Magnifique peinture de Dieu créant l'humain par Michelange, chapelle Sixtine au Vatican - Image by Kolímprint from https://pixabay.com/photos/painting-the-creation-of-adam-6343609/
Dictionnaire de théologie

Corps (notre corps, le corps de Dieu, le corps du Christ)

1) Notre corps humain

Le corps est une partie de l’espace qui nous est propre :

  • à l’intérieur : c’est nous et bien nous.
  • à l’extérieur : le monde avec qui nous sommes plus ou moins en interaction.

Le corps est en interaction avec le monde : par la peau et sa sensibilité, par  nos jambes pour nous déplacer, nos bras et mains pour créer, notre bouche pour parler, nos yeux et nos oreilles, notre sexe pour avoir du plaisir et (si tel est notre projet) nous reproduire, notre palais pour goûter à la joie de manger et de déguster…

Notre corps est une bénédiction, il est saint

La bonté et la sainteté du corps a parfois été relativisée, par certaines spiritualités ou philosophies. Pas du tout dans la Bible. Nous ne sommes pas une âme (sainte, spirituelle et belle) dans un corps qui serait comme une prison pour cette âme : un corps lourd, pécheur, vil. Absolument pas ! Nous sommes un corps, un corps pensant, un corps spirituel (Dieu lui donne son souffle de vie). Et c’est par notre corps que nous pouvons être membre d’un corps plus large l’humanité, voire la création tout entière. Et c’est par le corps que nous pouvons avoir une action créative en ce monde, selon notre vocation.

Notre corps est ainsi une bénédiction de Dieu.Il a une vocation particulière dans notre être. Mieux vaut effectivement que ce ne soit pas trop notre chair qui soit aux commandes mais notre pensée inspirée par l’Esprit de Dieu. C’est vrai. Mais cela n’enlève rien à l’excellence du corps. Cela encourage à ne pas négliger notre corps mais à en prendre grand soin. Comme interface avec les autres, il porte une parole à ceux que nous rencontrons, notre façon de nous apprêter et de nous vêtir est un langage, notre sourire et nos gestes sont des paroles puissantes.

Notre corps dans la vie présente et dans notre vie future

Notre corps grandit pendant quelques temps alors que notre esprit et notre qualité d’être peut grandir (sauf accident regrettable) toute notre vie. Notre corps prend des forces et peut tomber malade, comme notre pensée et notre foi. La maladie n’est jamais envoyée par Dieu, il nous appelle à prendre soin des corps de tous. Si nous avons la chance de vivre âgé, notre corps faiblit, bien sûr, en tout cas il finit par mourir, c’est vrai. La matière, issue des étoiles, retourne à la poussière certes. Mais l’espérance chrétienne est que la personne elle-même continue à vivre autrement, en tant qu’individu avec sa mémoire, sa personnalité et ses amours. C’est pourquoi la théologie chrétienne, à la suit de l’apôtre Paul, parle de « résurrection de la chair », non pas au sens d’une chair matérielle mais d’une chair spirituelle (1 Corinthiens 15). Dans ce sens nou scontunuerions à être un corps, avec un nous qui est en relation avec les autres, avec Dieu.

Le corps du Christ

Chaque individu humain a un corps personnel. L’apôtre Paul (Romains 12 et 1 Corinthiens 12) nous compare à des membres d’un seul corps que forme l’humanité : le corps dont le Christ est la tête (le chef, l’origine). L’humain abouti est, selon Dieu, à la fois chaque personne comme un individu en forme, bien dans son corps avec toutes ses dimensions de chair, d’âme et d’esprit, d’intelligence… et l’humanité réconciliée où chaque personne a sa place, son charisme, et se soucie d’autres membres du corps de l’humanité. Dans ce sens, l’humanité est comme un hologramme : par chaque personne on peut voir ce qu’est que l’humanité dans son ensemble.

 

2) Le corps de Dieu ?!

Nous avons donc cette « anthropologie » (conception de l’humain) avec beauté et sainteté du corps humain, en tant qu’individu, et à travers ses parties ayant diverses fonctions bien utiles. Par extension, la Bible parle souvent de Dieu comme s’il avait un corps. C’est bien entendu une image, une façon de parler car les théologies bibliques (car la Bible incorpore différentes sensibilités théologiques et spirituelles), les théologies bibliques insistent toutes sur la « transcendance de Dieu », qu’il est au-delà de tout, d’une tout autre dimension que nous. Mais si nous avons été créés « à l’image de Dieu » (Genèse 1:27), cela ne veut pas dire que Dieu serait à notre image physique. Cela veut seulement dire que nous avons hérité de certaines façons d’être importantes de Dieu, à notre mesure (une certaine liberté, une certaine créativité, une personnalité, une capacité de relation et de projection…).

