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- Tout d’abord, dans la Genèse, il est écrit de croitre et se multiplier, mais dans ses épîtres Paul nous dit que le mieux est de ne pas prendre femme et de rester célibataire parce que, pense-t-il, le royaume de Dieu va arriver très vite. Alors que faire ?
- Comment se fait-il que Jésus, qui est le vrai Dieu, puisse se prier lui-même ? Et comment peut-il souffrir réellement alors qu’il est Dieu ?
- Dieu crée le monde et constate qu’il est parfait. S’il est parfait, pourquoi le mal ? (qu’il a dû prévoir étant omniscient) et surtout pourquoi vient-il sur Terre pour nous dire de ne rien miser sur la vie terrestre ? C’est un désaveu de la création, non ?
- Enfin, les faits divers quotidiens ont entamé ma foi. Récemment l’exemple de la petite Lola qui a vécu l’horreur avant de mourir. Franchement Dieu ne peut pas intervenir ? C’est complètement absurde et révoltant. S’il ne s’est pas occupé de cet enfant martyr, comment croire qu’il va être réceptif à nos misérables prières quotidiennes ?
Dans l’attente de votre réponse. Bien cordialement
Réponse :
Cher Adrien,
Bravo de vous poser des questions, c’est ce qui permet d’avancer.
La première chose que je dirais : c’est que la Bible est un livre fait pour se poser des questions. Donc oui, il y a des textes difficiles, des contradictions, des commandements impossibles, et des passages scandaleux. Il y a aussi quantité de textes géniaux et inspirants. Et il y a des textes qui ne sont pas trop utilisables actuellement. Mais le fait est que l’exercice qui consiste à s’interroger à partir de la Bible est très enrichissant, et nous donne l’occasion de mieux nous découvrir nous-mêmes, ainsi que notre monde. C’est au lecteur de réfléchir et de s’interroger à cette occasion sur ce qui lui semble bon, juste, utile pour sa propre vie.
Je vais reprendre vos questions une à une :
Bible et Contradictions : Croître et Multiplier vs Célibat de Paul
Interprétation de la Genèse et la Fécondité Spirituelle
1) Dans la Genèse, il est écrit de croitre et de se multiplier, mais dans ses épîtres Paul nous dit que le mieux est de ne pas prendre femme et de rester célibataire parce que, pense-t-il, le royaume de Dieu va arriver très vite. Alors que faire ?
Le commandement de « croitre et multiplier » n’est pas nécessairement de faire plein d’enfants. La personne humaine a de multiples dimensions et l’on peut croire et multiplier dans chacune. Jésus-Christ n’a pas eu d’enfants (en tout cas il n’a pas eu d’enfants qui lui ont survécu), mais Jésus a eu une vraie fécondité : la preuve, c’est que 2000 ans encore après son message fait vivre bien des personnes. Cela n’empêche pas le fait que créer un enfant et l’aider à devenir une belle personne épanouie est une très belle fécondité, mais ce n’est pas la seule.
Contexte Historique des Épîtres de Paul et l’Attente de la Fin du Monde
Vous avez raison en ce qui concerne l’apôtre Paul. Au tout début de l’Église, beaucoup de chrétiens pensaient que la fin du monde allait arriver dans les mois ou les années qui suivent, c’est pourquoi à Jérusalem en particulier des chrétiens ont arrêté de travailler, vendant leurs champs et leurs outils pour attendre la venue du Christ en prière. C’est dans cette pensée de l’époque que Paul dit que ce n’est pas très utile de se marier et d’avoir des enfants. Ensuite, dans des épîtres un peu plus tardives, les chrétiens ont compris que la venue du Messie (le Christ) ne coïncide pas avec la fin du monde, qu’il y a entre les deux une période qui peut être longue, et qu’il est bon de vivre et aussi d’organiser les églises. C’est ce que l’on voit par exemple dans ce passage “Je veux donc que les jeunes se marient, qu’elles aient des enfants, qu’elles dirigent leur maison…” (1 Timothée 5:14) Donc les tout premiers chrétiens tâtonnent et s’étaient trompés sur la fin du monde. Cela fait du mal d’avoir des idées trop fixées, avec des certitudes arrêtées. Cela montre que vous avez bien raison d’interpeller la Bible, de vous poser des questions, et de nourrir ainsi votre propre point de vue, votre théologie, votre éthique.
