Portrait de Jésus, Extrait d
Bible

Dans la Torah il y avait déjà tout. Alors ça veut dire quoi que Jésus « sauve » ?

Par : pasteur Marc Pernot

détail d'un tableau de Rembrandt représentant lle visage de Jésus - Head of Christ (Rembrandt, Philadelphia - wikicommons)

Détail d’un tableau de Rembrandt donnant au Christ un visage très humain, sans auréole ni flottant au dessus du sol…

Question posée :

Cher Pasteur bonjour 😊

Je reviens si souvent à vos écrits qui me guident chaque fois que je me sens mal en lisant les écritures ou en entendant certaines théologies. JE vous suis tellement reconnaissante…

Je me pose une question sur le salut pourtant vous l’avez si bien abordé dans vos écrits mais je n’arrive pas à comprendre…

Vous dîtes que même si la notion de rançon n’est pas pertinente, Jésus nous sauve, il nous donne notre liberté, etc. Mais ce n’est qu’un humain ! Jésus me donne pas ma liberté ! Alors certes un humain très spécial, très avancé, très proche de Dieu, très profond et incarnant dans une grande mesure le Divin. Mais ce n’est pas Dieu donc je ne vois pas pourquoi il me sauverait… Pourquoi Paul en parle comme d’un surhomme qui va sauver l’humanité d’une grande perdition alors que ce n’est pas Jésus qui est à louer mais Dieu qui a réalisé ces choses en Jésus. Ce n’est pas Jésus qui sauve l’humanité c’est Dieu, je trouve malaisant cette idée d’un surhomme au-dessus des Humains. Et le salut ce n’est pas qqch qui arrive soudainement par magie parce que Jésus est arrivé même s’il est gentiment mort non ? Dans la Torah il y avait déjà tout cela de contenu : la loi certes mais aussi de grâce et de salut pour ceux qui lisaient en profondeur les textes (comme Jésus l’a fait visiblement) ce qui devait être le cas d’une partie des Juifs ! On ne peut pas perpétrer cet esprit antisémite sous-entendant que les Juifs n’avaient rien compris (Jésus prouve le contraire car il était Juif et je pense qu’il devait exister d’autres Juifs qui avaient une interprétations profondes et belles des textes), qu’ils étaient tous légalistes et qu’il ne connaissaient pas les notions de grâce, d’esprit (pourtant présentes dans bien des passages de l’AT).

Alors ça veut dire quoi que Jésus « sauve » ? Est-ce que ce mot est employé en araméen initialement ? Car ce mot est sacrément fort et connoté… Il y a tellement eu de personnes à la suite de Jésus qui ont eu le syndrome du sauveur en allant évangéliser les « pauvres sauvages » qui ne savaient rien. Jésus est mort et son acte est beau mais il y en a eu d’autres qui sont morts par amour pour d’autres, par amour de la vérité, etc. Il y en a eu d’autres qui ont montré une vision aimante, profonde et non légaliste des textes. Il y a des rabbins mystiques, ou des rabbins qui ont une interprétation magnifique des textes, on voit aussi par ex le Judaïsme libéral aujourd’hui qui sont dans cet esprit et qui respectent Jésus mais n’ont pas besoin d’être « sauvés » par lui. Du coup je ne comprends pas et ça me chagrine…

  • Je comprends fils de l’Homme mais pourquoi Fils de Dieu ? Pourquoi tel apôtre aurait vu le Fils de l’Homme à la droite de Dieu ?
  • Et que veut dire que l’Esprit saint arrivera après ? alors que l’Esprit saint ou plutôt le souffle, a toujours existé non ? Pq faire croire que tout coup avec Jésus on peut avoir accès à l’esprit saint ?
  • Pq on ns dit que Jésus est notre intercesseur ? C’est fort comme terme… Forcément soit tu y crois soit tu ne peux pas accéder à Dieu… « Le christ Jésus ressuscité et assis à la droit de Dieu intercède pour nous ». Ou encore « Il peut sauver parfaitement ceux qui s’approche de Dieu par lui étant tjs vivant pr intercéder en leur faveur ». Qu’est-ce que c’est que cela ? 😳 Cmt peut-il avoir un tel pouvoir, par quelle opération on s’approche de Dieu PAR lui ?? Même symboliquement je trouve que c’est assez fou d’écrire qu’il faut passer par qqun…
  • On dit que l’évangile libère mais moi je trouve que ça enferme… On doit d’abord croire à plein de croyances autour de Jésus ou réinterpréter plein de versets pour que ça fonctionne.
  • Et franchement je ne comprends toujours pas cette phrase « car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique ». Parce que même si on dit que c’est seulement Jésus qui a accepté de mourir par amour, le verset dit que c’est son Fils… que c’est Dieu qui l’a donné… ça m’a l’air fou ou je ne comprends rien ou il y a un pbm avec la traduction ou des ajouts 😥

