05 octobre 2024

photo en noir et blanc montrant un soldat armé au combat - Image par Matthias Lipinski de https://pixabay.com/fr/photos/guerre-soldat-militaire-explosion-7563452/
Actualité - opinion

Napoléon reconnaît qu’il s’est trompé en pensant possible de bâtir un empire par la force. Conseil de stratégie utile pour tous les 7 octobre, les 24 février…

« Tu ne tueras pas », « aime ton prochain » ?

Nous avons cette grande chance que cette loi essentielle, fondamentale du « décalogue » (la loi de Moïse) porte aussi clairement ce commandement : « Tu ne tueras pas. » (Deutéronome 5 :17). Deux mots seulement, avec aucune nuance, aucune petite note en bas de page dans le texte pour signifier que cela signifierait « tu ne tueras pas l’innocent ». Non, il y a bien marqué « Tu ne tueras pas. Point« . Certains ont essayé de dire que ces deux mots « tu ne tueras pas » dans ce texte que certains tentent d’édulcorer en « tu ne commettras pas de meurtre » afin de permettre par exemple l’exécution d’un criminel. C’est un petit peu facile. Comme le disent les sages de la Michna à ce propos, « si Dieu a créé un seul homme (Adam), c’est pour t’enseigner que quiconque détruit une seule vie, c’est comme s’il avait détruit le monde entier. » (Sanhédrin 4:5)

Jésus nous a certes libérés de la Loi pour nous placer sous la grâce de Dieu, son amour sans condition, mais il nous appelle à « aimer notre prochain » et même à « aimer notre ennemi » (Matthieu 5:44), le bénir et lui faire du bien, à lui dont le comportement menace même mon existence, afin que cette personne ait plus de chance d’être source de vie et de bien…

Cela peut sembler utopiste, complètement irréaliste, ce commandement de ne pas tuer mais plutôt d’aimer.

Un acteur jouant Napoléon à cheval saluant - Image par Lutz Peter de https://pixabay.com/fr/photos/napol%C3%A9on-bataille-i%C3%A9na-auerstedt-4114403/ Pas tant que cela, nous dit un spécialiste du genre : Napoléon Bonaparte.

  • Il s’y connaît, car pour bâtir ou tenter de bâtir son empire, les guerres napoléoniennes ont engendré quelque chose comme 5 millions de morts civiles et militaires, soit 2 à 3 % de la population mondiale de l’époque. En proportion, cela représenterait plus de 200 millions de morts pour notre époque. À cette aune, les navrantes guerres de notre époque sont des escarmouches, même si, comme le dit la Michna, chaque vie compte comme un drame cosmique.
  • Napoléon s’y connaît car était effectivement un stratège extrêmement talentueux.

En exil à Sainte-Hélène, Napoléon porte un regard sur sa vie et philosophe en discutant quotidiennement avec son ami Emmanuel de Las Cases, qui écrit un journal, Le Mémorial de Sainte-Hélène, dont on peut bien entendu se demander s’il est parfaitement fidèle à la pensée de Napoléon.

Au détour de ces pages, on voit Napoléon chercher la raison de son échec. Bien entendu, il y a eu des erreurs, mais ce n’est pas seulement cela, analyse-t-il. Il y a une raison plus profonde, stratégique, et elle a fait que tous les autres empereurs ont eux aussi échoué avant lui, comme lui. Une raison structurelle.

À supposer que nous voulions bâtir un empire, comment faire ?

Il n’y a aucune chance d’y arriver par la force, analyse Napoléon. Il semble avoir un amer regret de ne pas avoir reconnu plus tôt la prodigieuse efficacité de la logique d’amour vécue par le Christ :

