Je songe à devenir chrétien, mais je ne songerais pas à cela si j’allais bien, cela me semble être une mauvaise raison.
Question posée :
Bonjour
Je songe à devenir chrétien. Je veux être clair et transparent: je ne songerai pas à cela si j’allais bien. Je cherche une bouée de sauvetage, une ancre, un compagnon de route.
Père de famille, marié, salarié, ma vie ne connaît pas de secousses. Apparemment. Car enfoui en cet homme que je suis, il y a toujours cet enfant ayant vécu dans la violence , des traumatismes aux traces indélébiles dans mon esprit et mon cœur. Il me manque toujours quelque chose intérieurement. Et ni la psychanalyse ni mon entourage n’a permis de soulager ce mal. La nature est pour moi une douce consolation. Et face à elle, je me dis quand même que ce serait pas improbable qu’elle soit l’œuvre d’un créateur. Et si ce créateur peut créer cela, il peut bien m’avoir créé également et donc il peut bien être présent en et parmi nous en quelque sorte.
Mais voilà, mon cheminement est intellectuel, mon désir profond naît d’un mal-être. Quand j’étais enfant et que je jouais au foot ou regardais mes dessins animés, la question de Dieu ne se posait pas car la vie suivait son cours, et je suivais le mouvement,
Comment donc être honnête et constructif dans une démarche qui de base est déséquilibrée. Comment expliquer à mes enfants que « Papa a une foi qui se base sur un mal-être »? Comment croire quand on sait qu’on cherche l’apaisement ? Suivre Jésus, d’accord, c’est un homme inspirant. Mais se dire chrétien, en restant totalement honnête me paraît difficile. Pourtant, je vois que cela pourrait me cadrer. Mais la fin justifie elle les moyens ?
Je connais une personne qui s’est mariée en « cochant les cases » avec son épouse, pour que la relation soit le moins problématique possible. Cela me semble une relation imperméable à la vie, construite sur plan, et j’ai peur de tomber dans cela également.
Je vous remercie de m’avoir lu.
Bonne journée.
Réponse d’un pasteur :
Cher Monsieur
Aimer Dieu d’un amour désintéressé ?
Je répondrais simplement :
Faudrait-il arrêter de boire de l’eau parce que boire répond à notre soif ?
Est-ce qu’il ne faudrait boire que quand on n’a pas soif ? Afin que ce soit pour la pure beauté du geste ?
Il me semble trop négatif d’appeler la soif légitime de l’humain que vous êtes « un mal-être », de trouver que c’est une raison négative.
Oui, la soif est un déséquilibre. Marcher aussi est un processus qui implique un déséquilibre : lever un pied, se déporter légèrement vers l’avant, lancer le pied levé vers l’avant pour recevoir le poids du corps en déséquilibre.
On est ce que l’on est, il y a toujours eu du bon et du mauvais dans notre passé, ainsi que dans notre présent. Tout cela est normal, cela fait partie intégrante de la nature et de nous-même. Et même s’il n’y avait aucun trouble dans notre existence, pas une seule ombre, une vie tranquille et sereine ? Ce serait alors particulièrement le temps d’avoir soif de faire quelque chose de cette abondance, rester comme une plante en pot serait une folie et manquerait la vocation de l’humain qui est d’avancer. Donc même alors il serait sage et bon d’avoir soif, d’oser une part de déséquilibre pour avancer.
Ce n’est pas une raison négative et je ne vois pas de malhonnêteté à se dire que la foi répond à notre soif profonde, qu’elle aide à avancer et à choisir vers quoi nous désirons avancer. Que notre soif soit ressentie suite à ceci ou cela, cette soif est toujours plus vaste, elle est une part essentielle de tout humain par le fait qu’il est en évolution, qu’il a la capacité d’imaginer l’idéal, l’infini, et qu’il a une certaine liberté d’auto-déternination pour choisir d’avancer. C’est une bénédiction et c’est une croix, dans un certain sens. Cela fait la grandeur et la beauté de la vie, et sa difficulté aussi.
