Noël : Le salut a la nature d’un enfant (Paul Tillich)
Pour Jésus, pour les apôtres, le Royaume de Dieu, le salut universel, est à portée de la main. Si telle fut leur attente, n’est-elle pas complètement démentie par la réalité ? …
Il y a quelque chose de surprenant et d’inattendu dans l’apparition du salut, quelque chose qui contredit les opinions pieuses et les exigences intellectuelles. Le mystère du salut est le mystère d’un enfant. C’est ainsi qu’il a été préfiguré par Ésaïe, par la vision extatique de la Sibylle, par la vision poétique de Virgile, par les religions à mystères et par les rites de ceux qui célébraient la naissance du nouvel éon. Tous pressentaient, comme les premiers chrétiens, que l’événement du salut, c’est la naissance d’un enfant. Un enfant est réel et n’est pas encore réel. Il est dans l’histoire, sans encore être historique. Sa nature est visible et invisible. Il est là et il n’est pas encore là. Telle est exactement la caractéristique du salut. Le salut a la nature d’un enfant.
Ainsi que la chrétienté le rappelle chaque année dans la plus émouvante de ses fêtes, célébrant la naissance de l’enfant Jésus : le salut, si visible qu’il soit, demeure aussi invisible. Celui qui désire voir un salut seulement visible ne peut voir l’enfant divin de la crèche, comme il ne peut voir l’homme sur la croix et le cheminement paradoxal de l’action divine. Le salut est un enfant. Lorsqu’il grandit, il est crucifié. Seul celui qui peut voir la puissance sous la faiblesse, le tout sous la partie, la victoire sous la défaite, la gloire sous la souffrance, l’innocence sous la faute, la sainteté sous le péché, la vie sous la mort, celui-là seul peut dire : « Mes yeux ont vu ton salut. »
Il est difficile de le dire de nos jours. Il en a toujours été ainsi et il en sera toujours ainsi. C’était, c’est et ce sera un mystère, le mystère d’un enfant. Aussi bas que puisse tomber le monde, même s’il va jusqu’à l’autodestruction, aussi longtemps qu’il y aura des humains, ils feront l’expérience de ce mystère et diront : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! »
Paul Tillich
(un des plus grands théologiens du XXe siècle)
Dans « The New Being »,
Prédication « Le Messie est-il venu ? » portant sur les textes de l’évangile suivant :
Luc 2:25-32
Il y avait à Jérusalem un homme du nom de Syméon. Cet homme était juste et pieux ; il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit saint était sur lui. 26Il avait été divinement averti, par l’Esprit saint, qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. 27Il vint au temple, poussé par l’Esprit. Et, comme les parents apportaient l’enfant Jésus pour accomplir à son égard ce qui était en usage d’après la loi, 28il le prit dans ses bras, bénit Dieu et dit :
29Maintenant, Maître, tu laisses ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole. 30Car mes yeux ont vu ton salut, 31celui que tu as préparé devant tous les peuples, 32lumière pour la révélation aux nations et gloire de ton peuple, Israël.
Luc 10:23-24
Jésus, 23Se tournant vers les disciples, leur dit en privé : Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! 24Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que, vous, vous regardez, et ils ne l’ont pas vu ; ils ont voulu entendre ce que vous entendez, et ils ne l’ont pas entendu.
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Petite remarque : le livre existe aussi en français sous le titre Le Nouvel Être.
C’est vrai, merci Pacale, Labor et Fidès a fait une réédition (que je n’ai pas) sous un autre titre. J’ai pris la citation sur l’ancienne édition.