10 avril 2025

Un oeil qui regarde attentivement, avec l'air un petit peu sévère - Photo de Abbat sur https://unsplash.com/fr/photos/oeil-de-personnes-dans-la-photographie-en-gros-plan-MjTUbkC12qg
Ethique

Perspective : « Tout est permis, mais tout n’est pas utile … » (pasteure Elisabeth Schenker)

N°48 d’Une perspective à la foi
Église Protestante de Genève.
Un encouragement à réfléchir, discuter :
par exemple dans les commentaires ci-dessous.

En lisant la suite du chapitre 10 de la première lettre aux Corinthiens, le lecteur s’apercevra vite que non, en fait, tout n’est pas vraiment permis. Que la liberté de manger de la viande a un prix. Celui du regard des autres, celui du jugement porté, celui de sa conscience. D’aucuns sourient peut-être devant la résurgence du thème : car si de nos jours, la question de manger de la viande ou pas -et si oui laquelle- reste encore religieuse pour certains, morale, diététique ou politique pour d’autres, elle n’échappe pas plus facilement au moralisme qu’au temps de l’apôtre.

D’où nous viennent ces jugements que l’on porte sur ce qu’il est permis de faire ou pas, quels en sont nos critères ? Celui que Paul nous propose est celui de l’utilité ; ce faisant ne serait-il pas l’ancêtre d’une sorte d’utilitarisme, en vue non pas du plus grand bonheur de tous, mais du salut du plus grand nombre ?

Le Christ n’y aurait-il donc pas suffit ?

Hé oui, être chrétien.ne vraiment libéré.e n’était semble-t-il pas plus facile hier qu’aujourd’hui. Celui qui oserait faire fi de l’écriture inclusive aujourd’hui ne se verrait-il pas accusé de sexisme ? Dans quelle mesure nous sentons-nous encore libres, aujourd’hui, de penser différemment et de dire ce que l’on pense, de peur d’être accusés d’être « trop ceci » ou « pas assez cela » ? De faire aujourd’hui ce que l’on croit juste et bon, sans être pris pour des boucs émissaires par des groupes d’individus qui pensent, si l’on peut appeler ça penser, détenir LA vérité ? Aucune vérité propre pourtant, qu’elle soit intime ou communautaire, si belle soit-elle, ne détient ce pouvoir de nous « permettre » de faire ou d’être, d’échapper aux aliénations.

« Le chrétien est l’extraordinaire de la liberté » écrivait Kierkegaard ; « ou mieux, son ordinaire ! Sauf qu’il est extraordinairement rare, mais il est ce que chacun de nous devrait être »[1]. Les carcans ont la peau dure. Dieu merci, celle de l’espérance chrétienne l’est plus encore, précisément parce que la seule vérité en mesure de nous rendre vraiment libres, sans jamais menacer la liberté de notre prochain, a pris corps et visage. Car en effet, la vérité n’est pas une idée comme le dit si bien le poète. Depuis la dernière Pâque de Jésus de Nazareth, elle est Présence.

En cela Paul a visé juste : pour qui reçoit la grâce de savoir le tutoyer, c’est le Christ qui est seul Seigneur. Il est notre Sauveur. Et dans ce « nous » se tient l’humanité toute entière.

Elisabeth Schenker, pasteure

[1] Soren Kierkegaard, L’instant, Œuvres complètes, p. 177.

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