Le fait que vous ayez connu des conditions difficiles rend probablement plus aigu à ressentir, mais cela ne change pas la nature de votre condition humaine, ni le fait de ressentir une soif. Vos blessures anciennes ne sont pas le tout de cette soif profonde, elles ne seraient pas là que cette soif existerait, je le pense, je l’espère, à moins d’être complètement à côté de la vie. De cette vie qui se voit tellement bien dans la nature, particulièrement quand elle est en forme, au printemps. Pas seulement quand la nature reprend après une catastrophe.
Avoir soif, chercher la source
Ensuite, à chacun ensuite de trouver à quelle source il désire boire, quels mots mettre sur cette démarche, quels temps et quels exercices mettre en place. Dans le large panel d’options possibles, vous vous intéressez à la foi chrétienne, il me semble que c’est loin d’être un mauvais choix. Pour moi-même c’est même le meilleur, à condition de ne pas se laisser embarquer par n’importe quel mouvement, bien sûr.
« Papa a une foi qui se base sur une soif, soif d’avancer, d’approfondir, de se déployer, soif d’être en forme et d’être heureux, soif de porter quelques bons fruits à ceux qui sont autour de moi »?
Je ne sais pas, mais cela ne me semble pas une honte.
Avoir soif c’est déjà aimer Dieu.
Dieu vous bénit et vous accompagne.
par : pasteur Marc Pernot
Réponse du visiteur :
Un énorme merci pour votre réponse bouleversante Marc.
Cela m’a touché en plein cœur.
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En effet, qu’elle réponse bouleversante! Elle me touche aussi, profondément. Merci Marc, soyez béni.
Bonjour,
Merci beaucoup pour ce partage profond. Si cela peut rassurer votre lecteur, j’ai eu une enfance que je crois globalement très heureuse et pourtant ai rapidement eu cette soif en moi.
Même si mon expérience est différente, je m’interroge parfois « est-ce que je serai si nulle ou si faible au point que j’ai besoin de Dieu / Christ / l’église qui m’aide à lire la Bible, alors que tant de mes proches ne semblent pas en avoir besoin pour vivre bien ? »
Ces derniers temps, aussi avec mon âge qui avance dans la trentaine, je me dis que je devrais leur retourner la question : « mais n’avez-vous pas soif de plus de profondeur ?? » « comment faites vous pour garder un cœur aimant et le courage de vivre pleinement face à la profondeur du mal au cœur de l’humain, depuis les pires atrocités du terrorisme jusqu’aux violences intra-familiales du plus petit au grand degré ? »
Je n’ai pas encore osé!
Avec toute ma gratitude pour votre travail, intelligence et coeur, qui continuent à m’éclairer et affûter mon esprit critique.
Mil mercis pour vos paroles, Morgane, cela peut aider bien des personnes.
Dieu vous bénit et vous accompagne
Bonjour Marc,
Merci pour votre réponse touchante.
Ayant également vécu une enfance traumatique, mon déséquilibre m’a pour ainsi dire jeté dans les bras du Bon Berger qui a assuré la protection de mon cœur et mon âme à travers la tourmente; le cœur de ce petit qui ne connaissait guère que les coups et brimades avait besoin de ressentir l’étreinte et l’amour que lui a donné le Berger.
Je trouve néanmoins touchant le questionnement de votre lecteur et son honnêteté, à mon sens, le Seigneur ne peut qu’honorer cette démarche et combler son auteur de ses bienfaits.
Le goût de Dieu n est pas une compensation aux malheurs….cela m aide à grandir, se hisser “ au cran d au-dessus de moi même , à se déployer…à purger le ténébreux en nous pour choisir un meilleur éclairage de vie …
“ mon regard sur autrui est ma vision de Dieu “ remarque Levinas ! C est une quête réconfortante qui transforme nos regards ….