Par : pasteur Marc Pernot
Shaddaï
Qualité maternelle de Dieu, nous accouchant, nous allaitant tendrement (et non pas Zeus Tout-Puissant).
Ce nom même de shaddaï a toute une histoire dans nos traductions de la Bible. Car quand les grecs ont traduit la Bible Hébraïque vers 300 avant Jésus-Christ (voir LXX), le sens de ce mot « shaddaï » s’était perdu ou peut-être qu’ils ont fait comme s’ils avaient oublié pour mettre ce qui pour eux était le plus digne d’un Dieu : la Toute Puissance, celle de Zeus, le grand dieu des grecs. Or, Shaddaï était le nom ou l’attribut d’une déesse bien connue comme on le voit sur une inscription à Deir ‘Allah, mais aussi retrouvée dans des sites archéologiques de l’âge du bronze : une déesse de la fécondité, plus précisément une déesse nourricière. En effet, en hébreu, « shad » est le sein maternel, ce qui donne au duel « shaddaï » : les deux seins de la maman nourrissant son enfant.
La déesse mère Ashéra (ou Astarté) était bien connue des hébreux, elle avait même sa statue dans le temple de Jérusalem où elle était adorée formant un beau couple avec Yhwh pendant des siècles. Ashéra était une déesse mère. En Ougarit elle était parfois appelée Shaddaï (celle qui a deux seins) ou Rarhmaï (celle qui a un utérus, celle qui a de la miséricorde puisque la racine rarham signifie à la fois tendresse maternelle et l’utérus). Dans la Genèse cette théologie se retrouve par exemple dans la bénédiction par laquelle Jacob bénit son fils Joseph dans le livre de la Genèse :
C’est l’œuvre du Dieu de ton père, qui t’aidera,
C’est l’œuvre du Shaddaï qui te bénira des bénédictions des cieux en haut,
des bénédictions des eaux en bas,
des bénédictions des seins (shaddaïm) et de l’utérus maternels (raram) !
(Genèse 49:25-26)
Ensuite, l’idée (très discutable mais solidement ancrée dans l’imaginaire humain) de « toute-puissance » de Dieu s’est emparée de cette traduction grecque pour injecter cette théologie jupitérienne dans notre Bible. En lieu et place d’une autre forme de puissance qui est la tendresse viscérale, l’amour qui donne la vie, qui nourrit, qui fait grandir.
Suite :
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Participez au débat (dans le respect, bien entendu) :
Bonjour,
Tout à fait intéressant votre passage
« La déesse mère Ashéra (ou Astarté) était bien connue des hébreux, elle avait même sa statue dans le temple de Jérusalem où elle était adorée formant un beau couple avec Yhwh pendant des siècles. Ashéra était une déesse mère. En Ougarit elle était parfois appelée Shaddaï (celle qui a deux seins) ou Rarhmaï (celle qui a un utérus, celle qui a de la miséricorde puisque la racine rarham signifie à la fois tendresse maternelle et l’utérus). Dans la Genèse cette théologie se retrouve par exemple dans la bénédiction par laquelle Jacob bénit son fils Joseph dans le livre de la Genèse :
C’est l’œuvre du Dieu de ton père, qui t’aidera,
C’est l’œuvre du Shaddaï qui te bénira des bénédictions des cieux en haut,
des bénédictions des eaux en bas,
des bénédictions des seins (shaddaïm) et de l’utérus maternels (raram) !
(Genèse 49:25-26) »
cf l’article Shaddaï sur wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/El_Shaddai
Mais en même temps … ;-), et sans contredire ce passage ci-dessus, voici d’autres éléments.
Je pense que les traducteurs de la Septante se sont sans doute basés entre autres sur l’interprétation de Shaddaï induite par exemple et entre autres par certains versets Psaumes et de Job :
Psaumes :
Psaume 68:14 Lorsque Shaddaï dispersa les rois dans le pays, la terre devint blanche comme la neige du Tsalmon
Psaume 91:1 Celui qui habite dans le secret du Elyon (Très-Haut), repose sous l’ombre du Shaddaï.
Job :
5:17 Heureux, l’homme que Eloah corrige : ne rejette pas l’instruction de Shaddaï !
6:4 Oui, les flèches de Shaddaï m’ont transpercé et mon esprit en suce le venin; les terreurs de Eloah se rangent en ordre de bataille contre moi.
6:14 Celui qui souffre a droit à la bienveillance de son ami, même s’il abandonne la crainte de Shaddaï.
8:5 Mais toi, si tu recherches vraiment El, si tu implores la grâce du El-Shaddaï
11:7 Prétends-tu pénétrer les profondeurs de la pensée de Eloah ? Prétends-tu découvrir ce qui touche à la perfection du Shaddaï ?
21:20 c’est lui qui devrait contempler sa propre ruine, c’est lui qui devrait être touché par la fureur du Shaddaï.
23:16 El a brisé mon courage, et Shaddaï m’a rempli de terreur.
33:4 l’Esprit (la rouach) de El m’a créé, le souffle (le neshamah) de Shaddaï m’anime.
Tout ceci combiné à l’idée d’un Dieu Elohim créateur d’ordre dans la nature à partir du Tohu-Bohu chaotique initial (Genèse 1:1-2)…
Selon moi c’est suffisant pour obtenir une traduction de Shaddaï par « Puissant ».
>>>>> Par ailleurs, le rédacteur de Job, hébreu, et non grec, introduit dans la transition qui va vers la guérison de Job une confession de foi qui explicite une croyance en la toute-puissance de Dieu :
Job 42:1-2
Segond 21
Job répondit à YeHouWah (l’Eternel):
Je reconnais que tu peux tout, Et que rien ne s’oppose à tes pensées.
Louis Segond 1910
Je reconnais que tout est possible pour toi et que rien ne peut s’opposer à tes projets.
Nouvelle Bible Segond :
Je sais que tu peux tout, et qu’aucune pensée ne t’échappe.
TOB 1988 :
Je sais que tu peux tout, et qu’aucun projet n’échappe à tes prises.
TOB 2010 :
Je sais que tu peux tout, et qu’aucune pensée ne t’échappe.
D’où peut-être une idée de Toute-Puissance.
Cordialement,