Marc Pernot le 28 janvier 2025
Prédication

Jésus enseignait avec « exousia » (autorité ?) (Marc 1:21-28)

Qu’est-ce que Jésus a de spécial par rapport aux autres rabbis et rebouteux ? Il parle avec « exousia », c’est à dire avec liberté et il libère ses auditeurs, les faisans vivre par l’Esprit, pour l’amour…

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

pasteur Marc Pernot

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

texte de la prédication à imprimer

Homélie (message biblique donné au cours de la messe)
à la chapelle catholique de Vandœuvres, le dimanche 28 janvier 2024,
par : pasteur Marc Pernot

Qu’est-ce que Jésus a de spécial ? L’exousia !

Dans ce premier chapitre, l’Évangile selon Marc s’attache à montrer ce que Jésus a de spécial. Certains le comparent à un de ces multiples rabbis et théologiens qui sillonnaient Israël en cette période. C’est vrai que c’est ainsi que Jésus apparaît de premier abord, un rabbi qui soigne aussi, un petit peu comme les rebouteux du Valais.

Or, être Christ, par définition de la fonction, c’est être la personne qui change tout dans l’histoire du monde, portant le salut de Dieu aux humains. C’est à un autre niveau qu’un théologien et un guérisseur.

Qu’est-ce que Jésus a d’exceptionnel ? Marc nous dit à deux ou trois reprises dans ce passage que Jésus enseigne « avec autorité » (1:22 ; 1:27 ; 2:10) et avec « nouveauté » (1:27). Il est très surprenant que Marc mette ainsi en avant « l’autorité » de Jésus comme étant sa principale caractéristique. Ce n’est pas très agréable à entendre, et ce n’est pas le genre de Jésus ! Il n’est pas autoritariste du tout. Alors comment entendre cette caractéristique de Jésus « d’enseigner avec autorité » ?

  • Est que cela signifierait que quand Jésus parle, l’auditoire se soumet ? Ce n’est pas le cas ici, les gens ne se mettent pas au garde-à-vous, ils ne se jettent pas à terre comme devant un Seigneur, ils s’interrogent plutôt. Et plus loin dans le même évangile certaines personnes lui tournent le dos et s’en vont (Marc 6:3-6). À la croix il sera presque tout seul. Quand Jésus parle il ne fait donc pas toujours autorité.
  • Est-ce que cela signifierait que Jésus, par sa parole opère de formidables miracles ? Il en fait mais ce n’est pas ce que met ici en avant Marc, sinon nous n’aurions pas ici le mot grec exousia (ἐξουσία) mais le mot grec dunamis (δύναμιϛ) qui exprime l’efficacité, la puissance d’agir dans l’Evangile.

Le mot grec exousia est une déclinaison du verbe exeimi (ἔξειμι) qui signifie « être permis », verbe souvent utilisé dans les évangiles, par exemple dans les discussions pour savoir s’il est permis (ἔξειμι) de travailler le jour du Shabbat. L’exousia est une notion essentielle en grec, c’est le droit du citoyen d’Athènes de parler et d’agir.

L’exousia de Jésus, c’est sa liberté d’esprit, liberté d’idées, de paroles, de théologie et de morale, liberté d’action, liberté de chemin. C’est pourquoi son enseignement est aussi caractérisé de « nouveau ». On parle aussi de bonne nouvelle, de nouvelle alliance avec Dieu. Jésus parle en auteur, en prophète, et non en scribe. En Jésus, il y a cette exousia, cette liberté, et il libère l’humain, portant cette exousia à chacun, ressuscitant la personne là où elle est atteinte, la libérant de ce qui lui pourrit la vie.

Ce texte parle de la façon particulière que Jésus a d’enseigner. C’est curieux car Marc ne nous rapporte pas le contenu de ce qu’il a dit alors afin de mieux attirer l’attention sur sa façon d’enseigner et ses effets : son exousia, sa nouveauté, sa liberté. Sa parole n’est pas un simple commentaire des écritures anciennes, c’est une parole authentique et sincère, venant de sa propre interaction avec Dieu et avec la personne qu’il a en face de lui. En entendant Jésus prêcher, ce que retient Marc ici ce n’est pas de dire « oh comme c’est joli », « oh comme c’est touchant », ni « oh comme c’est intéressant »ou « oh comme c’est la vérité ». Ce qui est remarquable c’est son exousia : c’est touchant de liberté, d’authenticité, de sincérité, de créativité. Et tout de suite, le récit de Marc montre que Jésus n’est pas seulement libre, mais qu’il est libérant. Sans transition, le texte ajoute un « et aussitôt » qui fait le lien entre l’annonce que Jésus enseigne avec exousia et cet épisode où Jésus va libérer un homme de son « esprit impur », avant de conclure que Jésus enseignait avec nouveauté et exousia.

L’effet de l’enseignement de Jésus

L’enseignement de Jésus était comparé à celui des scribes, dans ce court récit de miracle qui est inséré au milieu nous retrouvons à la fois l’enseignement du genre scribe et ce que produit l’enseignement de Jésus.

Il y a d’un côté l’« esprit impur » qui enseigne des vérités profondes, parfaitement exactes du point de vue de la théologie : Jésus est effectivement la personne Sainte choisie par de Dieu. Et l’esprit décrit bien ce que Jésus vient faire : soigner l’humain, éliminer les esprits impurs (ces esprits ne sont pas des créatures invisibles, c’est tout ce qui pourrit la vie des hommes et des femmes, nous avons chacun des choses qui nous troublent et nous empêchent d’avancer, de vivre et d’être heureux).

Quel effet produit ici l’enseignement de Jésus ?

