des secouristes de la protection civile viennet au secours d
Bible

La foi serait-elle une condition pour être gracié ? Certains textes bibliques le laissent penser. Qu’en penses-tu ?

Par : pasteur Marc Pernot

des secouristes de la protection civile viennet au secours d'un blessé - Photo de Michel E sur https://unsplash.com/fr/photos/AJg2LLKIwJQ

Question d’un collègue sympa :

Cher Marc,

Je viens ce jour avec une question simple dont la réponse me semble délicate, et je voudrais avoir ton avis car j’apprécie le travail pastoral que tu fais avec « jecherchedieu ». La question est la suivante : En annonçant la grâce de Dieu comme bonne nouvelle, nous précisons en général que la grâce est reçue au moyen de la foi. « Sola Fide » dit la Réforme en même temps que « Sola Gratia », et « C’est par grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi » dit Paul. Mais alors comment ne pas tomber dans le travers qui consisterait à faire de la foi une sorte d’œuvre. Il y a tant de personnes qui n’arrivent pas à croire, et qui se sentent loin de Dieu par le seul fait qu’elles ne croient pas. La foi serait-elle une condition pour être gracié ? Certains textes bibliques le laissent penser. Qu’en penses-tu ? Merci d’avance pour ta réponse.

Bien fraternellement,

Réponse d’un pasteur :

Cher collègue

Il me semble qu’il y a eu malheureusement une méprise, parfois fort entretenue, sur ce qu’est le salut.

Dans le salut de la personne, la question n’est absolument pas d’être gracié, d’obtenir l’effacement de la part sombre de notre dossier, et d’avoir ainsi gagné le droit d’entrée dans la vie future. Cela : c’est bien plus de la théologie égyptienne (avec la pesée des âmes ou plutôt du cœur du candidat qui a intérêt à être trouvé plus léger qu’une plume), on trouve cela aussi dans la religion grecque orphique, où il faudrait avoir la bonne incantation permettant d’implorer la clémence du portier). Or, comme tu le dis, cette question est donnée par grâce, et par grâce seule : c’est à dire que c’est un don de Dieu. Ce n’est pas très compliqué : j’ai vu bien des pères ou surtout des mères allant visiter leur enfant, plus souvent leur fils, en prison : bien que ses crimes parfois épouvantables ait désolé le cœur de la mère et couvert de honte et d’opprobre la famille entière, il n’est pas rare que la mère dise : c’est mon fils et je l’aime quand même, malgré ce qu’il a fait, elle dit cela sous un ton d’excuse, comme assumant une part de honte pour elle-même. si une mère peut souvent faire cela, Dieu peut le faire sans problème et ans ombre. C’est d’ailleurs ce que manifeste le geste de Jésus qui accepte d’aller au bout du bout de son ministère en assumant devant les autorités et prenant le risque d’être trucidé (ce qui va arriver, hélas). Ce geste est un geste manifestant son amour pour les humains même pécheurs, et en cela Jésus manifeste aussi cette grâce de Dieu aimant les pécheurs. Il manifeste ainsi que la question n’est absolument pas et n’a jamais été que Dieu pourrait ne pas pardonner. La Bible hébraïque connaissait déjà le pardon gratuit de Dieu, sa compassion pour les pécheurs. Donc, d’accord avec toi, la foi ou non de la personne n’a absolument rien à voir avec cela.

La question du salut est plutôt de recevoir les bons soins de Dieu. Le péché est un problème car il engendre de la souffrance en ce monde : pour celui qui le fait et aussi pour ses victimes, parfois.

  • Il y a donc un travail à effectuer pour réparer le monde, tout particulièrement les victimes. Le fait que Dieu ne garde pas rancune au coupable ne doit pas faire oublier cela, bien sûr.
  • Et il y a un soin à apporter pour le pêcheur. Car son péché est un symptôme qu’il a un problème. Et là aussi ce n’est pas une question de pardon, ce serait comme si le médecin disait : je vous pardonne d’avoir la fièvre, allez en paix : ce serait irresponsable. Bien sûr que le médecin pardonne à la personne malade sa fièvre, ce n’est pas et n’a jamais été la question. Mais la question est de lui dispenser de bons soins afin qu ela personne aille mieux. Que ce qui était faible puisse se renforcer, l’infection puisse être jugulée, la tumeur opérée et enlevée. Je suis persuadé que Dieu y travaille de toute façon en faveur de chaque personne, c’est la nature même de Dieu, si je puis dire, en tout cas c’est son habitus. Mais c’est là que la foi de la personne est extrêmement utile. Car ce n’est pas un os cassé ou un organe qu’il s’agit de réparer, il s’agit d’une personnalité à fair évoluer, de convictions à élaborer, de peurs à éliminer, de blessures à l’âme qu’il faut aider à cicatriser, d’endormissement à éveiller… et l’on ne peut pas, même Dieu ne peut pas, forcer une personne à aimer la vie, aimer les autres, aimer faire du bien, ni à s’aimer soi-même, à espérer.

