Marc Pernot le 18 août 2024
Prédication

Un bon berger et une porte pour les brebis (Jean 10:1-21 – Paraboles de Jésus selon Jean 1/2)

Cette parabole de l’Évangile selon Jean comprend 2 des 7 « je suis » de Jésus, présentant ce que Dieu entend par un humain accompli : un berger pour d’autres, et une porte faisant entrer afin de faire ensuite sortir autrement, en liberté.

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

pasteur Marc Pernot

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(Voir le texte biblique ci-dessous)

texte de la prédication à imprimer

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 18 août 2023,
par : pasteur Marc Pernot

Prédication

Les paraboles selon Jean ne ressemblent pas à celles que l’on trouve dans les autres évangiles. C’est dû au fait que Jean a retenu les paroles de Jésus qui conviennent le mieux à son public, manifestement cultivé et philosophe, qui n’est pas le même public que les trois autres évangiles. Ses paraboles sont encore plus comme des diamants qui reflètent de multiples éclats de couleurs vives. Je vous propose celle du Chapitre 10.

« Moi, je suis »

Ce texte est manifestement capital dans l’Évangile selon Jean. Deux indices nous le montrent. D’abord, quand Jésus introduit un enseignement par « Amen, amen, je vous le dis », c’est qu’il insiste, qu’il y met toute sa sincérité, sa conviction, sa théologie, sa foi. Ensuite, l’Évangile selon Jean est construit autour de sept déclarations de Jésus disant « moi je suis » quelque chose, et nous avons dans cette parabole deux de ces « moi je suis », au centre de la série de sept. Ces « moi je suis » de Jésus font penser à ce fameux dialogue où Dieu se présente à Moïse un peu de la même façon, sauf que le nom qu’il se donne n’est pas « je suis » au présent (Ἐγώ εἰμι), mais au participe présent « l’étant » (ὁ ὤν), l’être même, l’être en soi. C’est plus qu’une nuance. Mais c’est exact qu’il y a un rapport. Il y a une filiation et c’est précisément ce que nous disent ces « moi, je suis » : ils dressent un portrait du Christ comme figure de l’humain tel que Dieu l’a toujours espéré, tel qu’il le crée. Et ces « moi, je suis » nous disent non seulement cet idéal, mais aussi qu’en Jésus, en cet homme de Nazareth, ce n’est pas seulement un rêve.

Historiquement, le Christ berger et porte

Ces figures du Christ comme berger et comme porte ont été très importantes historiquement. Lors des quatre premiers siècles, la croix n’est que le souvenir d’un supplice épouvantable et le Christ n’est jamais représenté en croix mais la plupart du temps en bon berger portant une brebis ou un bouc pécheur sur les épaules afin de le sauver. Le Christ comme porte de salut était si important au 1er siècle que l’histoire nous dit que Jacques, le frère de Jésus, a été exécuté pour avoir confessé sa foi ainsi (Eusèbe de Césarée, citant Hégésyppe).

« Moi, je suis le bon berger »

Alors quelle figure, quel idéal nous est donné avec cette déclaration : « Moi, je suis le bon berger » ? En réalité, il est littéralement question du « beau berger » (καλός et non ἀγαθός), qu’est-ce que cela veut dire dans ce contexte ? Effectivement, cela ne veut pas dire être un « gentil et doux berger » : même si Jésus était effectivement bienfaisant, il n’était pas toujours doux et gentil. « Beau », cela ne veut pas dire non plus avoir un joli visage sans bouton sur le nez. Cet adjectif « kalos » est celui que l’on trouve dans le récit de la première page de la Bible quand Dieu travaille à faire avancer la création. À chaque étape, il regarde et fait ce bilan : « Dieu vit que cela était bon », c’est cette qualité, καλός, que Dieu reconnaît.

Jésus est donc un berger abouti, accompli, au sens où Dieu l’entend. Cette référence à la création en cours est pour nous une source d’encouragement. Nous ne sommes pas « un berger parfaitement accompli », ni en tant que personne, et encore moins collectivement, en tant qu’humanité. Mais le chantier est en cours, nous dit cette référence, Dieu y travaille, et du petit apprenti berger ou bergère que nous sommes, Dieu ne désespère pas de faire un vrai bon berger professionnel.

