Question sur la Théodicée, la Création et le Mal
Bonsoir cher Monsieur,
J’ai entre les mains votre prédication intitulée « Théodicée » (lequel m’a été remis par l’un de vos fidèles paroissiens). Ainsi donc vous avez écrit « l’humain est créé par Dieu avec une capacité à créer, il a donc le pouvoir de faire le bien comme faire le mal ».
Pourquoi la capacité de créer implique elle nécessairement la pouvoir de faire le mal et le bien, et pas simplement le bien (comme Dieu lui même puisque nous avons été créés à son image).
Je vous remercie par avance de votre réponse et me réjouis de vous lire votre prochaine prédication.
Bien à vous,
Réponse du Pasteur : La Liberté Humaine et le pouvoir de l’Amour
Merci pour ce message, pour votre intérêt, votre questionnement. Bravo à cette bonne personne qui vous veut du bien.
Que pourrait-on imaginer pour nous garder dans de bons chemins ? Peut-être une liberté limitée comme des vaches dans leur parc : libres d’aller où elles veulent tant que cela reste dans les limites imposées ? Il y a effectivement des degrés dans la liberté, comme dans bien des domaines. Mais quelle pourrait être la barrière barbelée ou électrifiée qui nous retiendrait de faire le mal avec notre insouciante liberté ? Dieu aurait du mal à nous contraindre par des souffrances comme celle des barbelés ou de la décharge électrique, car, comme vous le dites très justement, Dieu ne peut faire que du bien, il ne peut faire souffrir. Alors peut-être avec une laisse tenue fermement comme quand on promène son chien ? Mais Dieu n’a pas de mains ni de laisse à notre cou, il ne peut nous contraindre ainsi dans notre liberté d’aller à gauche ou à droite. Son moyen d’action est donc par le bien, par un supplément d’être, par l’appel à bien faire, par un amour inspirant, et en nous donnant la capacité à voir clair (le don de la lumière est une image fréquente dans la Bible pour dire une chose que Dieu fait pour nous sauver).
Effectivement, quand nous comprenons enfin le mal que nous ferions en faisant telle ou telle chose, nous ne la ferions pas.
C’est donc de l’intérieur que Dieu cherche à nous faire comprendre le bien, il espère que cela viendra de notre bon fond, de notre joie de faire le bien, du bonheur qu’il y a de donner du bonheur aux autres, d’augmenter la vie et sa beauté, sa richesse.
Si Dieu nous avait dressés à ne faire que le bien, ce serait par la force : une force extérieure comme une punition ou une laisse, ou une force intérieure comme un instinct qui nous programmerait à ne faire que du bien. Ce serait une autre forme de violence, comme la soumission chimique ou la sidération utilisée par des hommes pour soumettre une personne à subir sa volonté.
Alors comment faire ? En nous faisant goûter au bien.
L’Évangile, la Grâce et l’Amour face à la Force
Ce qui compte le plus, je pense, dans l’Évangile du Christ, c’est, me semble-t-il, « la **grâce** », c’est-à-dire le don gratuit, le don libre et motivé par l’**amour**. Si nous y étions contraints par la force, ce ne serait plus l’amour qui nous motiverait dans ce geste, mais ce serait la nécessité. Ce n’est pas du tout la même chose.
Mais, allez-vous me dire, que c’est bien faible comme façon de nous amener à faire le bien et qu’en attendant il y a tant de souffrances ? C’est vrai. Cela peut sembler paradoxal mais c’est l’amour qui est le plus efficace, le plus créateur que la force.
C’est ce qu’a noté Napoléon Bonaparte quand il faisait un bilan de sa vie dans ses mémoires : « Avant même que je sois mort, mon œuvre est détruite ; tandis que le Christ, mort depuis dix-huit siècles, est aussi vivant qu’au moment de son ministère… En quelque endroit du monde que vous alliez, vous trouverez Jésus prêché, aimé, adoré… Je suis encore vivant, et pourtant mes armées m’ont oublié : Alexandre, César, Charlemagne, moi-même, nous avons fondé des empires, mais sur quoi avons-nous fait reposer notre pouvoir ? Sur la force, tandis que Jésus-Christ a fondé son empire sur l’amour, et des milliers d’hommes donneraient joyeusement à cette heure même leur vie pour lui… »
Le Mal est Simple, le Bien est Créateur et Exponentiel (Approche Philosophique)
Scientifiquement, il me semble que c’est vrai aussi. Il existe du mal et de la souffrance engendrée par les humains, c’est vrai. Le mal est même infiniment plus simple et efficace comme action que de faire le bien, ce n’est pas symétrique : n’importe quel imbécile peut tuer une personne, cela ne demande que bien peu de compétences, alors que pour créer une personne humaine relativement bien développée, cela demande des années et des années de soins, d’éducation, d’amour, de moyens et de forces de la part d’une multitude de personnes. Alors comment se fait-il qu’il y ait encore des humains sur terre suite à cet immense déséquilibre du mal par rapport au bien ? C’est que le moindre geste de bonté inspire d’autres actes de bonté, ce qui fait que la croissance du bien est exponentielle, alors que ne serait-ce qu’assister à un crime ou un viol nous font vomir. L’humain, tout humain, je pense, a quand même un bon fond, au fond. Chacune de nos cellules aspire à la vie, notre cœur aspire à aimer et à être aimé, plus qu’à haïr et à être craint. Nous sommes naturellement plus doués pour le bien que pour le mal.
Je dirais donc que Dieu a quand même assez bien fait son boulot en créant l’humain, même si, effectivement, il reste un sacré travail à faire pour que l’humanité soit meilleure, plus développée, plus intelligente. Cela commence par avancer nous-mêmes, grâce à Dieu, et si possible aussi en participant à notre mesure à ce chantier. Nous ne sommes qu’en cours d’évolution, à mi-chemin entre un primate et l’humain accompli, tel que Dieu l’espère (et que nous avons une figure en Christ). Cette évolution passe par le spirituel, fondamentalement par le spirituel, par l’éducation, par l’amour.
Dieu nous bénit et nous accompagne.
Marc Pernot