Le premier effet est que tout le monde ici se pose des questions : l’esprit impur s’interroge, puis les personnes présentes s’interrogent. Jésus est source de questionnement. Or, se poser des questions c’est extrêmement libérant, ça ouvre un chemin de sincérité en nous et devant nos pas. Alors que les réponses toutes faites bloquent la pensée et la discussion. Jésus passe son temps à susciter des questions : par ses paroles, par ses actes et avec ses paraboles.

À ce propos, ce que dit très justement l’esprit impur est intéressant, il annonce « tu es venu pour nous perdre ». Pour quoi « nous », puisque c’est un petit esprit impur qui parle ? Ce qui infestait l’homme, c’est un « nous » trop oppressif qui l’empêchait d’être lui-même authentiquement. L’homme se pensait en « nous », pas en « je ». C’est un peu l’histoire de la ville et de la tour de Babel, où tous les habitants avaient une seule pensée, une seule bouche (Genèse 11) : ça ne va pas, et Dieu va intervenir pour les différentier. Ce que le Christ propose : c’est l’amour entre prochains, ce qui suppose d’être à la fois des individus particuliers ; unis par des liens d’attention bienveillante. Christ en s’adressant à l’homme, en lui faisant se poser des questions vient torpiller le « nous » de cette communauté endoctrinée par les scribes, avec une uniformité de doctrines et de pratiques, de morales, de commandements écrasant la personne, sa sincérité, sa propre exousia. L’esprit impur résiste, il a peur de voir disparaître ce « nous » si rassurant.

Libéré du « nous » pour être un « je » et aimer

Jésus libère l’homme de cet enfermement. C’est pourquoi Marc ne nous donne pas ici le contenu de ce qu’a dit ici Jésus, mais seulement sa façon d’enseigner et l’effet produit sur ceux qui écoutent : l’exousia, la liberté de penser par soi-même de façon authentique. Ce que Jésus offre à l’homme libéré ce n’est pas une nouvelle loi par rapport à celle des scribes, car cela le ferait passer d’un système totalitaire ancien à un nouveau, d’un « nous » à un autre « nous » qui, à chaque fois ne supporte pas les autres qui ne sont pas « nous ».

La façon dont Jésus parle et agit est nouvelle et en ce qu’il casse cette logique de l’écrasement de l’individu. La résurrection c’est littéralement de se lever, de s’éveiller, c’est ce qu’apporte le Christ à chacun : une nouvelle façon d’être fondée sur l’amour, laissant chacun être authentiquement soi-même, debout, et capable d’avancer (en se questionnant), et de libérer les autres.

C’est notre vision de l’unité des chrétiens et du monde humain. Faire la paix en devenant plus authentiquement nous-même, tout en respectant la personne qu’est l’autre, prenant soucis de cette personne comme le fait ici Jésus. Il ouvre l’homme à l’exousia, avec le droit de s’interroger, le droit de penser, de parler et d’agir par lui-même. C’est ce que l’homme fait quand, entendant Jésus parler sans doute de façon si personnelle et sincère (avec tant d’exousia), l’homme prend courage, se lève seul au milieu du groupe et interpelle Jésus. Pour nous, son cri est notre prière à Dieu. L’homme s’adresse à Jésus, il lui crie à la fois son espérance et sa peur. Il sort déjà de ce « nous » rassurant des disciples des scribes, et en même temps il meurt de trouille d’en être privé.

Comment a-t-il trouvé ce courage de devenir lui-même, libéré pour aimer Dieu en l’écoutant personnellement, et libéré pour aimer son prochain, en respectant la personne singulière qu’il est aussi ? C’est ce que raconte la suite de l’Évangile : ce sera l’objet de tout le ministère du Christ, conduisant à la Pentecôte, au don de l’Esprit à chaque personne.

Amen

pasteur Marc Pernot

Texte de la Bible

Évangile de Jésus-Christ selon Saint Marc 1:21-28

Jésus et ses disciples entrèrent à Capharnaüm.

Aussitôt, le jour du sabbat, il se rendit à la synagogue, et là, il enseignait.

On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme les scribes.

Or, il y avait dans leur synagogue un homme tourmenté par un esprit impur, qui se mit à crier :

« Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ?
Es-tu venu pour nous perdre ?
Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. »

Jésus l’interpella vivement :
« Tais-toi ! Sors de cet homme. »

L’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui.

Ils furent tous frappés de stupeur et se demandaient entre eux : « Qu’est-ce que cela veut dire ?

Voilà un enseignement nouveau, donné avec autorité !

Il commande même aux esprits impurs, et ils lui obéissent. »

Sa renommée se répandit aussitôt partout, dans toute la région de la Galilée.

(Traduction liturgique de la Bible)

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2 Commentaires

  1. Gabriel dit :

    J’ai bien aimé cette prédication, mais ai envie de prendre La Défense du nous » par rapport au « je ». Nous autres protestants avons trop souvent à négliger le rôle de la communauté, de la paroisse, de l’Église, par rapport à une foi purement personnelle et individuelle. Il fait tenir les deux !

    1. Marc Pernot dit :

      Merci, Gabriel, pour ce compliment : j’ai bien aimé cette prédication mais je ne suis pas d’accord. C’est excellent.

      A mon avis, oui, la foi est essentiellement individuelle, elle est un « Je », un sujet qui cherche Dieu, qui est mis debout par Dieu, qui est en relation avec Dieu.

      Mais oui, la communauté à une place en amont de la foi de la personne : aurions nous cette confiance en Dieu si Christ n’était pas manifesté d’une telle façon la grâce, si personne ne nous avais transmis ce trésor, les générations, les églises, l’éducation ?

      Et les autres à l’extérieur, pas seulement la communauté, a toute sa place dans les fruits de la foi, selon la sensibilité et l vocation de chacun.

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