La Crucifixion avec la Vierge et saint Jean ,v. 1624–1625 Hendrick ter Brugghen, Hollandais, 1588–1629
Esprit-Saint

« L’Esprit, l’eau et le sang témoignent, et les trois sont d’accord » (Jean 19:30-37 ; 1 Jean 5:5-9)

Enregistrement audio de la prédication

(Voir le texte biblique ci-dessous)

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève le Vendredi Saint 2019,
par : Marc Pernot, pasteur à Genève

La Crucifixion avec la Vierge et saint Jean ,v. 1624–1625 Hendrick ter Brugghen, peintre Hollandais, 1588–1629
Vous avez entendu avec quelle insistance Jean parle de ce coup de lance qui frappe Jésus au côté, laissant échapper du sang et de l’eau. Jean jure à trois reprises que c’est vrai que c’est essentiel pour notre foi et donc pour notre propre salut. Il n’y a rien dans tout l’Évangile selon Jean, aucun fait extraordinaire, aucune parole (il y en a tant de très inspirantes) auxquels Jean serait plus attaché, pas même la résurrection.

« Un des soldats lui transperça le côté avec une lance, aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. »(Jean 19:34)

Pourquoi est-ce si important pour Jean alors que les autres évangélistes n’en parlent même pas ? Jean écrit, semble-t-il, 30 ans plus tard que les autres, ce christianisme naissant évolue vite et de nouveaux débats sont apparus. Il faudra attendre encore plusieurs générations avant la notion de trinité, mais déjà apparaissent des spéculations de plus en plus complexes sur la nature du Christ et sur le salut qu’il nous apporte.

En quoi est-ce que ce sang et cet eau qui s’échappent de Jésus à sa mort a une quelconque importance dans ce débat ? Cela demande une petite recherche dans la pensée de cet apôtre. C’est pourquoi je vous ai également ce texte de la 1ère lettre de Jean où il écrit : « il y en a trois qui rendent témoignage (que Jésus est le Fils de Dieu) : l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois sont d’accord. » Nous retrouvons les mêmes trois éléments essentiels qu’à la croix, en effet, dans ce récit de la mort de Jésus, il est d’abord dit que Jésus « rendit l’esprit »(19:30), avant que le coup de lance laisse sortir de lui « du sang et de l’eau » (19:34).

Pour Jean, saisir que « Jésus est le fils de Dieu » est le cœur même de l’Évangile, il dit que c’est la clef de notre foi et que « par cette foi, nous avons la vie en son nom »(20:31). En quoi est-ce que ces trois éléments, l’Esprit, le sang et l’eau, sont tellement essentiels pour saisir que Jésus est fils de Dieu ? Ces mots, Jean les écrits en lettre d’or, lumineuses, clignotantes, et assorties d’alarmes sonores dans sa prédication.

L’Esprit, l’eau et le sang.

L’Eau

Je commence par le plus délicat, le plus complexe de ces trois éléments : l’eau, car c’est le symbole de bien des choses différentes dans la Bible et donc dans l’Évangile selon Jean. De quoi parle-il ici ?

  • L’eau est parfois symbole de chaos et de mort comme dans le début de la Genèse(1:2) ou quand des vagues furieuses menacent d’engloutir la barque (Jn 6:18).
  • L’eau est parfois symbole de purification comme dans les rites juifs (Jean 2:6-7) ou dans le baptême opéré par Jean-Baptiste ou quand Jésus lave les pieds de ses disciples (Jn 13:5).
  • L’eau est parfois symbole de la parole et de la bénédiction de Dieu  : cela passe de la Torah de Moïse comparée à une citerne dans laquelle on peut puiser (Jn 4:6), jusqu’à la source jaillissante en nous (Jn 4:14 et 7:38), puisqu’en Christ chacune et chacun devient prophète ou prophétesse.
  • Il y a un 4ème sens, plus difficile à discerner mais présent dans cette culture : l’eau évoque parfois la procréation et la naissance, l’eau étant un euphémisme pour le sperme, et l’eau évoque aussi le liquide amniotique qui s’écoule à la naissance.

C’est à mon avis à ce 4ème sens de l’eau que Jésus fait référence dans son très célèbre débat avec Nicodème au chapitre 3 de l’Évangile selon Jean à propos de notre double naissance : « Jésus dit à Nicodème : Amen, amen, je te le dis, si quelqu’un ne naît pas d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas que je t’aie dit : Il faut que vous naissiez de nouveau — d’en haut. » (3:5-7)

Le parallèle fait par Jésus entre « naître d’eau » et « naître de la chair » est ici manifeste : c’est une première naissance qui nous est commune à tous et aussi aux animaux. Jésus parle ensuite d’une autre naissance, avec ce jeu de mot célèbre, anoyen signifiant à la fois « de nouveau » et « d’en haut », faisant référence à cette double nature humaine à la fois charnelle (la naissance d’eau) et spirituelle (la naissance d’Esprit), venant à la fois plus tard et d’en haut, de Dieu.