« Avant même que je sois mort, écrit Napoléon à Saint-Hélène, mon œuvre est détruite ; tandis que le Christ, mort depuis dix-huit siècles, est aussi vivant qu’au moment de son ministère… En quelque endroit du monde que vous alliez, vous trouverez Jésus prêché, aimé, adoré… Je suis encore vivant, et pourtant mes armées m’ont oublié : Alexandre, César, Charlemagne, moi-même, nous avons fondé des empires, mais sur quoi avons-nous fait reposer notre pouvoir ? Sur la force, tandis que Jésus-Christ a fondé son empire sur l’amour, et des milliers d’hommes donneraient joyeusement à cette heure même leur vie pour lui… L’union qui unit Jésus-Christ à ses rachetés est plus sacrée, plus impérieuse que quelque union que ce soit. Tous ceux qui croient sérieusement en lui ressentent cet amour surnaturel. Ils aiment quelqu’un qu’ils n’ont pas vu. C’est un fait inexplicable à la raison, impossible aux forces de l’homme ; et pourtant, il a été accompli. Voilà ce que j’admire au-dessus de toutes choses, moi, Napoléon ; plus j’y pense, plus je suis absolument persuadé de la divinité du Christ. »

Ce passage du mémorial de Sainte-Hélène est plein de regrets, car cette prise de conscience vient après la bataille (c’est le cas de le dire). Napoléon ne semble pas regretter les millions de morts que ses guerres ont causés. Il n’abandonne pas son rêve d’Empire. C’est en stratège qu’il parle : quel dommage de ne pas avoir reconnu plus tôt la puissance créatrice de l’amour au sens où le Christ l’entend ici ! Il y a, nous dit Napoléon, quelque chose de surnaturel dans cet amour, au point que cela ne peut venir que de Dieu lui-même.

Pourtant, Napoléon connaissait bien déjà, durant sa vie, la prodigieuse force de l’amour : « J’ai passionné des multitudes, qui mouraient pour moi ; mais enfin il fallait ma présence, l’électricité de mon regard, mon accent, une parole de moi : alors j’allumais le feu sacré dans les cœurs. » Seulement, cette puissance de cet amour que suscitait son charisme, il l’a utilisée à mauvais escient. Et son œuvre s’est auto-détruite.

C’est d’autant plus désolant de voir ces morts, ces montagnes de morts, ces détresses abominables dans les conflits émaillant notre monde actuel. Si au moins c’était pour bâtir un bel avenir, bâtir un empire où rêgneraient la justice et la paix ! Mais même pas, nous fait comprendre Napoléon, aucun empire ne peut être bâti par une telle stratégie. Non seulement ce n’est pas sympa, mais en plus c’est crétin.

Jésus n’était pas si bête, et bien plus aimable. Cela peut être inspirant.

Un rêve ?

Imaginons Benyamin Netanyahou, le 8 octobre 2023, déclarant officiellement à la face du monde la douleur infinie de son deuil pour ses compatriotes assassinés, violés, pris comme otage, torturés… mais que répondre par la violence ne bâtirait rien de bon, et que son pays ne pourra jamais être bâti que sur la puissance de l’amour du prochain, fût-il un ennemi. Même dans la logique napoléonienne, ce serait bâtir son empire en vérité, pour le long terme, il aurait soulevé un immense mouvement d’admiration, laissant l’empire ennemi s’autodétruire dans sa propre violence, s’il persistait dans cette piste.

Imaginons Kim Jong-un renonçant à bâtir son empire sur une force omniprésente, libérant ses citoyens : Kim deviendrait un héros incroyablement aimé par son peuple pour des siècles avenir, et cette stratégie lui serait, je pense, conseillée par Napoléon ayant fait le bilan de sa vie.

Imaginons Poutine se convertissant à cette stratégie bien plus prometteuse pour l’empire dont il rêve, et pour ce peuple russe au génie incroyable, ayant suscité des Dostoïevski, Tourgueniev, Tolstoï, Tchekhov…

Imaginons les Islamistes redécouvrant la richesse de la pluralité des interprétions du Coran, et la richesse des débats théologiques qui prévalaient en Islam jusque dans un passé pas si lointain (milieu du XXe siècle)… L’Islam aurait un rayonnement au lieu de s’autodétruire comme aujourd’hui.

Imaginons partout dans le monde cette autre stratégie, épargnant le sang de tous, respectant son prochain et même se souciant de lui surtout quand il n’est pas en forme, dans l’espérance qu’il aille mieux… comme le propose Jésus.Ce n’est pas seulement l’espérance de Dieu, c’est le plus efficace à moyen et long terme, nous fait remarquer Napoléon, qui ne s’encombrait pourtant pas de scrupules.