Merci beaucoup pour votre aide cher Pasteur et pardonnez-moi mon ton j’avoue que tout cela me bouleverse beaucoup car les mots sont très forts et j’ai l’impression que tant qu’on dit que la Bible est la Parole de Dieu ça empêche de recontextualiser et de comprendre pourquoi telle personne (auteurs des évangiles) ont dit cela de Jésus, comment pensaient les premiers chrétiens, qu’est-ce qui a été ajouté dans les textes, pourquoi telle théorie a vu le jour par la suite, que voulait dire dans leur bouche « salut » car je pense que la connotation qu’on donne à certains mots est différentes de ce que c’était. Mais malgré cela, certains passage de l’apôtre Paul sont très étranges… et pourtant il parle avec certitude, autorité et on peine à questionner certains de ses propos.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

Désolé pour le délai de réponse. Surtout pour une aussi intéressante question, essentielle et intelligente.

Vous avez raison sur bien des choses dans ce que vous dites, à mon avis. Bien des choses qui vous dérangent sont en réalité des interprétations assez répandues mais en tout cas pas obligatoires.

Je suis assez d’accord que la plupart de ce que nous trouvons dans l’Evangile du Christ se trouve déjà à gauche ou à droite dans la Bible Hébraïque. Et vous avez raison, c’est tout à fait normal puisque Jésus et les 12 apôtres au moins 3 des 4 évangiles et toutes les épîtres du NOuveau Testament ont été écrits par des juifs.
Cela dit, précisément, la Bible hébraïque est très pluraliste et présente bien des sensibilités spirituelles, théologiques, religieuses, philosophiques sont représentées. Parmi tous ces courants, Jésus sélectionne ce qui lui semble devoir être mis en avant, et il le prolonge avec sa sensibilité particulière. Et cela me semble passionnant, et extrêmement fécond à vivre.

Par exemple pour ce que l’on appelle aujourd’hui le « sommaire de la Loi » donné par Jésus auquel un théologien juif demande quel est le premier de tous les commandements de la Loi.

« Voici le premier: Écoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l’unique Seigneur: et: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ton intelligence, et de toute ta force. Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là. »
(Marc 12:29-31).

Comme vous dites ce n’est pas d’une originalité absolue puisque Jésus commence par citer le « Shema Israël » qui est récité par tout juif matin,midi et soir. Et qu’il ajoute un autre verset célèbre de la Torah. Et pourtant :

  1. La première originalité est de mettre en avant cette piété personnelle, intime, et pas des commandements comme le Shabbat et autres commandements majeurs. Ni sur le fait d’être juif, ni sur la circoncision, le respect des fêtes, la lecture de la Torah, les sacrifices au temple, etc. L’important n’est pas dans les actes (une orthopraxie) ni dans les dogmes (une orthodoxie) mais dans la qualité de la relation à Dieu, l’important est de penser à Dieu, de le chercher, de tendre l’oreille. Le reste suivra, la pensée et les actes.
  2. La seconde originalité est d’ajouter au « Shema Israël » classique: le fait d’aimer Dieu avec tout ce que nous avons d’intelligence, de réflexion personnelle. Jésus ajoute ainsi une dimension supplémentaire aux trois dimensions de l’amour de Dieu proposé par le Shema Israël, et c’est particulièrement subversif, car cela appelle toute personne, tout fidèle de base, à développer sa propre réflexion théologique, éthique, sa propre façon de voir quels moyens il se donne pour nourrir la qualité de sa relation à Dieu. C’est une libération décisive des fidèles par rapport aux institutions, aux théologiens et autorités, par rapport à tous els donneurs de leçons de ce qu’il faudrait penser et faire afin d’être fidèle à Dieu.
  3. La troisième originalité est de joindre à cette dimension de la relation à Dieu, première, la qualité de notre relation à notre prochain. Ce second commandement est lui aussi une citation de la Bible hébraïque, mais c’est assez intéressant de le joindre au premier, pour former ainsi les deux tables de la Loi condensées sur l’essentiel. Et mis de façon positive. Par exemple au lieu du « tu ne tueras pas », il y a « tu aimeras ton prochain comme toi-même » et donc quand je vis bien tranquille en m’occupant de mes affaires seulement, dans un sens je tue mon prochain qui avait besoin que je me soucie de ce qu’il devient, de ce qu’il pourrait peut-être aussi m’apprendre. En même temps il n’y a rien de neuf, effectivement, mais le fait d’avoir été chercher ce commandement là, mettant en avant la qualité de relation et avec Dieu, avec mon prochain, et avec moi-même comme un ensemble essentiel et qui surpasse tout autre commandement, dogme, précepte, rite et culte : c’est quand même quelque chose de très créatif, de libérant, d’inspirant, de libérant. Seulement, effectivement, c’est plus exigeant, plus responsabilisant, et dans un sens : c’est insécurisant. Et c’est pourquoi sans cesse Jésus rappelle que Dieu ne rejette pas le pécheur que nous sommes, mais qu’il l’aime, le garde, le cherche, le soigne.

