18 juillet 2019

Un prêtre donne une hostie à une personne au cours de l'eucharistie catholique - Image parJoão Geraldo Borges Júnior de Pixabay
Question

Je refuse systématiquement de participer à l’eucharistie catholique, j’ai raison ?

Un prêtre donne une hostie à une personne au cours de l'eucharistie catholique - Image parJoão Geraldo Borges Júnior de Pixabay

Question posée :

Monsieur le Pasteur,

Je me posais dernièrement une question sur la communion et notamment les divergences en termes d’interprétation/de pratique entre catholiques et protestants. Mon amie est catholique et je suis amené à me rendre plus ou moins régulièrement à des messes (mariages, baptêmes ou tout simplement pour l’accompagner). Au cours de celles-ci, je refuse systématiquement d’aller communier, ne souscrivant pas, en tant que protestant, à la pratique/conception catholique de la communion. J’aurais ainsi aimé savoir si ce refus de principe était justifié (la conception et la pratique de la communion chez les catholiques ne comportent elles pas un risque d’idolâtrie ?) ou si je ne faisais preuve que d’intolérance (mais, sur le ton de la boutade, dire qu’un protestant est intolérant, c’est un peu un antithétique non ?).

Je vous remercie par avance pour votre réponse.

Réponse d’un pasteur :

Bonsoir Monsieur

Chacun fait ce qu’il veut, bien entendu. Dans le domaine de l’acte religieux il me semble qu’il convient d’être pragmatique. La bonne pratique religieuse est celle qui développe le bien dans la personne concernée et dans son entourage. La sincérité est en particulier une dimension fondamentale. Ce sont là des principes assez simples pour discerner ce qui nous convient. L’application de ces principes est parfois plus complexe, et c’est bien normal car la vie humaine est riche de bien des dimensions, et la vérité n’est pas seulement en noir et blanc, mais en demi teintes et en plusieurs dimensions. En ce qui concerne la participation à la Communion dans une autre église, une personne n’est pas d’accord avec tous les aspects de ce geste mais il reste quand même la dimension de communion au Christ qui est en commun (ce qui n’est pas rien). L’accord ou le désaccord sont donc partiels. Il y a aussi la dimension relationnelle et communautaire, entre chrétiens, et en ce qui vous concerne la dimension de couple et de respect mutuel avec votre femme. En même temps, le respect n’implique pas jouer une comédie mais peut se vivre dans la sincérité en assumant une légitime spécificité de chacun…

Quoi qu’il en soit, vous avez raison de faire selon ce que votre propre conscience et sensibilité vous indique, et de l’expliquez tranquillement et respectueusement comme vous le faites. Votre participation régulière à la messe avec votre femme, et d’elle au culte avec vous est déjà une belle façon de vivre cette communion entre chrétiens dans votre couple.

Personnellement, je participe avec joie à l’eucharistie catholique chaque fois que j’y suis invité, ce qui m’arrive plusieurs fois par an. Cela est plus simple de participer ainsi quand on y est formellement invité en qualité de protestant, car c’est plutôt cela qui, personnellement, m’empêche de participer quand je participe à une messe en tant qu’individu anonyme, c’est que je ne sais pas si le prêtre et sa communauté catholique m’inviteraient s’ils savaient que je suis protestant (cela dépend du prêtre et de la paroisse).

Oui, il y a un risque d’idolâtrie pour certains catholiques dans leur rapport à des sacrements et à des doctrines hautement sacralisées. Mais ce risque existe aussi pour nous , protestants, bien sûr, chacun à sa façon. Nous avons tous, nous avons chacun, de toute façon, à lutter contre notre propre tendance à idolâtrer notre point de vue et notre personne. C’est pourquoi la pratique de l’œcuménisme est une bonne chose pour nous, cet effort de compréhension de l’autre, de reconnaissance de ce qui nous unit et de ce qui diffère (dans le respect mutuel), ce dialogue entre chrétiens nous aide non pas à lutter contre l’idolâtrie de l’autre, mais contre notre propre idolâtrie. Et c’est très favorable à notre foi, à notre réflexion, à notre relation à Dieu, à nous-même, et aux autres. Car oui, malheureusement, un protestant peut largement être aussi intolérant et sûr de lui qu’un catholique, qu’un juif, un musulman ou un athée…

