professeur Christophe Chalamet au temple de Vandœuvres le 27 octobre 2024
Prédication

« Nous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé ! » (Jérémie 32:1-15 ; Matthieu 11:7-19) ou « Espérer contre toute espérance » (Romains 4:18)

L’espérance chrétienne est une espérance contre toute espérance. Elle est une espérance à temps et peut-être surtout à contre-temps, elle est une belle espérance, au milieu des larmes…

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

professeur Christophe Chalamet

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

texte de la prédication à imprimer

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche le dimanche 27 octobre 2024,
par : pasteur Marc Pernot

Prédication

Jérémie, le prophète du Seigneur, est en résidence surveillée sur ordre du roi de Juda, Sédécias. Sédécias n’a pas apprécié l’appel du prophète, qui démoralise le peuple et les troupes en leur enjoignant, au nom du Seigneur, de ne pas résister à l’envahisseur.

Et voilà qu’un cousin, Hanaméel, vient trouver Jérémie pour lui demander d’acquérir un terrain dans son village natal d’Anatoth, à une dizaine de kilomètres de Jérusalem.

Quelle idée d’acheter un terrain alors que l’envahisseur est là, qu’il vient d’assiéger Jérusalem et que, après une brève accalmie, le siège va à coup sûr reprendre de plus belle !

Nous sommes en 588 avant notre ère, et une grande catastrophe s’abat sur Juda : les babyloniens sont là, leur force militaire est incomparablement plus grande que les troupes judéennes. Ce sera l’exil à Babylone, pour les élites judéennes.

Mais voilà, le cousin du prophète Jérémie invoque un devoir : lorsqu’une famille, en raison d’une disette ou d’une dette à payer, risque de perdre un lopin de terre, un proche parent a le droit, plus que le droit il a le devoir d’acheter ce terrain, afin que le terrain en question reste dans la famille. Lv 25,25 dit en effet : « Si ton frère a des dettes et doit vendre une part de sa propriété, celui qui a droit de rachat, c’est-à-dire son plus proche parent, viendra racheter ce que son frère a vendu. » C’est là la procédure « standard », qui consiste également en ceci : « prends ces documents, le contrat de vente scellé que voici et le document ouvert que voilà, et place-les dans un récipient de terre cuite pour qu’ils se conservent longtemps. » Ce qui fut fait également, avec des documents autrement plus importants, dans des grottes à Qumran…

Jérémie voit dans la demande de son cousin l’occasion de poser un signe, qui sera encore plus parlant que ses messages prophétiques. On sait bien que certains gestes parlent de manière plus forte que certaines paroles (cf. le bel ouvrage de Henry Mottu, Le geste prophétique) : pensez à ces centaines de personnes qui ont marché à Selma au printemps 1965 et aux images que tout un pays, et le monde entier, a vues à ce moment-là. Pensez à Willy Brandt, le chancelier allemand, qui se met à genoux devant le mémorial du ghetto de Varsovie en décembre 1970. Eh bien le prophète Jérémie, lui qui a annoncé la catastrophe de la défaite et de l’exil prochains, voit dans l’achat de ce terrain l’occasion d’exprimer son espérance : « En effet, ainsi parle le SEIGNEUR le tout-puissant, le Dieu d’Israël : Dans ce pays, on achètera encore des maisons, des champs et des vergers. »

Car le message du prophète est un message qui comporte deux versants : il y a l’annonce du jugement, et puis il y a l’annonce d’un avenir. Imaginez comment ces parole peuvent – ou non – résonner à Khan Younès ou dans telle autre ville de la bande de Gaza aujourd’hui…

Le message du livre de Jérémie est résumé par une liste de six verbes au début du livre (1,9-10) : « Le SEIGNEUR, avançant la main, toucha ma bouche, et le SEIGNEUR me dit: ‘Ainsi je mets mes paroles dans ta bouche. 10 Sache que je te donne aujourd’hui autorité sur les nations et sur les royaumes, pour déraciner et renverser, pour ruiner et démolir, pour bâtir et planter.’ » La liste des six verbes, dans la séquence proposée, est éloquente : « déraciner et renverser, ruiner et démolir, bâtir et planter. »

L’achat du terrain alors que le pays est en train de tomber aux mains de Nabuchodonosor et de ses troupes est un signe qui exprime les deux derniers verbes de la liste : « bâtir et planter ».

On peut parler d’une espérance « à contre-temps », alors que tout s’écroule. On peut parler, comme le fait l’apôtre Paul (Rm 4,18), d’une espérance « contre toute espérance ».

