Gaugin - Christ au jardin des oliviers (1889) - Museum of Art, West Palm Beach, Florida
Prédication

La douleur d’être seul ? La gloire d’être seul ? (Genèse 2:15-19 ; Marc 3:13-21 ; Matthieu 14:22-23)

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

pasteur Marc Pernot

 

Vidéo :

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

texte de la prédication à imprimer

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 6 août 2023,
par : pasteur Marc Pernot

 

Il existe une bonne et une mauvaise solitude

Prendre un temps à l’écart pour se ressourcer et se recentrer : c’est un exercice que pratiquait Jésus, cet exercice est recommandé pratiquement par toutes les sagesses du monde. La solitude choisie, temporaire, peut apporter un grand bienfait.

D’un autre côté, il y a la terrible solitude dont souffrent bien des personnes. L’humain est un animal social et la solitude est la première souffrance dont parle la Bible, Dieu disant : « il n’est pas bon que l’être humain soit seul !» (Genèse 2:18)

Il y a ainsi une bonne solitude qui nous met en forme et une mauvaise solitude qui nous ronge. Cela mérite de creuser la question car cela touche manifestement quelque chose d’essentiel pour nous.

À ce propos, le théologien Paul Tillich fait une différence entre isolement et solitude (loneliness and solitude). Il fait une distinction entre « l’isolement, qui est la douleur d’être seul ; et la solitude, qui est la gloire d’être seul ».

La gloire d’être seul

D’abord, qu’entend-il par « la gloire d’être seul » ? Chacun a sa personnalité, son histoire et un souffle qui l’anime. Cela fait de nous une œuvre d’art, une pièce unique, même si nous n’en avons pas conscience. Il est bon de sentir et d’apprécier cette gloire d’être nous-même, seul en notre genre. Ce n’est pas facile. Pour personne. Ce n’est donc pas notre faute si nous avons du mal à saisir cette gloire d’être nous-même.

Comment en prendre conscience ?

Être un petit peu aimé en ce monde est très précieux pour cela. C’est pourquoi il est essentiel que personne ne reste isolé sans quelque qu’un qui pense à lui. C’est un défi qui nous est donné, collectivement.

Seulement cela ne suffit pas, car si nous dépendons uniquement des autres pour avoir une estime de nous-même, nous n’existons à nos yeux que dans l’idée que d’autres se font de nous, ce qui est un piège mortel. Jamais Jésus n’aurait pu aller au bout de sa mission en cherchant à plaire. Et en vivant ainsi il n’aurait pas pu tenir quand il a été acculé, trahi, maltraité.

C’est pourquoi, la première chose que Dieu donne à Jésus c’est cette parole « Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j’ai mis toute mon affection. » (Marc 1:11). Cette expérience permet à Jésus de se mettre en route. Ensuite, pour avancer, il va devoir encore prendre un temps de solitude face à lui-même, dans le désert, avant de trouver la force de se saisir de sa vocation de Christ et de l’accomplir.

La distraction et le divertissement

Pourquoi avons-nous tant de mal à saisir notre propre valeur ? Cette difficulté se manifeste par un mal être qui nous appelle à développer des stratégies pour y faire face. Des philosophes de l’antiquité comme Cicéron et Sénèque proposent de ruser avec ce manque par la distraction, par le divertissement qui nous permet de nous dérober à cette question.

Montaigne puis Pascal sont plus nuancés par rapport au divertissement : en même temps il est bon de trouver de la joie à vivre la vie présente avec des amis et des activités utiles ou récréatives. Et en même temps, il est essentiel ne pas esquiver totalement la question de notre être en nous étourdissant de distractions.

Du temps pour être seul

Pour cela, il est bon de prendre le temps d’être parfois seul et inoccupé, dans le silence, face à nous-même.

Pourquoi avons nous tellement du mal à faire cela ? Sans nos amis qui nous rassurent en nous aimant un peu, sans activités pour nous étourdir… est-ce qu’il nous viendrait la peur de ne plus rien valoir, d’être submergé par l’idée décevante que nous nous ferions de nous-même, de notre passé, de notre avenir ? idée faussée par la peur, par la souffrance, par notre petitesse devant le monde et devant le temps qui passe.

