Pourquoi Dieu a-t-il refusé l’offrande de Caïn ? Une énigme qui nous appelle à nous interroger.

Question posée :

Bonjour
A la fin d’un culte qui avait pour thème le Fraternité, un paroissien fit cette remarque, en s’adressant à l’assemblée : ”j’ai toujours étonné par le fait que, dès le début la Bible, il est parlé de cette offrande de Caïn que Dieu n’a pas agréé. Pourquoi Dieu a-t-il refusé l’offrande de Caïn ?”
En fait, il avait déjà un début de réponse…

J’ai réagi un peu sans réfléchir, surtout au niveau de la forme : ”c’est parce que Caïn s’est posé la même question que tu as posée, pourquoi lui et pas moi ?”. C’est ce que Dieu nous apprend.

En fait, j’aurais dû formuler cela en disant ce que j’entends et non pas en assenant une vérité (je sais bien que je ne la détiens pas, ni lui d’ailleurs).

Pour moi, Caïn cherchait la reconnaissance et parce qu’il ne la trouvait pas dans cet acte d’offrande, il a été frustré et jaloux.

Et vous, pasteur Pernot, comment répondriez-vous à la question de ce paroissien ”Pourquoi Dieu a-t-il refusé l’offrande de Caïn ?” ?

D’avance merci pour votre éclairage et merci pour votre site que je fréquente souvent mais où je n’ai pas su trouver la réponse à cette question.

Bonne semaine,

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir

C’est génial de s’intéresser à la Bible, de chercher sa propre interprétation, d’entrer en dialogue avec d’autres, de continuer à s’interroger sur Dieu à partir de tout ça. C’est l’ensemble qui est excellent et nourrit un cheminement.

Un culte sur la fraternité ? Je suppose que le pasteur a dit que la fraternité : c’était très bien. En même temps c’est une bonne idée de penser aussi à l’histoire de Caïn et Abel qui en dit les travers.

Un texte ouvert à de multiples questions

Ce texte de Caïn et Abel fait partie de ces textes essentiels qui sont faits pour faire réfléchir son lecteur. On est loin de la bonne petite leçon de morale toute simpliste. Ce texte nous appelle à nous interroger sur plusieurs sujets : sur la grâce de Dieu, sur l’injustice de la vie, sur la jalousie, sur la manière de sentir soi-même où on en est quand le mal commence à nous monter au nez, sur la manière de discuter avec son frère, sur les circonstances où la violence devient le seul moyen d’expression, sur la façon de traiter un coupable du pire… Il y a donc des lectures théologiques et éthiques, psychologiques qui sont à étudier et débattre.

Votre lecture est tout à fait juste, à mon avis, c’est un grand point : la grâce de Dieu étant imméritée (par définition, elle est gratuite, sans autre source que Dieu lui-même), il y a une part d’arbitraire dans la grâce. Sauf que, normalement, Dieu est juste et il est fidèle : c’est pourquoi les gens s’acharnent à trouver qu’est-ce qui pourrait bien clocher dans l’attitude de Caïn. C’est toujours un petit peu tiré par les cheveux car quand même, objectivement, c’est Caïn qui invente le geste de faire une offrande à Dieu, ce qui ne lui était pas demandé, ce que personne n’avait fait avant lui, pas même Adam et Ève, et ce qui est copié par Abel. Rien que pour cela, quand même : chapeau.

Une autre piste serait de relever la simple jalousie, comme vous le faites. Peut-être même que Caïn s’est imaginé que Dieu ne l’agréait pas, lui et son offrande, parce que Dieu agréait Abel et son offrande, ce qui lui semble insupportable. D’ailleurs, comment sait-il que Dieu agrée ou non sa personne ? Dans la suite du texte, Dieu montre qu’il passe son temps à se soucier de Caïn, et à prendre soin de lui quand il file du mauvais coton, puis quand il a assassiné Abel, il le protège. Donc si Dieu protège le Caïn révolté, jaloux et même assassin, comment n’aurait-il pas agréé le Caïn qui invente le geste d’offrande à Dieu (même si son geste n’est pas parfait) ???

Un principe d’interprétation souvent utile

Ce n’est pas très logique. Or, il y a un principe d’interprétation millénaire qui dit : quand une lecture au premier degré d’un récit est incohérente, c’est le signe qu’il est temps de chercher au sens spirituel. Et c’est la lecture que je proposerais en définitive : Caïn et Abel sont deux dimensions de l’humain, sont deux faces de chaque personne humaine. Caïn représente l’avoir et Abel représente l’Être (c’est ce que suggèrent les étymologies de leurs deux noms), Caïn représente notre part active et Abel notre part contemplative, spirituelle. Si nous n’y prenons pas garde, le Caïn en nous va tuer l’Abel en nous. Alors que le but est que ces deux excellentes dimensions soient en nous comme des frères qui vivent ensemble et se complètent. Il est normal que Dieu bénisse Abel et ce qu’il apporte : c’est par le spirituel que Dieu bénit l’humain entier et finalement notre Caïn est bénit par Dieu à travers Abel. C’est le projet, je pense. Mais bien sûr que Caïn est, notre dimension corporelle active, incarnée, est bénie par Dieu. La suite de cette histoire se trouve un peu plus loin dans la Genèse avec l’histoire d’Esaü et Jacob, encore une fois c’est notre dimension spirituelle qui naît après notre dimension corporelle, et c’est notre dimension spirituelle qui doit être mise en premier comme cheffe de notre dimension animale, quitte à ruser avec nos pulsions pour arracher cette prééminence….

C’est un peu court à expliquer en deux mots, j’ai fait quelques séances bibliques là dessus : Caïn et Abel, Esaü et Jacob.

Mais ce n’est qu’une lecture possible, et il y en a plein d’autres qui sont possibles et belles (ce qui ne veut pas dire que n’importe quelle lecture soit belle, ou fasse sens, quand même).

Chacune de nos interprétations nous interroge sur nous-même, en vérité. C’est pour cela que c’est utile de se creuser la tête par soi-même, sans se reposer entièrement sur les interprétations des autres.

Dieu bénit et accompagne votre lecture de la Bible, votre prière et votre marche.

par : pasteur Marc Pernot