »2   La vie éternelle est promise pour le présent, il suffit pour cela d’être « pauvre en Esprit », c’est-à-dire à mon avis de demander à Dieu son Esprit comme un mendiant demande du pain parce qu’il sait qu’il va mourir demain s’il n’a pas de pain aujourd’hui. C’est la même démarche qui nous est proposée, mais en d’autres termes, dans l’Évangile selon Jean il dit « Celui qui a confiance dans le Fils a la vie éternelle »3 là encore nous avons un présent, et la question clef est celle de la foi (et non pas celle de la croyance, comme peut le laisser penser le verbe croire). Résurrection est conversion sont ainsi deux mouvements qui sont profondément liés, mais que l’on ne peut confondre, la conversion ayant l’homme pour sujet, alors que la résurrection a, elle, Dieu pour sujet.

« Le Christ est ressuscité  » 4. est une annonce fondamentale de l’Église chrétienne qui ne peut être contournée quand on se pose des questions sur notre résurrection. Dans les évangiles, le Christ ressuscité a un mode de présence qui fait qu’il passe à travers les portes fermées, apparaissant et disparaissant en un clin d’oeil5 . et se prolongeant, selon la célèbre conclusion de l’Évangile selon Matthieu6 . pour nous tous, tous les jours jusqu’à la fin du monde. La présence du Christ ressuscité est ainsi plutôt une expérience de foi de ses disciples qu’une présence matérielle sur terre. Cette résurrection du Christ est importante pour nous car, nous dit l’Évangile, nous vivons véritablement si le Christ ressuscite en nous, s’il vit en nous7 . Ces expressions sont un peu surréalistes, mais il s’agit d’une réalité très concrète qui est peut-être plus facilement compréhensible si l’on remplace le mot Christ par ce qu’il incarne, par exemple la foi, l’espérance ou l’amour. Vivre avec cette qualité d’être qu’est la vie éternelle, c’est quand l’amour vit en nous, est source d’une espérance vivante et d’une vraie fidélité à Dieu…

La question de la résurrection n’est donc pas tellement de savoir qu’est-ce qu’il y a après la mort du corps d’une personne. La question est plutôt de savoir si notre existence se limite aujourd’hui à cette vie biologique. Le mot de résurrection en français est là aussi trompeur car son préfixe « re » laisse penser à un retour en arrière. Or, il ne s’agit pas de cela, mais de la naissance d’une dimension supplémentaire dans cette vie présente, comme si notre corps pouvait enfin se lever, avancer, vivre vraiment, et aimer.

Certains se demandent s’il y a une vie après la mort. Ce n’est pas inintéressant, mais la question la plus urgente et la plus essentielle est plutôt de commencer déjà à vivre sans attendre cette mort. Mais quand même, la possibilité de la vie après la mort nous pose des questions, questions qui ne sont pas sans importance car ce que nous serons est aussi ce qui a une extrême importance maintenant. Une antique formule dit que nous croyons  » en la résurrection de la chair « . Cela ne veut pas dire que nous croyons à la recomposition des protéines de notre corps de chair. L’apôtre Paul discute de cette question8 , il dit que nous ne ressuscitons évidemment pas avec un corps de viande et de sang comme maintenant, mais avec un corps  » glorieux  » ou  » spirituel « . Cela veut dire que même au-delà de la vie de notre corps de chair, nous resterons en vie avec certaines caractéristiques essentielles de notre corps :

Notre corps est l’espace qui nous est réservé dans l’univers : dans l’au-delà nous resterons un individu, un être personnel. Et ce qui a une ultime valeur ici-bas, c’est chaque personne individuelle.

Notre corps porte les traces de notre histoire, ce que nous avons vécu a contribué à nous construire. Nous resterons nous-mêmes dans l’au-delà, mais purifié par Dieu. Et aujourd’hui même, Christ nous propose de nous saisir de l’amour dont nous avons été aimés et de nous laisser créer par cela comme aimant à notre tour9 .

Nous sommes en contact avec les autres et le monde par l’intermédiaire de notre corps, même dans l’au-delà nous serons des êtres de relation. Aujourd’hui, Christ nous montre que l’essentiel, c’est la qualité des relations que nous avons avec les autres, avec Dieu, mais aussi avec notre prochain10 .

Mais heureusement, celui qui a un gros nez, ou un bras en moins ne ressuscitera pas avec des caractéristiques physiques particulières, et ce que l’on fait du corps des morts n’a aucune importance pour ce qui est de leur résurrection, le respect que nous leur devons est sentimental et symbolique (ce qui n’est pas peu de chose).

1 Colossiens 2:12

2 Matthieu 5:3

3 Jean 3:36

4 Luc 24:46, 1 Corinthiens 15:14

5 Jean 20, Luc 24

6 Matthieu 28:20

7 Galates 2:20

8 1 Corinthiens 15

9 Jean 15:9-12

10 Marc 12:30-31

 

Marc Pernot

Suite :

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2 Commentaires

  1. Corinne dit :

    Mon cher Marc, j’espère que vous allez bien. Je suis allée assister à une messe. En gros, le prêtre disait qu’il fallait se préparer « au ciel », lorsque le temps serait venu. Je suis déconcertée; J’aime mieux penser que nous pouvons avoir une vie spirituelle assez riche qui nous permette de vivre « le ciel sur terre ». Quand vous aurez du temps, je serais contente de connaître votre avis à cet égard. Un grand merci par avance de la réponse que vous pourrez m’adresser, le cas échéant. Bien Fraternellement,

    1. Marc Pernot dit :

      Il n’est pas faux qu’une petite dose de méditation sur notre mort n’est pas inutile, cela met les choses en perspectives, la valeur de nos attachements, et saisir ce qui fait la valeur profonde des choses. Mais à petite dise. Car d’un autre côté il n’est pas bon de vivre en dehors de son temps. Comme le dit Jésus « à chaque heure suffit sa peine » : et la question d’aujourd’hui est de vivre sur cette terre d’une belle et vraie façon. Nous verrons bien ce que nous ferons à notre mort. C’est de toute façon bien mystérieux.

      Ce que vous dites est essentiel. Jésus parle du fait que nous avons (dans le présent) le Royaume de Dieu, maintenant. Voire par exemple la première des béatitudes qui est un condensé de tout l’Evangile. Paul parle de notre résurrection au passé « dans la mesure où vous avez été ressuscités (au passé, Colossiens 2:12). C’est ce que résume Saint Augustin ainsi : « Quoique sur la terre encore, tu es au ciel si tu aimes Dieu. »

      Donc tout à fait d’accord avec vous. Même la méditation sur la mort n’est pas pour nous « préparer au ciel lorsque le temps serait venu » : c’est à mon avis totalement inapproprié, et inutile. Par contre oui pour nous préparer au ciel pour aujourd’hui.

      Bien fraternellement

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