La Nature de Jésus : Vrai Dieu et Vrai Homme ? Souffrance et Prière
Le Paradoxe du Christ : Prière et Souffrance Divine
2) Comment se fait-il que Jésus, qui est le vrai Dieu, puisse se prier lui-même ? Et comment peut-il souffrir réellement alors qu’il est Dieu ?
Cette question est intéressante. Bien des églises vous diront que Jésus est le vrai Dieu. Comment répondent-elles alors à cette question que vous posez ? Elles disent en général que Jésus est à la fois vrai Dieu est vrai humain, et donc que c’est la partie humaine de Jésus qui prie Dieu, que c’est la partie humaine de Jésus qui souffre réellement sur la croix. Ce n’est pas sa partie divine qui prie et qui souffre. Évidemment, cette réponse est un peu délicate, car Jésus aurait alors comme deux personnalités distinctes à l’intérieur d’une même personne, cela tourne un petit peu à la schizophrénie.
Développer sa Propre Théologie sur la Figure de Jésus
Cela dit, on n’est pas obligé d’aller jusqu’à penser que Jésus est Dieu. Cette question a été très longtemps discutée entre les théologiens jusqu’au concile de Nicée au IVᵉ siècle où l’empereur de Rome a choisi d’imposer cette vision à l’ensemble de la chrétienté. Il y a donc eu au moins 10 générations de chrétiens qui ont eu la liberté de penser comme ils l’entendaient sur Dieu, sur Jésus-Christ, sur les rites… Ensuite, la volonté de l’empereur de Rome et des autorités religieuses, bien des chrétiens au cours des siècles et des millénaires suivants ont continué à penser que Jésus est de même nature, exactement, que vous et moi, même s’il est un humain particulièrement inspiré et proche de Dieu, et qu’il a reçu une vocation tout à fait spéciale d’être le Christ, mais sans être Dieu pour autant.
C’est donc à vous de développer votre propre pensée sur Jésus-Christ, en lisant les Évangiles, en réfléchissant, en observant, en priant. On a le droit de tâtonner, de chercher, de se poser des questions et d’évoluer, bien sûr. C’est même le programme que suggère Jésus explicitement et dans sa façon de poser des énigmes. Si Jésus est un humain comme nous, il n’y a alors bien sûr pas de problème à comprendre pourquoi est-ce que Jésus prie Dieu. Il le fait régulièrement dans les Évangiles, particulièrement dans les moments un peu délicats de sa mission. Il en arrive même, sur la Croix, à prier en disant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». À ce moment-là, il ne sent plus du tout la présence de Dieu à ses côtés et il est déçu par cette impression douloureuse que Dieu ne fait rien pour venir à son secours… mais néanmoins Jésus prie Dieu, lui disant sincèrement ce qu’il a sur le cœur, ce qu’il reproche à Dieu. C’est ce que l’on peut faire avec un ami en qui l’on a confiance. Même dans le doute, Jésus fait ce choix. C’est inspirant.
Théodicée : Le Mal, la Création Inachevée et la Vie Terrestre
Le Problème du Mal et la Création en Chantier
3) Dieu crée le monde et constate qu’il est parfait. S’il est parfait, pourquoi le mal ? (qu’il a dû prévoir étant omniscient) et surtout pourquoi vient-il sur Terre pour nous dire de ne rien miser sur la vie terrestre ? C’est un désaveu de la création, non ?