Ce n’est qu’une parole de Jésus, il faudrait analyser l’ensemble de ce que Jésus dit et fait, mais je pense que l’on peut voir que cela propose comme un changement de logiciel, de façon de penser la personne humaine de base dans sa foi, sa vie, sa nature limitée et en cours de développement, faisant ce qu’elle peut, avec la grâce et la bénédiction comme assurance.

Jésus « sauve » ?

Le fait que Jésus nous sauve n’est donc pas l’action d’un super héros sauvant le monde de toute injustice, souffrance, maladie, tyrans, haine et trahisons.

  • Le salut qu’il apporte c’est d’abord un salut qu’il annonce.
  • Le salut qu’il apporte c’est aussi une libération, une responsabilité, une vocation. Celle de naître et de vivre par l’Esprit. Vous avez raison, ce n’est pas si nouveau que cela car Genèse 2:7 nous dit que Dieu crée l’humain à partir de la poussière du sol (l’humus) et de son souffle (l’Esprit saint, le souffle créateur), tout le monde est donc équipé d’un minimum de ce souffle, de l’Esprit. Cependant, les grands prophètes ont annoncé que toute personne serait prophète ou prophétesse. Alors qu’avant ce souffle prophétique était donné à quelques grands serviteurs choisis par Dieu pour éclairer tout le peuple, peuple qui devait ensuite éclairer toutes les nations. Voir par exemple Joël 2:28 ou Jérémie 31:33. Ce qu’apporte Jésus, dès lors que l’on pense qu’il est le Messie, le Christ, annoncé : c’est que dès lors, cette promesse se réalise en vous en en moi, également. A la fois ce n’est pas nouveau puisque c’était annoncé, et c’est tout nouveau quand on pense que c’est pour maintenant, pour soi-même. Que c’est un don et que c’est une vocation, une responsabilité, une mission. Comme celle d’Esaïe, de Jérémie, d’Amos, ou de Moïse : eux aussi ne s’en sentaient pas dignes. Personne, à moins d’être un peu mythomane sur les bords, pourrait dire de lui-même : Dieu m’a fait prophète. Sauf que là il est question que Dieu prie chaque personne d’être prophète ou prophétesse (à sa mesure, à sa façon). C’est cela que le Christ libère : c’est un changement de perspective. C’est comme dans le conte d’Andersen, « Les habits neufs de l’empereur », où un enfant ose révéler, dans son innocence, que « le roi est nu » toute la population peut alors le penser et le dire.

Fils de l’homme et fils de Dieu ?

Jésus se présente lui-même plutôt comme « fils de l’homme », ce qui signifie presque tout le temps dans la Bible hébraïque : un humain (enfant de la terre, de l’humus) comme tout le monde, un fils d’Adam. Le titre de « Fils de Dieu » n’a pas à être non plus exagérément divin, car la question est que nous sommes tous et toutes à la fois « enfant de la terre » et « enfant de Dieu ». C’est ce que rappelle la Genèse, à la fois dans la création de l’humain à l’image de Dieu, né de son souffle, et même conçu avec l’Eternel, comme le dit Ève (Genèse 4:1). Seulement,dans le cadre de l’insistance que Jésus apporte sur l’extraordinaire dignité de chaque personne, cela devient un thème important. Ce qui est mis en valeur par le fait qu’il est appelé « Fils de Dieu » et qu’il est notre frère.

Il intercède pour nous ?

