02 décembre 2024

Un homme s'inclie en prière après avoir lu la Bible sur sa table de salle à manger - Image by Malachi Cowie from https://pixabay.com/photos/bible-prayer-faith-christian-6948549/
Foi

L’intérêt d’avoir une vraie relation authentique d’amour avec le Seigneur, faut-il privilégier d’avoir avec lui une relation de cœur plutôt que de raison ?

Question posée :

Bonjour Pasteur Marc

Bien que de religion catholique je suis bien intéressé par le protestantisme. Ça m ouvre l esprit à la différence. Comme vous l’avez indiqué sur la première page questions réponses, nul ne détient la vérité. C’est pourquoi je suis ouvert à tout ce qui peut m édifier, me redresser, me remettre en cause , me reconstruire, par la lecture de l’ évangile, l’ interprétation des textes , mais aussi par la psychologie.
Et je voudrais savoir comment est vécu ce temps de préparation de Noël pour les protestants. Y a t’il une différence avec le temps de l’ avent chez les catholiques.
J’ étais lecteur dernièrement dans une chapelle d une epahd pour la messe dominicale. Et après la lecture de la DEUXIEME LECTURE – Première lettre de Saint Paul apôtre aux Thessaloniciens 3, 12 – 4, 2 3 « Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous. 13 Et qu’ainsi il affermisse vos coeurs
les rendant irréprochables en sainteté devant Dieu notre Père, lors de la venue de notre Seigneur Jésus avec tous les Saints. Amen. »
Le prêtre qui officiait a fait un sermon portant sur l intérêt que nous devons avoir une vraie relation authentique d amour avec le Seigneur.
Ça rejoint tout à fait ce que j’ ai entendu sur un débat télévisé où un intervenant disait qu’il privilégie d avoir une relation de coeur plutôt que de raison.
C’est certain qu après une grande épreuve, j’ ai connu certaines personnes me dire en vouloir à Dieu parce qu’ils ne comprenaient pas.
Personnellement, dans certaines épreuves, j’ ai essayé d analyser le pourquoi. Y a t’il une logique. Eh bien non, il ne peut y avoir de logique bien souvent dès lors que ça n a pas été voulu, recherché ou par maladresse.
Nous avons une inclinaison naturelle pour notre chair de vouloir comprendre. C’est naturel. Chercher à trouver des solutions , c’est bien. C’est ce qu il faut faire dans la vie pour ses propres besoins ou des autres. Et je pense que, c’est mon avis personnel, quand on ne trouve pas de solution, il faut vivre autrement et chercher à s adapter à une nouvelle situation.
L’ essentiel est d’ être bien en soi même pour être bien envers les autres. S aimer soi même pour mieux aimer les autres.
J’ avais lu dans un livre spirituel que de nos profonds attachements naissent parfois des souffrances. J’ essaie bien souvent de penser à cela. Et ça m aide beaucoup.
Je voudrai connaître votre point de vue sur ce que je viens d évoquer.
Merci pour votre réponse.
Je vous souhaite un bon temps pour cette période avant Noël.
Et longue vie à votre site.
Gérard

PS. J’ ai connu des gens qui étaient profondément attachés par exemple à un enfant. C’est bien normal d être beaucoup aimant avec ses enfants et en quelque sorte d être attaché à prodiguer tous les soins et besoins de nos enfants. Le problème, c’est que parfois, parfois seulement, il peut y avoir le malheur de perdre un enfant. C’est extrêmement grave et difficile pour remonter la  » pente « . Je ne suis pas concerné à ce jour personnellement. Je ne peux pas en parler aussi bien que ceux qui vivent cette expérience douloureuse.
Cependant, j’ ai vu malheureusement certaines personnes qui ont sombré, à cause qu ils n’ont pas pû se  » détacher ». Et ils se sont mis dans l alcoolisme, la drogue, etc… pour oublier le problème. Et pour certains que j’ ai connus , ça a fini dans la maladie, le désespoir et le suicide.
C’est pourquoi je disais de nos profonds attachements naissent parfois, lorsqu’ on perd ce qui tient tant à notre cœur , ça peut nous faire sombrer.
Voilà ma petite explication.

Réponse d’un pasteur :

Cher Gérard

Merci pour vos encouragements.

Bravo pour votre engagement spirituel qui trouve aussi la force du service et d’un questionnement renouvelé, avec une belle ouverture d’Esprit. C’est formidable.