J’ai fait une prédication récemment sur ce sujet : Théodicée : Dieu est bon, pourquoi le mal ? Vous pouvez la lire ou la regarder pour avoir plus de détails, mais en deux mots : La création est encore en chantier, Dieu n’a pas encore fini de créer un monde parfait, il est en train de poursuivre son évolution. Cela fait que dans ce monde il y a de belles choses qui marchent bien, et il y a encore du chaos qui est source de catastrophes, de souffrances, de maladies. L’idée que le monde aurait été créé parfait à l’origine serait donc une légende qui fait beaucoup de tort, effectivement. C’est encore pire qu’on dit que Dieu avait tout créé parfait au début et c’est la faute de l’humain qui a tout déréglé. C’est vrai que la maladresse et la méchanceté de l’humain sont sources de souffrance, mais il ne faut pas non plus tout nous mettre sur le dos, nous sommes par exemple innocents du fait qu’un énorme astéroïde est venu frapper la terre et a provoqué la disparition de 9/10 de la vie sur terre, et en particulier la disparition des dinosaures.
L’Importance de la Vie Terrestre selon Jésus
Jésus ne nous a absolument pas dit de ne rien miser sur la vie terrestre. Au contraire, oserais-je dire :
- Il nous dit que c’est la meilleure partie de notre être vivant qui reste vivante après notre mort. C’est donc particulièrement important de développer d’une belle façon notre être vivant en ce monde.
- Si la vie en ce monde n’était pas tellement importante, Jésus nous aurait dit simplement de ne pas nous préoccuper de tout cela, de faire le minimum pour vivre et pour le reste : de rester tranquillement à prier dans notre coin. Ce n’est pas du tout ce qu’il fit, certes il nous conseille de prier, mais il nous conseille aussi d’aimer notre prochain pour avoir compassion de celui qui a besoin, parce que la vie en ce monde est importante.
- On voit que Jésus aime la vie sur cette terre, il aime être avec les personnes qu’il aime, il aime essayer de faire du bien autour de lui. Il est loin de rester tout le temps dans la solitude pour être dans le spirituel. Il se donne des temps où il se construit grâce à sa spiritualité, dans sa réflexion et dans la prière. Mais aussi, bien souvent il est dans l’action pour accomplir sa propre vocation. On le voit souvent manger et boire dans de grands repas, et il y a aussi des temps où il se repose.
L’idée de se désintéresser de la vie terrestre n’est donc pas du tout biblique. Cela se trouve plutôt dans d’autres religions ou philosophies. Comme vous dites, les premières pages de la Bible affirment que la création de ce monde est bonne. Que Dieu nous place dans sa création comme dans un « jardin des délices », le bonheur en ce monde ne nous est donc pas interdit, cela fait partie des bénédictions de Dieu, notre vie dans toute ses dimensions est une bénédiction à vivre. Jésus le confirme en disant que Dieu aime ce monde, il l’aime au point de nous donner le Christ pour nous aider à la vivre d’une plus belle façon grâce à son aide (Jean 3:16).
Souffrance Innocente, Libre Arbitre et l’Action de Dieu
La Limite du Libre Arbitre Humain Face au Mal
4) Les faits divers quotidiens ont entamé ma foi. Récemment, l’exemple de la petite Lola qui a vécu l’horreur avant de mourir. Franchement, Dieu ne peut pas intervenir ? C’est complètement absurde et révoltant. S’il ne s’est pas occupé de cet enfant martyr, comment croire qu’il va être réceptif à nos misérables prières quotidiennes ?
Là vous touchez à une seconde cause de l’existence du mal et de la souffrance en ce monde. Il n’existe pas dieu méchant qu’on appellerait, par exemple, le diable. Par contre l’humain, peut être diabolique : il est une créature douée d’une certaine liberté et capable de création, cela implique la possibilité de faire du bien et de faire du mal. C’est vrai, comme vous le dites, Dieu n’a pas les moyens de nous empêcher d’agir selon notre libre arbitre. Bien sûr il essaye de nous convaincre de faire le bien et non le mal : il nous appelle, il cherche à nous inspirer en nous aimant lui-même, il nous envoie de bonnes personnes pour nous aimer et nous conseiller… mais Dieu ne peut pas agir avec violence, ce serait contradictoire avec sa façon d’être. Il ne peut donc pas foudroyer ou paralyser la personne qui a décidé d’aller faire le mal et de torturer une gamine.