C’est d’ailleurs la conclusion de cette parabole du bon berger, sous forme de promesse de Jésus : « Ils entendront ma voix, et ils deviendront un seul troupeau, un seul berger. » Oui : « Ils deviendront un berger », c’est bien écrit comme cela : chacun de nous sera « un vrai berger », et en tant qu’ensemble, en tant qu’humanité réconciliée, nous serons aussi « un vrai berger », selon l’espérance de Dieu.

C’est au futur, bien sûr, mais ce futur commence dès maintenant, dans l’écoute, nous dit Jésus. Nous y travaillons et Dieu y travaille.

Que signifie être un berger accompli ?

Dans la Bible, être regardé comme berger n’est pas, mais pas du tout, une humble figure. Les plus grands héros de la Bible étaient des bergers : Abel, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, David, bien d’autres, et donc Jésus (en ce qui le concerne, c’est au sens figuré). Dieu lui-même est souvent appelé « le berger d’Israël » ou « mon berger » dans le célèbre Psaume 23. Le bon berger est la figure d’un roi qui a établi la paix et qui s’occupe personnellement de chacune des personnes de son peuple, sans condition, même de la plus mal en point.

C’est cela, être ou devenir un bon berger. C’est se savoir engagé dans le bien-être de ceux qui nous sont confiés. Et collectivement, c’est nous sentir appelés à faire en sorte que pas une seule personne ne soit oubliée, insiste Jésus : tant qu’une personne sera laissée pour compte, l’humanité ne sera pas encore arrivée au stade de vrai peuple, ni de vrai bon berger.

Si l’on regarde de près cette parabole, en de multiples endroits cet état « d’être pour les autres » apparaît. L’expression « Le berger des moutons » (v. 2) serait mieux traduite en disant « Le berger POUR les moutons » (génitif objectif), dévoué à leur service. Christ est de même « La porte POUR les moutons », voué à les aider à entrer et à sortir librement comme des grands. Puis au verset 11, « Le bon berger donne sa vie pour ses moutons » est très mal traduit : cela laisse penser qu’il faudrait, pour être un vrai berger, sacrifier notre vie biologique (βίος), or ce n’est pas du tout ce qui est marqué, heureusement. Littéralement, il est marqué que le bon berger « place son âme (sa ψυχή) pour, en faveur des siens » et « s’en saisit d’une nouvelle façon »(v.17) : c’est une disposition d’esprit, c’est une perspective de vie au service de ceux que l’on aime. Ce n’est pas seulement Jésus sur la Croix : c’est Jésus (et nous à sa suite) qui nous attelons à prendre soin du mieux possible de ceux qui nous sont confiés. Un bon berger est un « être pour… », un être de vocation, un être qui aime. Le but d’un bon berger comme Jésus, c’est que l’autre ait la « vie en abondance », plus précisément, il s’agit même d’une vie « en débordement » comme les piscines qui débordent joliment sur les bords : que nous ayons tant de vitalité et de richesse de vie en nous que nous devenions comme une source qui irrigue le monde alentour. C’est ainsi que de moutons soignés nous devenons de bons bergers prenant soin.

Entrer pour mieux sortir

Jésus est « le bon berger pour les moutons ». C’est un soin précieux, cela nous aide à faire face à tout ce qui pourrait nous dévorer et nous aliéner à nous-mêmes. C’est génial comme les bons soins de bons parents. À condition de ne pas être infantilisant à la longue. C’est pourquoi l’aide de Dieu, et l’aide que nous pouvons porter aux autres, n’est pas seulement être un bon berger, c’est aussi être la porte pour les moutons, leur offrant deux services : d’abord d’entrer dans « l’enclos »(v.1,16) avec le berger, puis de sortir librement, de cheminer et de trouver soi-même des pâturages (v. 9).