Certains ont vu dans ce dialogue avec Nicodème une allusion au baptême d’eau puis d’Esprit, pourquoi pas ? Cela me semble peu vraisemblable car Jean évacue l’importance du baptême d’eau pratiqué par Jean-Baptiste : Jean ne dit pas que Jésus aurait reçu ce baptême d’eau, il dit par contre explicitement que Jésus lui-même ne baptisait pas (4:2) comme le Baptiste (Jn 1:33). Jean ne parle pas non plus de la Communion contrairement aux trois autres évangélistes et à Paul, Jean relativise ces rites du point de vue du salut. Selon lui ce sont d’autres choses qui témoignent de ce salut : l’Esprit, la chair et le sang en Christ, et aussi en nous-même (1 Jean 5:10).

L’eau qui sort de Jésus révèle donc sa naissance « selon la chair ». C’est une de ses dimensions. C’est important pour Jean parce qu’à l’époque où il compose son témoignage, certains commencent à penser que Jésus est totalement et uniquement Dieu, et qu’il a seulement une apparence humaine. Jean répond avec ce signe de l’eau. Jésus est né d’eau, il a une chair comme la nôtre. C’est pourquoi Jean se distingue de Luc quant à la conception et à la naissance de Jésus. Le premier chapitres de l’Évangile selon Luc fait un petit peu de Jésus un demi-dieu, en tout cas pas un être comme nous. Jean, lui, présente Jésus comme né d’une femme (2:1) et fils de Joseph (Jean 1:45; 6:42). Jésus est pleinement humain, « né de l’eau », il est chair né de la chair, comme nous tous. C’est d’autant plus important que Jean insiste par ailleurs très fortement sur la dimension divine du Christ. La nouvelle la plus extraordinaire est selon Jean « l’incarnation » : la « Parole de Dieu a été faite chair » (Jn 1:14) en Christ, et donc en nous tous puisqu’il est notre frère. Jean est à la fois celui qui insiste le plus sur la nature divine de Jésus tout en disant que c’est un humain comme nous. Cette présentation de Jésus selone Jean culmine dans cette révélation de Jésus ressuscité à Marie-Madeleine quand il nous appelle « ses frères et sœurs » (Jn 20:17).

Jésus est donc né d’eau, né de la chair, Jean insiste là-dessus. Ce n’est pas simplement de la théologie spéculative, cette dimension apporte quelque chose d’essentiel dans notre façon de regarder la vie : notre dimension charnelle est une bénédiction, la vie en ce monde est bonne. C’est dans cette chair que nous sommes sauvés par Christ, c’est à commencer par cette vie que le Christ sauve car elle est une merveille. Dieu aime ce monde (Jn 3:16). Ce n’est pas une évidence dans toutes les philosophies et dans toutes les religions, ce n’est même pas si évident dans toutes les confessions chrétiennes. Christ est ainsi : une espérance de Dieu faite chair, et il est notre frère. Cela vaut également pour chacun de nous. C’est pourquoi notre propre chair, si on l’écoute bien nous dit Jean, témoigne du Christ comme fils de Dieu. Et cela contribue à sauver notre vie, à nous la faire saisir.

Le Sang

La seconde dimension importante est le sang. Dans la Bible, le sang évoque la vie, c’est pourquoi le sang est un grand tabou conduisant à tenter de ne manger de la viande qu’après en avoir extrait le maximum de sang comme l’indique l’alliance avec Noé « Vous ne mangerez pas de chair avec sa vie : avec son sang. » (Genèse 9:4) Car la vie appartient à Dieu. Or, dans ces civilisations, on ne peut entrer en contact avec Dieu même par un simple regard, sans mourir. En Christ, la vie individuelle est particulièrement sacré, seulement, il nous délivre de ce genre de tabous puisqu’il nous révèle que Dieu lui-même cherche un contact direct avec nous afin de nous sauver et non de nous perdre.

Pourquoi est-ce tellement important pour Jean que du sang sorte de Jésus à sa mort ? Parce que si certaines personnes pensaient que Jésus n’était pas vraiment un être de chair comme nous, d’autres pensaient que Jésus ne serait pas vraiment mort sur la croix, il passe directement à la case ascension (cette opinion serait passé d’ailleurs dans le Coran). Jean répond par le témoignage du sang versé. Selon la chair, Jésus est mort comme nous mourons.

Ce sang de Jésus est également important car il évoque la vie de Jésus, sa vie entière : son mouvement, sa liberté, le fait qu’il évolue. Cela aussi est important et a été parfois oublié, comme dans le symbole dit « des apôtres » (mais est bien plus tardif) et qui décrit le Christ comme passant directement d’une naissance miraculeuse à sa mort sur la croix, avec rien du tout entre les deux. C’est à mon avis tout à fait désolant. Jean ne fait pas cette erreur en mentionnant « le sang », c’est à dire la vie, l’élan vital qui a animé Jésus de sa naissance à sa mort, mil actes et paroles qui témoignent de ce que c’est qu’être réellement un enfant de Dieu.