La différence entre les communions catholiques et protestantes ne sont pas aussi grandes théologiquement qu’on le pense parfois, à mon avis. La présence « réelle » du Christ est dans les deux cas affirmée, pensée, vécue. Et c’est de cela que nous nous nourrissions, dans cette communion avec le Christ. En effet, même si pour le catholicisme des fidèles la présence du Christ dans l’hostie reste assez mystérieuse, pour les théologiens catholiques, ils sont bien d’accord pour dire qu’il n’est pas question de comprendre la notion de « substance » au sens moderne du terme comme si l’ADN de Jésus était devenu présent dans l’hostie ou le vin consacrés, nous sommes donc bien d’accord, en réalité sur le côté spirituel de la présence du Christ dans la communion.

Il existe néanmoins des différences d’accentuations qui ne sont pas négligeables :

  • Le protestantisme voit le geste de la communion comme un moyen au service de l’approfondissement de la communion avec le Christ, avec comme fruit une communion croissante avec nos prochains. C’est ainsi que même le plus grand des pécheurs, même un non baptisé est invité à la communion à l’église protestante.
  • Le catholicisme voit plus la communion comme un signe d’une communion profonde entre croyants, dans l’église, permettant une communion au Christ. C’est pourquoi la participation d’une personne en profonde rupture avec les autres pose un problème de cohérence dans cette façon de concevoir ce geste.

C’est ainsi plus une question de pédagogie qu’une question vraiment de théologie.

  • Le protestantisme insiste plus sur la transcendance infinie de Dieu et de sa grâce qui accueille chacun sans condition, le « prenez et mangez » évoque la foi, cette démarche personnelle de l’individu, le résultat étant le « ceci est mon corps » du Christ, une humanité un peu plus réconciliée en lui et par lui. Pour le protestant le corps du Christ n’est pas le morceau de pain, mais c’est la communauté vivante par la foi en Christ,
  • Le catholicisme insiste plus sur l’incarnation de la Parole de Dieu en Christ, il insiste plus sur l’église comme vecteur du salut, sur le sacrement comme essentiel dans cette économie. Ce n’est pas faux non plus.

Donc, personnellement, quand je suis invité à l’eucharistie, je participe avec joie. Quand je ne suis pas invité et que je pense que cela pourrait choquer que je participe, je m’abstiens. Quand je ne suis pas invité particulièrement et que je pense que personne ne sera choqué, je fais comme pour la communion protestante, je participe si cela m’inspire de participer ce jour là, ce qui n’est pas systématique, cela dépend de mon humeur, des personnes avec qui je suis, du temps qu’il fait…

« Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Corinthiens 3:17).

Dieu vous bénit et vous accompagne.

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Si vous voulez, vous pouvez voir aussi, dans le petit dictionnaire de théologie :

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8 Commentaires

  1. X dit :

    Bonjour
    Je suis catholique mais ne communie pas pour l instant
    Si j ai bien compris, vous n y mettez pas le même sens que les kto
    Alors voir une protestante prend l eucharistie comme si c était le pain du culte, personnellement je comprends pas
    Soit j ai pas compris un truc soit d un point du vue purement dogmatique cela me semble pas  » juste »
    Cordialement

    1. Marc Pernot dit :

      Bonjour X
      La grande différence entre la communion catholique et la communion protestante n’est pas tellement dans la nature du pain, car nous sommes tous d’accord que l’hostie consacrée reste de la cellulose et n’est pas devenue des protéines. Nous sommes donc bien d’accord, catholiques comme protestants, que la présence du Christ est spirituelle, et non matérielle.

      La grande différence entre la communion catholique et la communion protestante est plutôt la place de ce sacrement dan sle chemin de fou de la personne :

      • Pour les églises protestantes, le sacrement est donné à toute personne qui le désire, en vue de nourrir son cheminement vers une plus grande communion avec Dieu en Christ. C’est ainsi que Jésus donne le pain à Judas bien qu’il ait déjà décidé de le trahir.
      • Pour l’église catholique, la communion n’est donnée qu’à une personne qui est en communion avec l’église sur le plan de la pensée et de la vie.

      Mais à chaque fois qu’un prêtre me propose de recevoir l’eucharistie, je l’ai fait avec joie, car je me sens effectivement en communion avec toute personne qui reconnaît Jésus comme Christ.

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