Comme votre prêtre, je suis très attaché à accorder une grande importance à une relation avec Dieu forte, sincère et aimante avec Dieu.
J’ajouterais l’importance d’avoir une relation confiante en son amour à lui, Dieu. Notre amour à nous (au sens du sentiment religieux) est ce qu’il est, toujours relatif, mêlé de quantité de choses, et aussi variable que la météo. C’est normal. Tant de choses influent sur notre humeur. C’est pourquoi il me semble certes génial de mettre l’accent sur cette expérience de notre sentiment spirituel, une joie et une sève qui irrigue notre être. Mais je ne mettrais pas tous nos œufs dans le même panier. C’est un grand risque, comme vous le dites à propos d’une personne qui connaît un grand drame. C’est trop compter sur nos forces humaines, l’amour de Dieu est d’un autre bois que le nôtre, infiniment plus stable et solide, éternel. C’est là le roc inébranlable. Pas notre propre amour pour Dieu. Il est inspiré par l’amour de Dieu. C’est pourquoi, dans ce domaine, je mettrais en premier la contemplation, la méditation sur les qualités de Dieu. Nous rappeler encore et encore son amour à lui, s’ouvrir à l’émerveillement devant l’existence de l’Univers et sa surprenante beauté (même si l’univers n’est pas – encore – parfait, évidemment). Cela permet d’espérer que notre amour à nous pour Dieu puisse grandir et se fortifier.

Ensuite, qu’entend-on par « aimer Dieu » ? Ce n’est pas, je pense, uniquement une question de cœur, c’est-à-dire, dans notre langage contemporain, une question d’émotion et de sentiments. Ce serait bien dommage d’opposer cela à la tête, à la raison. L’être humain est un être complexe, tissé de nombreuses dimensions. L’ensemble forme un tout. Comme dans le corps humain, le cœur ne peut pas dire aux poumons « je suis plus important que vous » et les poumons ne peuvent pas dire au cœur « nous sommes en premier ». C’est une équipe et il n’est pas bon de privilégier un par rapport aux autres. Le mieux est de considérer l’humain comme un ensemble dont toutes les parties sont essentielles chacune pour sa part, et de les harmoniser sans les opposer. C’est d’ailleurs ce que dit le fameux « Shema » essentiel dans la spiritualité juive : « Écoute, Israël ! L’Éternel, notre Dieu, L’Éternel est un. Tu aimeras l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » (Deutéronome 6 :4) Dans ce contexte, le « cœur » n’est d’ailleurs pas le sentiment, mais plutôt le cœur de notre être, notre façon de prendre une décision. À ces 3 dimensions, Jésus ajoute « l’intelligence », la pensée, la réflexion personnelle et le débat intérieur. Cela est vraiment ajouté par Jésus (Marc 12 :30). Par contre, il n’a pas ajouté « tu aimeras l’Éternel de toutes tes tripes », les entrailles étant le lieu des sentiments dans la culture de l’époque. Ce n’est donc pas le sentiment et l’émotion spirituelle que Jésus met en avant. À mon avis, le sentiment fait partie d’aimer Dieu de toute son âme, c’est-à-dire de notre être vivant entier, ce qui comprend certes les sentiments.

Aimer Dieu de toutes ses forces est aussi important, car cela comprend, je pense, l’action en faveur de notre prochain (c’est ce qu’explique ensuite Jésus, Marc 12 :31). Nous savons combien il est enrichissant pour notre foi de découvrir la beauté de chaque personnalité humaine et d’entrer en relation avec elle.

Jésus nous propose ainsi une écoute de Dieu, s’ouvrir à cette source par toutes les dimensions de notre être, y compris les actes de notre vie quotidienne et notre réflexion personnelle. C’est effectivement des choses que nous pouvons choisir de travailler volontairement. En nous engageant et en prenant la peine d’étudier et de nous poser des questions, en ayant le courage de nous faire notre propre opinion. Comme vous le faites. Jésus ne fait pas que de le dire ici, il manifeste cela par ses actes : ses actes de service des autres, et dans son enseignement qui fait appel à l’intelligence de ses auditeurs : Sa parole est complexe, souvent paradoxale ou exagérée, ses paraboles dérangent notre logique, et quand ses disciples s’en plaignent, il explique que c’est tout à fait délibéré. Il est velu pour brouiller les idées simplistes.