 

Cette mention du sang est un appel pour nous et notre salut. Nous sommes nés de la chair, certes, avec des acquis comme un patrimoine génétique, une culture, une éducation, un certain caractère. Nous sommes aussi, et c’est ce qu’évoque le sang, un être vivant c’est à dire un être mobile, qui évolue et se déplace. Le changement fait partie de notre bonne nature. Lui aussi est une bénédiction d’enfant de Dieu. Et notre sang, notre vie dans sa capacité à évoluer parle de ce qu’est être enfant de Dieu.

L’Esprit

Enfin, et non des moindre, l’Esprit. Ici ce n’est pas « son esprit » que Jésus perd en mourant, ni « un esprit » mais « l’Esprit » avec un article défini, ce qui désigne toujours ce souffle divin donné par Dieu à notre chair terrestre pour constituer une personne humaine. L’Esprit de Dieu est un des témoins du fait que Jésus est fils de Dieu. Le plus évident, peut-être, car là dessus tous les chrétiens s’accordent.

Jésus n’est pas seulement une chair vivante, il n’est pas seulement « fils de l’homme » comme il s’appelle lui-même, il a reçu le Souffle de Dieu, il est né de ce souffle, comme nous-même, il est enfant de Dieu.

Le sang évoquait la capacité d’être en évolution, l’Esprit évoque la capacité d’être source d’évolution : cela évoque une liberté, une personnalité, une créativité. C’est même plus que cela : c’est une dimension autre, transcendante qui fait que la personne humaine est un extraterrestre, tout en restant terrestre.

Trois témoins

Nous avons donc trois qui témoignent que Jésus est enfant de Dieu : l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois sont d’accord. C’est ça le plus incroyable, le plus miraculeux dans ce que manifeste Jésus comme façon d’être, je pense : c’est cette harmonie, cette compassion mutuelle, cette complémentarité entre ces trois magnifiques dimensions de la personne humaine : l’Esprit, l’eau et le sang. Aucune dimension ne cherche à éliminer les autres dimensions, au contraire, chacune apporte sa part à notre être et si cette dimension venait à manquer ce serait une catastrophe pour l’ensemble.

Nous avons, nous pouvons avoir ce triple attachement à la vie, attachement à notre corps et à ses joies, attachement à notre évolution tout au long de nos jours, attachement à l’Esprit divin qui souffle en nous et nous connecte à ce qui est si haut, si vrai.

Notre chair et notre sang, et l’Esprit qui nous a été donné : chacun des trois nous parlent du Christ comme Enfant de Dieu, et nous révèle qui nous sommes en réalité par lui et en lui.

Amen.

pasteur Marc Pernot, église protestante de Genève

Textes de la Bible

Jean 19:30-37

Jésus dit : Tout est achevé. Puis il baissa la tête et donna l’Esprit.

31 C’était le jour de la Préparation et, pour que les corps ne demeurent pas en croix pendant le sabbat — car ce sabbat-là était un grand jour — les Juifs demandèrent à Pilate de les faire enlever après leur avoir brisé les jambes. 32 Les soldats vinrent donc et brisèrent les jambes du premier, puis de l’autre qui avait été crucifié avec lui. 33 Quand ils vinrent à Jésus, ils virent qu’il était déjà mort et ils ne lui brisèrent pas les jambes ; 34 mais un des soldats lui transperça le côté avec une lance ; aussitôt il sortit du sang et de l’eau. 35 Celui qui l’a vu en a témoigné, et son témoignage est vrai ; lui, il sait qu’il dit vrai, pour que vous aussi vous croyiez. 36 Cela est arrivé pour que soit accomplie l’Ecriture : Aucun de ses os ne sera brisé. 37 Et une autre Ecriture dit encore : Ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé.

 

1 Jean 5:5-9

Qui est vainqueur du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? C’est lui, Jésus-Christ, qui est venu par l’eau et le sang ; non pas avec l’eau seulement, mais avec l’eau et avec le sang ; et c’est l’Esprit qui rend témoignage, parce que l’Esprit est la vérité. Car il y en a trois qui rendent témoignage : l’Esprit, l’eau et le sang, et les trois sont d’accord.

Si nous recevons le témoignage des humains, le témoignage de Dieu est plus grand ; car le témoignage de Dieu, c’est qu’il rend témoignage à son Fils. 10 Celui qui met sa foi dans le Fils de Dieu a ce témoignage en lui-même…

 

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4 Commentaires

  1. Katumba dit :

    J’aime bien cet enseignement et je vous en remercie

  2. sainte rose joan dit :

    Merci beaucoup pour ces explications !

  3. Laurent dit :

    Merci , demeurons béni au nom de seigneur Jésus.

  4. Nicolas dit :

    Belle engagement

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