
Qui suis-je ? Une méditation et prière de Dietrich Bonhoeffer
Bonhoeffer est une star ! Plusieurs films sortent sur la vie de cet homme (avec les approximations habituelles de ces productions). C’est vrai que le sujet mérité cette attention. Surtout en ce moment où disparaissent les derniers témoins de ces heures extrêmement sombres.
Je vous propose cette réflexion / prière d’une sincérité essentielle. Dietrich Bonhoeffer est incarcéré est emprisonné depuis 15 mois lorsqu’il écrit ce texte (début juillet 1944).
Bien sûr, nous ne sommes que rarement dans une situation aussi dramatique que la sienne, mais il n’empêche, le Bonhoeffer de cette prière nous ressemble étrangement, cette ambivalence qu’il ressent ne nous est pas (ne m’est pas) inconnue. Nous essayons de donner bonne figure, de ne pas inquiéter ou décevoir ceux qui nous aiment, comme Bonhoeffer (cela n’est pas à critiquer, mais à comprendre). Il y a aussi l’écart entre ce que nous aimerions être et ce que nous sommes (c’est normal car un idéal est inatteignable, sinon ce n’est pas un idéal).
C’est pourquoi j’aime ce texte. Et sa conclusion en deux lignes : parfaite. En effet, Dieu nous bénit et nous accompagne.
par : pasteur Marc Pernot
Qui suis-je ? Souvent ils me disent
Que je sortiras de ma cellule
Détendu, ferme et serein,
Tel un gentilhomme de son château.
Qui suis-je ? Souvent ils me disent
Que je parlerais avec mes gardiens
Aussi libre, amical et clair
Que si j’allais donner des ordres.
Qui suis-je ? De même ils me disent
Que je supporterais les jours de malheur.
Impassible, souriant et fier,
Comme un homme accoutumé à vaincre.
Suis-je vraiment celui qu’ils disent de moi ?
Ou seulement cet homme que moi seul connais ?
Inquiet, nostalgique, malade, pareil à un oiseau en cage,
Cherchant mon souffle comme si on m’étranglait,
Avide de couleurs, de fleurs, de chants d’oiseaux,
Assoiffé d’une bonne parole et d’une proximité humaine,
Tremblant de colère devant l’arbitraire et l’offense mesquine,
Agité par l’attente de grandes choses,
Craignant et démuni pour des amis dans un lointain sans fin,
Si las, si vide que je puis prier, penser, créer,
N’en pouvant plus et prêt à l’abandon ?
Qui suis-je ? Celui-là ou celui-ci ?
Aujourd’hui cet homme et demain cet autre ?
Suis-je les deux à la fois ? Un hypocrite devant les hommes
Et devant moi un faible, méprisable et piteux ?
Ou bien ce qui reste en moi ressemble-t-il à l’armée vaincue,
Qui se retire en désordre devant la victoire déjà acquise ?
Qui suis-je ? Dérision que ce monologue.
Qui que je sois, tu me connais, je suis tien, ô Dieu !
Dietrich Bonhoeffer (1906, 1945),
pasteur, théologien, activiste
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