Cet acte de Jérémie, anodin à bien des égards, est en fait un acte « prophétique » en ce qu’il apporte un autre regard sur les événements présents. Au beau milieu de la catastrophe, d’une fin, le prophète est chargé par Dieu d’exprimer la promesse d’un avenir : « ainsi parle le SEIGNEUR le tout-puissant, le Dieu d’Israël : Dans ce pays, on achètera encore des maisons, des champs et des vergers. » La vie reprendra. Non pas de manière « naturelle » comme chaque printemps, mais en raison d’une promesse qui vient de Dieu et à laquelle Dieu même va se tenir.

Quant au texte de Matthieu, il est bien compliqué, les commentaires exégétiques du passage relèvent tout une série de difficultés.

Nous pouvons relever que Jésus, comme Jérémie 6 siècles plus tôt, fait face à une opposition. Ce qu’il fait, ce qu’il dit, n’est pas accueilli favorablement, c’est le moins que l’on puisse dire. Et le passage est la première évocation de la réponse de Jésus à ce refus, à ce rejet de la part du peuple et surtout des autorités religieuses, qui sont désignés par l’expression « cette génération ». Nous nous trouvons avec ce passage dans un contexte de forte tension. Mais quiconque connaît l’histoire des prophètes d’Israël sait que le refus est la réponse habituelle à l’envoi de ces messagers. Jésus, à cet égard, est un prophète comme bien d’autres avant lui.

Il n’en va pas autrement pour Jean le Baptiste, qui est présenté par le NT comme le « précurseur » de Jésus, mais qui l’a été aussi par sa souffrance et sa mise à mort.

Ce pourrait être le sens d’un passage qui dit (selon une traduction possible de Mt 11,12) :

Mt 11,12 (trad. dans le récent commentaire de Matthias Konradt : « depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des cieux subit la violence, et des violents le dérobent ») : de quelle violence est-il question ici ? Cela pourrait être une allusion à la mort brutale de Jean le Baptiste mais aussi de Jésus. « Des violents dérobent le Royaume des ceux » ; même verbe que dans la parabole du semeur, où il est dit que « le Mauvais vient dérober ce qui a été semé dans le cœur »)

Ici, nous ne voyons pas un message qui comporte une part de jugement, d’un côté, et de l’autre une part de promesse, comme chez Jérémie, dans la séquence de verbes que nous venons de voir.

Nous sont présentés deux messages radicalement différents, symbolisés par des jeux que jouent les enfants, qui miment une cérémonie de deuil ou une cérémonie de mariage.

Jean le Baptiste a prononcé un message d’austérité et d’ascétisme, « un chant funèbre », mais le peuple ne s’est pas frappé la poitrine. Puis Jésus est venu avec son message de libération et de joie, mais on l’a pris pour un glouton, un ivrogne, un fêtard ; pas un fêtard comme les autres, mais un fêtard qui en plus fait la fête avec des pécheurs, avec des prostituées, des collecteurs d’impôt donc des collabos de l’occupant romain !

Le passage de Matthieu met en évidence « le caractère arbitraire et absurde de l’opposition manifestée par les autorités (juives de l’époque) ; il s’agit pour ces autorités de rejeter pour rejeter : quelle qu’elle soit, triste ou joyeuse, ‘la musique’ qui sera ‘jouée’ ne leur plaira jamais. »

Que dire de tout cela pour nous aujourd’hui ?

Je pourrais parler du message sombre, funeste, de Trump et de la campagne joyeuse de Mme Harris, mais je ne suis pas certain que la chaire du temple de Vandoeuvres soit le lieu adéquat pour cela !

Le message de Jésus de Nazareth est en effet un message de libération et de joie ; c’est un « bon message » ; eu-angelion.

Est-ce à dire que nous devons toutes et tous vivre dans la joie à tout moment ? Cet appel insensé, nous le trouvons dans l’épître aux Philippiens… « Réjouissez-vous dans le Seigneur en tout temps ; je le répète, réjouissez-vous. » (Ph 4,4).

Mais il faut s’entendre, car un malentendu est possible à ce sujet, comme s’il s’agissait d’être tout le temps guilleret, ce qui est proprement inhumain.

Peut-être vaut-il mieux esquisser les choses de la manière suivante :

Nous sommes les disciples non pas de Jean le Baptiste, mais de Jésus de Nazareth. C’est bien un message de joie, de vie, qui nous porte et que nous sommes invités à porter.

Mais ce message connaît aussi les larmes : la foi chrétienne est une foi pascale, qui connaît non seulement le Dimanche de Pâques et la Pentecôte, mais aussi Vendredi Saint, non seulement le Vendredi Saint de Jésus, mais le Vendredi Saint de tant de crucifiées et de crucifiés de notre monde aujourd’hui, y compris à Khan Younès.

Nous sommes invités à tenir ensemble la lamentation et l’espérance, plutôt que de choisir entre l’une ou l’autre.