Une image, une façon de parler

Il faut donc comprendre ces mains, bras, jambes, nez, « dos » de Dieu au sens d’images de mode d’être de Dieu, en utilisant le langage que nous avons à notre disposition pour parler de cela, tout en sachant que ce ne sont qu’une image, par exemple dans ce passage :

2 Samuel 22:7
Dans ma détresse, j’invoque l’Éternel,
J’invoque mon Dieu :
De son palais, il entend ma voix,
Et mon cri parvient à ses oreilles.
8La terre fut ébranlée et trembla,
Les fondements des cieux frémirent
Et s’ébranlèrent parce que sa colère s’était enflammée.
9Il s’élevait de la fumée de ses narines,
Et un feu dévorant sortait de sa bouche :
Il en jaillissait des charbons embrasés.
10Il inclina les cieux et descendit,
une épaisse nuée sous ses pieds.

Ces images sont claires, faciles à interpréter :

  • Le nez de Dieu : l’ardente colère, comme quand on dit que « la moutarde nous monte au nez ». Ce n’est pas que Dieu pourrait devenir méchant mais cela exprime une ardente volonté de changer une situation qui le déçoit profondément. Dieu pardonne au méchant, le garde dans son amour, mais il ne supporte pas la méchanceté.
  • La bouche de Dieu : la source de Parole, et donc de création de Dieu, injectant du sens dans la réalité de ce monde et en nous. Cette parole est comme une flamme : éclairant et purifiant la réalité comme le minerai est épuré dans un creuset, comme une terre est débarrassée des ronces et fertilisée par un brûlis. La Parole de Dieu crée la vie.
  • Les yeux de Dieu pour voir la réalité présente, faire le point, mais aussi bizarrement : ses yeux, parfois ses narines apportent de la lumière aux humain, partager cette capacité à voir clair et à discerner avec justesse ce qui est bien de ce qui est mal, ce qui fait vivre et ce qui fait mourir, ce qui crée et ce qui éparpille.
  • Les oreilles de Dieu : Dieu ne commande pas seulement à l’humain d’écouter, Dieu est le premier à nous écouter, nous entendre, nous comprendre.
  • Le cou, la nuque de Dieu évoque la fidélité,
  • Les reins ou la taille de Dieu évoquent sa force, même si Dieu n’est pas « tout puissant » (la Bible ne parle de la toute puissance de Dieu qu’à l’horizon de l’histoire), dans le présent il est formidablement puissant, par son amour, par sa parole.
  • Les pieds de Dieu évoquent la démarche, le cheminement, mais aussi le point de contact avec le monde.
  • Les mains de Dieu évoquent la création, le soin, comme un artisan qui soigne son œuvre et la maman qui calme la fièvre et l’agitation de son enfant par la main sur son front.
  • Le bras droit de Dieu était celui qui mène cette action créatrice (pour 90% des gens qui sont droitiers), c’est une action positive, déterminée à créer ce qui est bon. La droite était aussi chez le soldat celui qui porte la lance ou l’épée, c’est donc le côté offensif contre le mal pour l’éliminer.
  • Le bras gauche de Dieu était celui qui tient fermement la pièce que travaille la main droite. le bras gauche était aussi chez le soldat celui qui porte le bouclier protégeant des coups de l’adversaire. C’est donc le côté défensif, le côté protecteur de Dieu qui nous défend du mal qui nous agresse. C’est une image de sa grâce qui nous garde et nous protège.
  • Le cœur de Dieu : est le lieu de sa prise de décision, déterminée et bonne
  • Le visage de Dieu : très important ! Moïse a vu Dieu face à face, Paul nous promet que nous le verrons face à face alors que nous ne le voyons pour l’instant que confusément. Le visage de Dieu c’est son être même dans sa personnalité, sa nudité, dans une relation transparente, directe. C’est ce qui parfois peut être légèrement senti dans un moment d’intense prière, ou dans l’expérience mystique, ou pour certain dans les sacrements, la contemplation.
  • Représentation du "dos" (des fesses) de Dieu par Michelange au plafond de la chapelle Sixtine à Rome Moïse voit le « dos » de Dieu, ce que Michelange ose représenter au plafond de la très sainte chapelle Sixtine au Vatican avec cette célèbre et très osée représentation des fesses de Dieu. C’est bien cela dont par ce passage de l’Exode 33:23 « Tu me verras par derrière, mais ma face ne pourra pas être vue. » Car voir la face de Dieu serait comme être déjà dans la même dimension que lui, ce qui n’a pas de sens. Nous faisons partie de ce qui existe alors Dieu Dieu est source de ce qui existe. Voir son dos, ou son derrière, c’est voir la trace de son passage, ses conséquences : un supplément de vie qu’il a apporté. C’est bien ainsi, je pense, que Dieu se révèle à nous : nous le prions et n’entendons (en général) rien, et nous nous demandons s’il est vraiment là, nous écoutant, pourquoi ne se montre-t-il pas et ne parle-t-il pas ? Pourtant, après coup, parfois le lendemain, ou quelques jours après nous pouvons discerner que quelque chose a changé dans notre conscience, dans notre être, dans notre vie  et nous avons envie de Dire comme Jacob, s’éveillant de son sommeil « Certainement, l’Eternel était là et je ne le savais pas » (Genèse 28:16)
  • Les seins de Dieu : c’est le côté maternel de Dieu qui prend soin de nous avec tendresse, en se donnant pour nourrir notre être,notre vie, nous permettre de grandir. C’est ce que bien des commentateurs lisent dans le terme hébreu Shaddaï : littéralement « El Shaddaï » signifie « Dieu avec sa paire de seins », Shaddaï » étant le duel de Shad, le sein.
  • L’utérus de Dieu : ou les « entrailles de miséricorde », ou « le sein de Dieu ». Sachant effectivement que le mot hébreu traduit en français par bonté ou miséricorde est de la racine du mot utérus Raram. Dieu miséricordieux est El Raroum. C’est ainsi que dans la bénédiction de Jecob sur son fils Joseph : »Le Dieu de ton père te secoure, et avec Shaddaï (les deux seins) il te te bénit, des bénédictions du ciel en haut, des bénédictions de l’abîme étendu en bas, des bénédictions des seins (Shaddaï) et de l’utérus (raram) ! » (Genèse 49:25). Parler de « lutérus de Dieu », c’est dire sa tendresse infinie qui nous donne la vie, qui accouche aussi d’un nous-mêmes plus aimant, à son image.