Il est donc précieux de faire un face à cette question afin de prendre conscience de notre réelle valeur, de la gloire d’être seul et unique. De libérer cette réalité de nos fantômes.

Dans une fameuse pensée, Blaise Pascal explique que, certes, nous sommes bien peu de chose, seulement il y a un « mais » : « L’humain n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant »… « Or l’ordre de la pensée est de commencer par soi ; et par son auteur ; et sa finalité »

Pour enfin voir plus clair, il nous propose de suspendre un instant notre divertissement pour penser en commençant par nous-même, penser à ce qui nous a fait (Dieu, en particulier), et ensuite penser notre finalité.

Se ménager des temps de solitude, de retrait

C’est un travail d’introspection, de réflexion et de prière. Cela demande de prendre quelque temps de solitude. C’est ce que nous voyons Jésus faire au début de son ministère ou dans cet autre épisode : « Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. 23 Après les avoir renvoyées, il monta sur la montagne pour prier à l’écart ; et le soir venu, il était là seul. » (Mat. 4:22-23)

C’est une solitude délibérée. Jésus arrête son service des autres, il renvoie la foule, il écarte même ses proches, ses disciples. Et il reste là, seul, à l’écart, dans la prière. Il fait cela régulièrement, pour un moment, puis il revient dans sa vie d’avant, ayant souvent évolué dans ses objectifs ou sa façon de faire.

Cette solitude choisie demande un effort et du courage. Elle est fondatrice pour nous, c’est au delà de la philosophie car la question n’est plus seulement de réfléchir sur la dignité de la personne humaine en général, mais sur l’estime de nous-même en tant que personne réelle, en l’état. Et ce n’est pas seulement une pensée par nous-même, c’est aussi en espérant Dieu.

Ces temps de solitude choisie sont d’essentielles parenthèses, dans la conscience de n’être pas seulement un roseau dans l’univers mais un roseau pensant et priant, être du coup un roseau dressé fièrement vers le ciel, dans la gloire qui nous est donnée d’être nous.

Le culte prépare cette démarche, il vise à nourrir cela, donnant à chacun à penser et à prier ensuite librement en lui-même, dans le secret de son cœur.

Solitude où l’on trouve sa vocation

Après la pensée qui commence par nous-même, Pascal propose de penser à notre origine : Dieu, bien sûr, mais aussi tout ce qui participé à ce que nous sommes de bien. Enfin, Pascal propose de penser notre finalité, ce que nous devenons et quelle pourrait être notre vocation. Cela aussi ne s’élabore que dans la solitude, dans la réflexion et dans la prière. Car là aussi, la vocation rejoint une personne en particulier. C’est dans le désert, seul, que Jésus creuse sa vocation de Christ. C’est dans la solitude que Paul creuse en Arabie son expérience spirituelle du chemin de Damas et qu’il va devenir apôtre des nations.

C’est en nous découvrant ainsi que nous saisirons comment nous ne sommes pas fait pour être seul.

« Il n’est pas bon que l’humain soit seul ! »

Dans le texte de l’Évangile selon Marc 3:13-21, nous voyons Jésus appeler tout d’un coup du monde en renfort, il va constituer une équipe de douze, explicitement dans ce but : « pour qu’ils soient avec lui » (Marc 3:13). Le Christ est unique et il a besoin d’autres « avec lui ». Même Dieu, qui est unique en son genre (c’est le moins que l’on puisse dire), nous appelle à être ses collaborateurs dans la création, nous dit Paul (1 Cor 3:9).

C’est ainsi qu’ « il n’est pas bon que l’être humain soit seul » : pour travailler en équipe, participant à notre mesure à la poursuite de la création du monde. C’est la 1ère raison, il y a aussi un besoin vital pour chacun de ne pas être isolé, l’humain est ainsi.