Et nous sommes invités, cela dit, à nous souvenir de la séquence des verbes dans le récit de vocation du prophète Jérémie, comme aussi de la séquence des événements de Pâques : il y a une direction, un sens, dans ces verbes, dans ces événements, ne l’oublions jamais – cela peut faire partie de l’espérance à laquelle nous nous tenons, de l’espérance qui nous tient – malgré tout. L’espérance chrétienne est une espérance contre toute espérance. Elle est une espérance à temps et peut-être surtout à contre-temps, elle est une belle espérance, au milieu des larmes.

Amen !

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Jérémie 32,1-15

La parole qui s’adressa à Jérémie de la part du SEIGNEUR en la dixième année de Sédécias, roi de Juda — c’était la dix-huitième année de Nabuchodonosor. 2 A ce moment-là, les troupes du roi de Babylone assiégeaient Jérusalem, alors que le prophète Jérémie était enfermé dans la cour de garde, au palais du roi de Juda. 3 Sédécias, roi de Juda, l’y avait enfermé, lui reprochant : « Pourquoi profères-tu ces oracles : “Voici ce que dit le SEIGNEUR : Je vais livrer cette ville au pouvoir du roi de Babylone ; il s’en emparera ; 4 Sédécias, roi de Juda, n’échappera pas aux forces chaldéennes, mais il sera bel et bien livré au pouvoir du roi de Babylone, à qui il parlera sans intermédiaire et qu’il verra de ses propres yeux ; 5 le vainqueur conduira Sédécias à Babylone ; c’est là qu’il séjournera jusqu’à ce que je m’occupe de lui — oracle du SEIGNEUR ; si vous essayez de résister aux Chaldéens, vous n’aboutirez à rien” ? » 6 Voici le récit de Jérémie. La parole du SEIGNEUR s’adressa à moi en ces termes : 7 « Le fils de ton oncle Shalloum, Hanaméel, viendra te dire : “Achète mon champ qui se trouve à Anatoth, car c’est à toi qu’il appartient de l’acquérir en vertu du droit de rachat.” » 8 Comme le SEIGNEUR l’avait annoncé, Hanaméel, le fils de mon oncle, vint vers moi dans la cour de garde pour me dire : « Achète mon champ qui se trouve à Anatoth, dans le pays de Benjamin, car le droit à la succession te revient, de même que le droit de rachat ; fais donc cette acquisition. » Alors je compris qu’il s’agissait de la parole du SEIGNEUR. 9 J’achetai donc ce champ à Hanaméel, fils de mon oncle — le champ qui se trouvait à Anatoth — et je lui pesai l’argent : dix-sept sicles d’argent. 10 Je rédigeai un contrat sur lequel je mis mon sceau, en présence des témoins que j’avais convoqués, et je pesai l’argent sur une balance. 11 Je pris le contrat de vente, l’exemplaire scellé — les prescriptions et les règlements ! — et l’exemplaire ouvert, 12 et je remis le contrat de vente à Baruch, fils de Nériya, fils de Mahséya, en présence de Hanaméel, fils de mon oncle, en présence des témoins qui avaient signé le contrat de vente et en présence de tous les Judéens qui étaient là dans la cour de garde. 13 En leur présence, je donnai cet ordre à Baruch : 14 « — Ainsi parle le SEIGNEUR le tout-puissant, le Dieu d’Israël — prends ces documents, le contrat de vente scellé que voici et le document ouvert que voilà, et place-les dans un récipient de terre cuite pour qu’ils se conservent longtemps. 15 En effet, ainsi parle le SEIGNEUR le tout-puissant, le Dieu d’Israël : Dans ce pays, on achètera encore des maisons, des champs et des vergers. »

Matthieu 11,7-19

Comme ils s’en allaient, Jésus se mit à parler de Jean aux foules : « Qu’êtes-vous allés regarder au désert ? Un roseau secoué par le vent ? 8 Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d’habits élégants ? Mais ceux qui portent des habits élégants sont dans les demeures des rois. 9 Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le déclare, et plus qu’un prophète. 10 C’est celui dont il est écrit : Voici, j’envoie mon messager en avant de toi ; il préparera ton chemin devant toi. 11 En vérité, je vous le déclare, parmi ceux qui sont nés d’une femme, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui. 12 Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des cieux est assailli avec violence ; ce sont des violents qui l’arrachent. 13 Tous les prophètes en effet, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean. 14 C’est lui, si vous voulez bien comprendre, l’Elie qui doit revenir. 15 Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! 16 A qui vais-je comparer cette génération ? Elle est comparable à des enfants assis sur les places, qui en interpellent d’autres : 17 “Nous vous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé ! Nous avons entonné un chant funèbre, et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine ! ” 18 « En effet, Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et l’on dit : “Il a perdu la tête.” 19 Le Fils de l’homme est venu, il mange, il boit, et l’on dit : “Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs ! ” Mais la Sagesse a été reconnue juste d’après ses oeuvres. »

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