La foi « du charbonnier », comme on dit (ce qui ne dit rien de ces hommes courageux qui effectuaient dans le temps cette tâche ardue), qui se contente de la piété du cœur, du sentiment, est une foi fragile. Comme vous le dites, quand vient une épreuve terrible, elle manque de profondeur et risque bien de sécher en un instant. Alors qu’en ayant pris le geste de se poser mille questions, si notre théologie n’est pas cohérente avec la réalité de ce qui arrive, je suis plus armé pour faire évoluer ma théologie au lieu de perdre d’un coup la foi en Dieu, au pire moment : quand mon être est éprouvé. D’où la place de la pensée qui est essentielle.

Olivier Roy nous met en garde, il me semble, sur cette tendance contemporaine à privilégier l’émotion religieuse sans réflexion théologique (« La Sainte Ignorance : Le temps de la religion sans culture »). C’est fragile, c’est dangereux, et cela nourrit une façon de vivre sa foi de façon potentiellement dangereuse et intolérante pour les autres, sans discussion possible.

Par contre, je suis tout à fait du même avis que votre prêtre pour l’importance de mettre son cœur, son émotion, ses sentiments, ses tripes, sa sincérité, son ouverture dans notre écoute de Dieu par la prière. Une foi qui serait purement intellectuelle, cérébrale, serait trop sèche, triste. Comme d’ailleurs un couple qui ne serait qu’un mariage « arrangé », une alliance rationnelle. Le sentiment ajoute une part de glamour, quand même. Avec bien entendu des hauts et des bas en ce domaine. Mais le sentiment donne une dimension extraordinaire au couple, évidemment. De même pour notre foi.

L’intelligence, la tête, peut devenir arrogante, elle peut être prise par l’hubris (l’orgueil humain), bien sûr. C’est pourquoi il n’est pas bon non plus de la laisser seule dominer. Le « Shema » de Jésus comprend quatre dimensions à équilibrer. Comme vous dites, il existe des situations qui ne répondent à aucune logique. Par exemple, la mort d’un enfant par leucémie. Cela ne répond à aucune logique, cela ne vient absolument pas de Dieu (quand cela arrive, la volonté de Dieu n’est pas faite, comme Jésus nous invite à le prier dans le Notre Père). Il serait nocif de chercher une logique là où n’y en a pas, encore pire de supposer que Dieu pourrait avoir voulu d’une certaine façon ce scandale ultime. C’est inexplicable par l’intelligence, mais ce n’est pas contraire à l’intelligence : du hasard, du chaos existe dans l’univers et, par définition, il ne répond à aucune logique. Une saine réflexion peut prendre cela en compte. Et le sentiment d’amour pour Dieu, la confiance en lui, la détermination à agir avec lui face au scandale de la maladie et à la souffrance de ceux qui sont éprouvés : tout cela est particulièrement précieux dans ces circonstances.

Avec encore mes félicitations pour la profondeur de votre cheminement,

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : pasteur Marc Pernot

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3 Commentaires

  1. Pascale dit :

    L’intérêt de ne pas surévaluer le côté émotionnel de la foi, c’est aussi de ne pas se sentir nul pendant les périodes sans, ne pas s’imaginer que nos émotions sont liées à la présence de Dieu, voire ne pas se sentir supérieur à ceux qui n’ont pas cette dimension dans leur foi.
    Je pense qu’il y a tout de même une hiérarchie, dans le sens où une foi sans sentiment me paraît préférable à une foi sans réflexion. C’est d’ailleurs la réflexion qui permet une vraie rencontre avec l’autre, au sens propre du terme, c’est à dire celui qui n’est pas comme moi. L’émotion collective (ce n’est pas ma tasse de thé) suppose d’être plutôt dans un même moule.

    1. gerard dit :

      J’ avais lu un livre d un Pasteur, où un article commentait que notamment lors de grande épreuve, lorsque nous sommes complètement  » abattu  » , nous avons l’ impression, le sentiment que Dieu est bien loin de nous, voire qu il est à 1 million de kms.
      Et effectivement , c’est là que l on peut s appuyer sur la raison, le bon esprit de savoir , d’ avoir lu le verset  » Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » chapitre 28.20 de St Mathieu

  2. Gérard dit :

    En cette relation avec Dieu, me concernant , ce qui m apporte la quiétude, c’est aussi de croire qu’il m aime très fort premièrement, que je vivrai après ma mort terrestre deuxièmement ( je crois que Dieu a créé toute chose pour que cela ne s arrête pas, pour vivre autrement et avec Jésus.
    Mon papa a vécu une expérience aux frontières de la mort, il m’a raconté. Cela a conforté ma croyance d une vie après la vie. Et actuellement ça m aide aussi à rester serein lorsque certains points de ma vie ne vont pas comme je le voudrais .

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