Comment la Prière et la Foi Peuvent Aider à Agir contre le Mal
Mais ça ne veut pas dire que Dieu n’est pas puissant. Il nous aide à évoluer, et pour cela : il nous accompagne et il travaille pour nous inspirer de belles choses, il nous aide à nous poser des questions afin que nous ayons une conscience plus éclairée, il cherche à ouvrir notre cœur à la compassion et à nous faire discerner ce que nous pourrions faire en ce monde pour le rendre plus beau, participer avec lui à faire un monde plus beau, plus juste, plus fraternel.
Pour plus de précision, voir peut-être cette question : Théodicée : pourquoi Dieu a donné à l’humain la liberté de faire le mal, pas seulement le bien ?
Et oui, Dieu, écoute nos prières. Vraiment. Cela ne veut pas dire qu’il va faire ce qu’on lui demande, bien sûr. Pour plusieurs raisons : c’est qu’il ne peut pas faire tout et n’importe quoi dans l’instant. Quand une personne meurt de faim, Dieu n’a pas de pain quelque part dans le ciel pour le déposer devant la bouche de cette personne : il voit quand nous avons faim, avant même que nous demandions du pain. Il cherche à faire avancer la situation en attendrissant le cœur de personnes qui pourraient venir à notre aide en urgence. Il cherche aussi à nous ouvrir les yeux sur différentes possibilités que nous aurions pour avoir une vie plus à l’aise.
Du coup, il ne me semble pas forcément utile de dire à Dieu à ce que nous aimerions qu’il fasse car nous risquons d’être déçus, mais aussi parce que Dieu sait bien mieux que nous ce qu’il peut, et ce qu’il veut faire de mieux pour nous. Pourtant, il me semble important de partager avec Dieu les soucis, les projets, les espérances que nous avons dans notre cœur. Parce que cette prière nous ouvre pour mieux apercevoir des chemins nouveaux que nous n’avions même pas imaginés. Dieu peut aussi nous aider à travailler avec lui et avec d’autres pour avancer sur ces sujets. Cette réponse de Dieu à nos préoccupations ne sera que rarement une voix qui va nous dire ce que nous devrions faire. Mais il est fréquent que, ayant prié, des pistes de solutions surgissent dans notre vie et dans notre tête, comme par miracle.
Et si le doute vous prend ? De toute façon, cette sorte de réflexion intérieure que nous avons dans la prière est un magnifique exercice au soir de notre journée : il nous aide à repérer et à nous réjouir des petites et des grandes choses qui nous sont arrivées dans notre journée, il nous aide peut-être aussi à nous dire nos regrets pour ce que nous avons manqué, et notre plainte de ce qui nous fait souffrir, ou nos projets que nous aimerions réaliser ou voir arriver. Même s’il n’y avait pas de Dieu, faire régulièrement cet exercice est génial. Quand nious avons comme théologie, ou comme idéal ce qu’a manifesté Jésus, cela me semble encore mieux. Cet idéal vous anime manifestement dan svotre mail : un idéal de bonté et de compassion pour ceux qui souffrent, un idéal de belle vie heureuse et juste en ce monde. Alors, mettant en regard notre vie face à ce bel idéal, cela a bien des chances de nous inspirer, et de faire que le lendemain, déjà, nous aurons une façon d’être dans notre propre vie qui sera plus belle.
Mais en plus, Dieu, à sa façon, est source d’évolution et de vie. Il vous bénit et vous accompagne en abondance.
par : pasteur Marc Pernot
PS. Voir éventuellement cette question : La prière est-elle un monologue ou un dialogue ?