Imaginons, ou faisons le rêve comme le disait Martin Luther King. D’autant plus que nous aimons notre pays, notre empire ou notre royaume, pragmatiquement, pour qu’il vive, et même survive. C’est Martin Luther King qui disait aussi :

«Nous devons apprendre à vivre tous ensemble comme des frères, sinon nous mourrons tous ensemble comme des imbéciles
(We must learn to live together like brothers, otherwise we’ll die together like fools.)

Bien rare que les Napoléon de tout poil changent de stratégie, la seule façon de changer de paradigme est bien sûr de commencer par nous y atteler nous-mêmes à notre échelle, là où nous sommes. C’est pourquoi j’ai hésité à écrire ce billet. À quoi bon faire la leçon aux autres, c’est encore espérer bâtir notre action sur la force, celle d’un moralisme brutal si fréquent aujourd’hui. C’est donc à moi-même que j’en appelle, dans mon introspection, dans ma prière, sans attendre comme Napoléon qu’il soit trop tard.

Quand Napoléon dit que, si la stratégie de Jésus marche tellement bien à long terme c’est qu’elle a quelque chose de divin, c’est une intéressante remarque. Cette expérience peut se comprendre par le fait que le moindre geste basé sur l’amour est inspirant, contagieux et donc a tendance à avoir une portée exponentielle. Alors qu’un geste violent attire tant de souffrance qu’il suscite une répulsion profonde pour tout être vivant animé de l’instinct de survie. On peut dire que l’amour a quelque chose de cette source même de vie qu’est Dieu. Dieu créateur du ciel et de la terre. C’est ainsi plus efficace, et aussi tellement plus doux et agréable pour tout le monde. Surtout pour les petits qui sont en général les premiers à souffrir.

par : pasteur Marc Pernot

Voir aussi cette prédication : « Et voici : les larmes des opprimés et personne pour les consoler ! » ( Ecclésiaste 3 et 4 )

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7 Commentaires

  1. Rémy dit :

    Bonjour Marc,

    Merci pour ce témoignage, nécessaire en ces temps troublés. Vous avez eu raison de nous le partager malgré vos hésitations. Voir autre chose qu’un ennemi dans un homme est parfois terriblement difficile et pourtant, quand on y parvient, quelle belle réussite. Vous citez Napoléon, grand conquérant européen, dont l’empire s’est effondré aussi vite qu’il a été bâti, je citerais Alcide de Gasperi, Jean Monnet, Konrad Adenauer, Robert Schuman… Ils ne sont pas aussi connus que Napoléon et son bicorne mais l’Europe qu’ils ont construit, pour certains avec l’appui non négligeable de leur foi, est bien plus grande et plus stable que l’empire napoléonien. Certes, elle n’est pas parfaite. Cependant, en mettant de côté les rancœurs de leurs pays et de leurs concitoyens, chose ô combien difficile après des siècles de guerres et au sortir de la Seconde guerre mondiale, pour les amener à parler, à échanger des étudiants, à négocier des accords, à commercer, à défendre les droits de l’Homme, ils ont apporté à notre continent bien plus de paix et de stabilité qu’il n’en a jamais eu avec les alliances militaires et les batailles rangées. Ce n’est pas rien. Et une fois la dynamique enclenchée, d’autres ont demandé à rejoindre le club. Je prie pour que leur exemple en inspire d’autres, pour que les Etats belliqueux et les groupes terroristes déposent les armes, pour que de leurs épées, ils forgent des charrues, pour qu’une nation ne se lève plus contre une autre, pour qu’on n’apprenne plus la guerre, pour que les hommes se traitent en frères.

    Fraternellement,

  2. Lili dit :

    Magnifique votre billet théologico-politique. Heureusement, oui, que vous vous êtes décidé à nous l’offrir. Je pense en vous lisant à cette photo célèbre où l’on voit Helmut Khol et François Mitterrand main dans la main à Verdun, démontrant qu’un rapprochement entre les ennemis d’hier est toujours possible. Ou à Arafat et Rabin qui n’étaient pas si loin de réaliser une paix durable. Avec toutes les nuances qu’on voudra sur ces personnes.