La douleur d’être seul, isolé

De multiples héros de la Bible nous sont montrés souffrir d’isolement et en être terriblement éprouvés : le patriarche Jacob, le prophète Élie, le roi David, l’apôtre Paul et le Christ Jésus qui est pris à la gorge tant il se sent seul, suppliant quelques proches de veiller avec lui. Tout le monde est exposé à cette douleur d’être seul, isolé. Ce n’est pas une question de faute, bien sûr, ni de faiblesse. C’est encore moins la volonté de Dieu. Il est le premier à agir car « il n’est pas bon que l’être humain soit seul ».

Dieu accompagne chacun avec bienveillance et compréhension, c’est une chose dont nous pouvons être convaincu et que nous pouvons parfois sentir. Cela n’empêche pas que nous avons aussi besoin de vrais liens avec d’autres humains et de nous soucier les uns des autres. Tous : Élie, David, Paul, et Jésus ont soif de liens, d’échanges, et d’amitié pour les soutenir.

Quand Jésus est tiraillé entre le fait de continuer à ruser avec ses opposants, et la volonté d’aller maintenant au bout de sa mission, Jésus prend avec lui ses trois plus proches, et en même temps il se met alors un peu à l’écart pour prier seul. Nous avons besoin des deux pour avancer : 1) quelques personnes qui sont là avec nous, 2) et aussi un peu de solitude pour penser et prier seul.

Jésus le sait, il le vit. C’est pourquoi il ne se contente pas d’enseigner les foules pour témoigner de sa confiance en l’amour radical de Dieu. Il s’approche de la personne qu’il croise sur le chemin et s’intéresse à cette personne, à ce qu’elle espère. Jésus s’approche même de Judas qui le trahit, même de Pierre qui tente de le détourner de sa mission, même de la femme de mauvaise vie, il s’approche du pestiféré, du centurion ennemi d’Israël, de Simon, le chef religieux qui le méprise…

Parce que Jésus sait de sa propre expérience qu’il n’est pas bon qu’une personne soit seule, isolée, sans conscience de sa propre gloire d’être elle-même. Alors que Dieu l’estime, Dieu l’espère en forme et entourée.

Amen.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Genèse 2:15-19

L’isolement est la première souffrance exposée dans la Bible, Dieu disant : « il n’est pas bon que l’être humain soit seul ».

L’Éternel Dieu prit l’homme et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. 16 L’Éternel Dieu donna ce commandement à l’homme : Tu pourras manger de tous les arbres du jardin ; 17 mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.

18 L’Éternel Dieu dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide qui sera son vis-à-vis. 19 L’Éternel Dieu forma du sol tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel. Il les fit venir vers l’homme pour voir comment il les appellerait, afin que tout être vivant porte le nom que l’homme lui aurait donné.

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Marc 3:13-21

Jésus, fidèle à cette vocation de l’humain de faire corps avec d’autres, constitue une équipe :

Jésus monte dans la montagne et il appela ceux qu’il voulait. Ils vinrent à lui 14et il en établit douze pour être avec lui et pour les envoyer prêcher 15et avoir la puissance de chasser les démons.

16Il établit les Douze : Pierre – c’est le surnom qu’il a donné à Simon –, 17Jacques, le fils de Zébédée et Jean, le frère de Jacques – et il leur donna le surnom de Boanerguès, c’est-à-dire fils du tonnerre –, 18André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques, le fils d’Alphée, Thaddée et Simon le zélote, 19et Judas Iscarioth, celui-là même qui le livra.

20Jésus vient à la maison, et de nouveau la foule se rassemble, à tel point qu’ils ne pouvaient même pas prendre leur repas. 21A cette nouvelle, les gens de sa famille vinrent pour s’emparer de lui. Car ils disaient : « Il a perdu la tête. »

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Matthieu 14:22-23

Ensuite, il y a les temps de solitude que Jésus choisit délibérément :

Jésus obligea les disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. 23 Après les avoir renvoyées, il monta sur la montagne pour prier à l’écart ; et le soir venu, il était là seul.

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