Une théologie : Dieu n’est pas sans rapport avec ce monde

Ce sont donc des images tirées de notre propre expérience humaine du monde. C’est vrai. Mais ce n’est pas un « anthropomorphisme » pour autant. Tous les théologiens et encore plus les mystiques sont bien conscients que Dieu n’a pas de corps matériel comme nous, comme les animaux. C’est une façon de parler tout en sachant que ce n’est qu’une image. Comme quand Jésus appelle Dieu « Notre Père qui est aux cieux » : il n’est pas père au sens de la chair, il est père par la vie et l’Esprit (le souffle), l’amour, la vocation à faire du bien qui nous viennent de lui. Et il est « aux cieux », c’est à dire dans une toute autre dimension que nous qui sommes sur terre. Il y a à la fois certaines caractéristiques apparentées et une distance infinie.

Il me semble que c’est plus que simplement une image. En parlant ainsi de Dieu comme ayant « un corps », cela dit que Dieu n’est pas une simple idée dan sla tête des humains, ce n’est pas seulement un concept (c’est aussi un concept utile pour nous du bien et du juste ultime) : Dieu est aussi réellement actif dans le monde et en nous. Il est concrètement une force de proposition, d’inspiration, d’élévation, de soin, de création dans ce monde et dans nos vies. Cette façon de parler de Dieu comme ayant un corps, même si c’est une image, nous distingue de spiritualités plus éthérées, de philosophies plus abstraites.

Marc Pernot

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2 Commentaires

  1. Pascale dit :

    – À propos de notre corps, il y a un verset que j’aime beaucoup, c’est 2 Corinthiens 4:16 « Et même si chez nous l’homme extérieur dépérit, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. ». Car certes, le corps est dévalorisé par certains ou certaines spiritualités, mais on trouve aussi bien souvent l’inverse. La survalorisation du corps peut conduire, entre autres excès, à lier la dignité d’une personne au fonctionnement de son corps.
    – Dans l’article proposé ici, j’ai bien aimé l’idée selon laquelle, lorsque la Bible parle du corps de Dieu, c’est une façon de présenter une théologie affirmant que Dieu est bien plus qu’un concept.
    – Lorsque Paul dit que Jésus-Christ est à la droite de Dieu, par exemple en Romains 8:34, peut-on y voir alors la venue de Jésus dans le monde comme un acte créateur de Dieu ?

    1. Marc Pernot dit :

      Merci pour ce beau verset sur l’être intérieur/extérieur. touchant et si vrai.

      Exactement : Christ est la Parole (créatrice) de Dieu faite chair. C’est ce que dit si poétiquement Jean dans le prologue de son évangile.

      Évangile selon Jean 1

      1 Au commencement était la Parole, et la Parole était à Dieu, et la Parole était Dieu.

      2 Elle était au commencement avec Dieu. 3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.

      4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. 5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas reçue.

      6 Il y eut un homme envoyé de Dieu: son nom était Jean. 7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous aient confiance par lui. 8 Il n’était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière.

      9 Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. 10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l’a pas connue. 11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont point reçue. 12 Mais à tous ceux qui l’ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, 13 non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.

      14 Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père.

      15 Jean lui a rendu témoignage, et s’est écrié : C’est celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi m’a précédé, car il était avant moi.

      16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce. 17 Car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ.

      18 Personne n’a jamais vu Dieu. Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, nous l’a fait connaître.

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