Pour ce qui est d’intercéder, selon Paul, c’est plutôt l’Esprit de Dieu (en nous) qui intercède pour nous, l’Esprit qui prie en nous-même (Romains 8). Cela fait de nous un humain comme Jacob en Genèse 28 avec l’échelle allant au ciel sur laquelle montent et descendent des anges : nous écoutons Dieu, et Dieu nous écoute : l’Esprit monte notre point de vue, notre espérance, notre lamentation, notre louange? Et l’Esprit nous souffle le point de vue de Dieu, son espérance, ses appels et ses encouragements. Encore une fois, il y a là quelque chose que nous avions dans la Bible hébraïque mais qu’en Christ nous nous voyons appliquée à nous, simple humain, et qui fait de nou sun Jacob ou une Jacobette, un Moïse ou une Moïsette. Un Elie ou une Eliette. Je ne trouve pas cela enfermant, mais libérant et responsabilisant. Il y a tant de petits despotes locaux pour nous dire : voilà ce que Dieu te demande de faire, voilà ce que c’est qu’un vrai croyant. Nous pouvons entendre ce que disent ces personnes, tout en restant ttout à fait libre de faire selon notre propre foi, conscience, intelligence, prière. Écouter personnellement ce que Dieu aurait à nous dire en fonction des circonstances présentes et de ce que nous avons, nous, à cœur de porter comme projet. Dans la confiance que Dieu nosu accompagnera, et qu’il nous aidera à affiner notre cheminement.

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque ait foi par lui ne meurt pas, mais qu’il ait la vie éternelle. » (Jean 3:16)

Cette phrase me semble claire et belle : Dieu aime et a toujours aimé ce monde et chacun de ses habitants, et donc pardonne car quand on aime, on ne garde pas le mal que fait la personne aimée. Cela est un point fort et assez original de l’Evangile du Christ disant que Dieu aime, bénit et fait du bien même à une personne qui serait son ennemi. Et donc Dieu donne son fils (unique en son genre, unique par sa vocation) afin de réconcilier chaque personne individuelle avec Dieu. Il n’est pas question ici de la mort de Jésus, il n’est pas dit que Dieu le donne pour qu’on le tue, mais afin qu’il nous aide à évoluer de façon positive : que son action peut favoriser notre confiance en Dieu, notre intime relation avec lui, cœur à cœur, sans l’intermédiaire d’une Loi, ou de dogmes, de rites. Ce verset dit aussi la liberté de la personne, le libre cheminement de chacun. (ici : un billet sur ce verset)

Donc, bref, personnellement, je trouve ce que nous a apporté Jésus tout à fait bienfaisant, et même décisif pour vivre, pour embellir la vie. Mais si une personne trouve quelque chose qui est plus favorable à sa propre évolution, je m’en réjouis pour elle et pour le monde autour d’elle. .

par : pasteur Marc Pernot

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Un commentaire

  1. Cédric dit :

    Pour décentré un peu, un extrait des Entretiens du philosophe stoïciens Epictète, 2 ème siècle après JC.
    « CHAPITRE IX
    Des conséquences que l’on peut tirer de notre parenté avec Dieu.
    Si ce que les philosophes ont dit de la parenté de Dieu et des hommes est vrai, que nous reste-t-il quand on nous demande « De quel pays es-tu? » si ce n’est de répondre, non pas, « Je suis d’Athènes ou de Corinthe, » mais, comme Socrate, « Je suis du monde. » Pourquoi dirais-tu, en effet, que tu es d’Athènes, et non de ce petit coin seulement où ton misérable corps a été jeté quand il est né? N’est-il pas clair que si tu t’appelles Athénien ou Corinthien, c’est que tu tires ton nom d’un milieu plus important, qui contient non-seulement ce petit coin et toute ta maison, mais encore cet espace plus large d’où est sortie toute ta famille, jusqu’à toi? Pourquoi donc celui qui comprend le gouvernement du monde, celui qui sait que de toutes les familles il n’en est point de plus grande, de plus importante, de plus étendue que celle qui se compose des hommes et de Dieu, et que Dieu a laissé tomber sa semence non-seulement dans mon père et dans mon grand-père, mais dans tous les êtres qui naissent et croissent sur la terre, et en particulier dans les êtres raisonnables (parce que seuls ils sont de nature à entrer en relations avec Dieu, à qui ils sont unis par la raison), pourquoi celui-là ne dirait-il pas : « Je suis du monde ? » Pourquoi ne dirait-il pas : « Je suis fils de Dieu ? » Et pourquoi craindrait-il rien de ce qui arrive parmi les hommes ? La parenté de César, ou de quelqu’un des puissants de Rome, suffit pour nous faire vivre en sûreté, pour nous préserver du mépris, pour nous affranchir de toute crainte ; et avoir Dieu pour auteur, pour père et pour protecteur, ne nous affranchirait pas de toute inquiétude et de toute appréhension ? »

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