    Mais à notre niveau, c’est juste désespérant d’observer l’actualité. Devant certaines horreurs, l’amour reste muet et paralysé. Alors, travailler sur ce qui nous rapproche, plus que sur ce qui nous oppose, pour créer des points de convergence, est peut-être une piste praticable à notre échelle pour redonner le goût du dialogue, le goût des autres, pour bâtir des situations de paix durable. Mais contourner la tyrannie de la violence, nourrie de ressentiments, n’est pas une mince affaire et la montée des extrêmes en Europe a de quoi inquiéter aussi en ce qu’elle flatte au contraire les antagonismes primaires.

    1. Marc Pernot dit :

      Complètement d’accord.
      Seulement, je crois à l’action locale qui change le monde. Réellement. C’est ce que je voulais dire avec cette question de la résonance de l’acte de bonté dans le monde : c’est conne un gravier jeté à la surface de l’étang provoquant une onde qui va le parcourir entièrement. Il parait que le diamètre d’internet est de onze clics, c’est à dire qu’à partir d’un site quelconque, on peut atteindre n’importe quel autre site en passant de lien en lien onze fois. Cela montre comme le monde est petit, surtout aujourd’hui.
      Ensuite, c’est pas mal, je pense d’être un petit peu stoïcien, occupons nous de ce qui est à notre portée, pas de ce sur quoi nous ne pouvons pas avoir d’action directe. Cela nous déconcentre de ce que nous pouvons faire et nous désespère inutilement. Cela peut aussi nous donner bonne conscience un peu trop facilement : une manifestation pour telle cause, une prière pour la paix : c’est sympa, on se sent du côté du bien et de la justice, peut-être un peu trop à bon compte, nous dispensant d’aller visiter la voisine de pallier qui a 92 ans et qui n’a personne ?

  3. Christian dit :

    Merci, cher Marc, j’ai lu, j’ai aimé, et j’ai compris pourquoi le rêve du « From the River to the Sea » ne se réalisera pour personne avec des armes. Et je suis heureux de voir que notre église parle enfin sans ambages! Cela m’aide dans mon introspection -:)

    1. Marc Pernot dit :

      Grand merci,
      J’ai cherché dans cet article de montrer que faire preuve de violence est non seulement méchant mais crétin, contre productif. En effet, celui qui est formidablement attaché à quelque « chose » (son Dieu, sa patrie….) se situe au-delà de toute valeur dans la poursuite de cet objectif. On ne voit souvent jusque dans l’église. Il est donc inutile de dire « c’est pas bien », car c’est absolument inaudible, hors de propos pour ceux qui commettent cette violence, pour eux c’est une œuvre parfaitement juste. Il m’ a semblé donc plus efficace de chercher à montrer que la stratégie de la violence est contre productive dans ce cas, que ce n’est pas ainsi que l’on a la moindre chance de bâtir ou de pérenniser son empire.

      Et effectivement, à l’occasion de notre émotion, il me semble plus utile d’en faire une occasion d’introspection car faire la leçon aux gens n’est pas très très efficace non plus.

      Dieu vous bénit et vous accompagne

  4. Claude Lévy dit :

    Merci pour ces textes. Chaque matin je prie mais souvent j’ai l’impression de m’adresser à un mur.

    1. Marc Pernot dit :

      Bravo de prier.
      C’est vrai que Dieu n’a pas de bouche pour répondre, ni de mains pour apporter un pain à l’affamé.
      Néanmoins nous sommes des milliards a constater une efficacité de la prière. Pas au sens magique du terme où Dieu obéirait à nos ordres, mais le fait que notre prière nous aide à avancer.
      Dieu est source d’évolution, il nous aide à nous élever, à approfondir, à voir plus clair.
      Ensuite, celui qui se place devant son idéal (de bonté, de créativité), et qui relit ainsi sa journée intérieurement le soir en se couchant, ou le matin en s’éveillant : cette personne là ne perd certainement pas son temps. C’est même un des plus excellents exercice de liberté que l’on puisse s’offrir.
      Mais en plus, Dieu nous apporte comme un pas de plus dans notre évolution.

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