Donc oui, sans la foi : pas facile pour Dieu de nous aider à évoluer de façon positive et vivre un petit peu plus de cette qualité d’être extraordinaire dont nous sommes en réalité capables.

Mais par foi, la question n’est pas une question de confession de foi, de cultes, de générosité, de prières. Mais d’aimer, de prendre soucis et de prendre soin de l’essentiel qui est la vie, qui est l’épanouissement de chaque personne. C’est ce que dit Paul dans l’hymne à l’amour (1 Corinthiens 13) et c’est ce que dit Jean dans sa première lettre « Quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu » : il est bien question de naître de Dieu, c’ets une dimension supplémentaire dans la personne. La question est là, pas dans le fait de changer Dieu pour qu’il nous laisse entrer.

Donc la foi, comme très essentielle, oui, la foi au sens de se laisser soigner par Dieu, se laisser engendrer par Dieu. Mais comment avoir la foi, comment grandir, élargir notre foi ? C’est là que sont utiles ce que relativise Paul dans 1 Corinthiens 13 et que nous essayons de proposer ardemment aux personnes que nous rencontrons, afin de se laisser soigner à leur façon par Dieu, par ce Dieu que nous connaissons si peu mais dont nous percevons combien il nous est bienfaisant : cela aide d’exercer notre piété (comme le dit Paul), de nourrir notre foi début de foi, ou de désir d’avoir la foi, de nous exercer à une prière sincère et intime, à réfléchir en quoi nous croyons. En particulier par cet exercice irremplaçable, à mon avis, qui consiste à sortir de chez soi pour aller au culte, faire ainsi un pas de côté dans sa vie, faire corps un moment avec d’autres, prendre ce temps unique pour renouer avec Dieu.

Mais pourquoi (pourquoi diable, allais-je dire) nous a-t-on si largement vendu un salut synonyme d’absolution de nos immenses et innombrables péchés ? C’est à mon avis une pédagogie maladroite, un raccourci : entre pratiquer sa religion et être sauvé. Comme je viens de le dire, c’est vrai que cela nous aide d’exercer notre foi d’une certaine manière, cela aide Dieu à prendre soin de nous. Mais le problème dans ce raccourci est de mettre en avant une sorte de chantage, une menace divine : Dieu pourrait nous abandonner à la mort éternelle avec pour excuse : c’est son choix. De ce Dieu on ne s’approche pas le cœur ouvert mais avec la boule au ventre. C’est l’incverse d’un évangile, c’est un « dysangile » comme le dirait peut-être Frédéric Nietsche, ce n’est pas la bonne nouvelle de la grâce de Dieu, mais un avertissement sous peine de mort. Pas sympa, et nocif.

Bien fraternellement

Marc

par : pasteur Marc Pernot

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Un commentaire

  1. André dit :

    Merci de ce commentaire pertinent.
    Toutefois, une chose m’interroge: on parle des gens qui « souffrent de ne pas croire ».
    Mais la véritable question a leur poser, dans notre monde occidental, c’est « mais en quoi ne croyez vous pas », et il faut creuser ce « quoi »
    Et on s’apercevra souvent que ce en quoi ils ne peuvent croire, c’est la représentation de Dieu en majesté sur son trône et qui juge, encore plus il ne peuvent pas croire le discours des « religieux » dont les actes sont aux antipodes de ce qu’ils prèchent « au nom de Dieu » quand ils ne s’affirment pas représentant exclusifs de Dieu sur terre.
    Et je pense, qu’une foi débarrassés de ces fausses images mentales, ces personnes se rendront compte que justement ils croient en cet « éternel non anthropomorphique » que nous ne pouvons ni voir, ni décrire et que nous appelons Dieu.

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