Désolé, encore un peu de grec : « l’enclos » c’est ici le mot (αὐλή) qui sert à parler du parvis du temple de Jérusalem. Le rôle final du berger, selon Jésus, est de faire sortir les moutons de l’enclos, de faire quitter le temple pour entrer dans la vie, de chercher par soi-même de la bonne nourriture spirituelle. On comprend que certains prennent Jésus pour un fou et un démon.

Le Christ est la porte en faveur des brebis : c’est par lui qu’il faut entrer dans le parvis de la présence de Dieu, il est bon d’entrer, mais pour en sortir ensuite. Si on entre et que l’on ne sort pas, c’est que l’on s’est fait attraper par des voleurs et des brigands qui font fortune en nous kidnappant sans nous laisser sortir.

Le Christ ne nous fait pas quitter le parvis du temple pour entrer dans un autre enclos, celui d’une autre religion meilleure que la première. Jésus n’a rien contre le judaïsme, c’est sa religion. Il est pour le passage par la religion, entrer dans le parvis, mais dans le but de dépasser ensuite la religion, en sortir avec lui, il s’efface alors, comme une porte, pour une émancipation de chacun, pour sortir au grand air vers nos pâturages et notre alpage vers la vie vivante, la vie en abondance et non la vie contenue dans des dogmes, des rites et des morales comme dans un parc à moutons.

La religion est un passage, une préparation à la vie émancipée. Et c’est bien ainsi que nous concevons notre culte, nos catéchismes pour enfants, jeunes et adultes. Ils apportent des bases servant de point de départ à un cheminement personnel avec Dieu vers la vie libre et féconde que Dieu espère pour chacun. Le Christ lui-même nous montre le chemin de cette liberté d’une vie sincère portée par la confiance en Dieu. Le mouton devient plus libre et plus « pour » d’autres, il devient alors peuple et il devient berger lui-même, il devient une porte pour aider d’autres à entrer dans le parvis pour en sortir ensuite, ayant « saisi sa vie d’une nouvelle façon ».

Mais il n’y a pas que les gourous, les ayatollahs et les idéologues qui enferment l’humain comme des moutons dans un parc. Il y a bien des forces en nous qui tendent à nous emprisonner, nous aliéner à nous-mêmes, nous couper de notre force vitale. Tant de préjugés, de peurs, de blessures anciennes, de fantasmes, de distractions nous rendent étranger au génial cœur de nous-même où bat le souffle de Dieu. Le berger nous fait sortir par la porte, nous fait échapper, et il va chercher encore de nouvelles facettes de nous-mêmes qui nous sont pour l’instant étrangères afin de nous rassembler en nous-mêmes, de nous augmenter en abondance, en débordement. Alors, comme un bon berger, une bonne bergère, nous pourrons saisir notre vie d’une nouvelle façon, comme le dit Jésus, et placer notre âme au service de ceux que nous aimons.

Viens bon berger, viens porte de Dieu. Et que nous trouvions maintenant notre chemin vers la vie. Amen.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

Évangile selon Jean 10

Amen, amen, je vous le dis, celui qui n’entre pas par la porte dans l’enclos à moutons, mais qui escalade par un autre côté, celui-là est un voleur et un brigand. 2Mais celui qui entre par la porte est le berger des moutons. 3C’est pour lui que le portier ouvre la porte ; les moutons entendent sa voix ; il appelle ses propres moutons par leur nom et les mène dehors. 4Lorsqu’il les a tous fait sortir, il marche devant eux ; et les moutons le suivent, parce qu’ils connaissent sa voix. 5Ils ne suivront jamais un étranger ; ils le fuiront, parce qu’ils ne connaissent pas la voix des étrangers.

6Jésus leur tint cette allégorie, mais eux ne surent pas ce qu’il leur disait.

7Jésus leur dit encore : Amen, amen, je vous le dis, moi je suis la porte des moutons. 8Tous ceux qui sont venus avant moi sont des voleurs et des bandits ; mais les moutons ne les ont pas écoutés. 9Moi je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé ; il entrera et sortira et trouvera des pâturages. 10Le voleur ne vient que pour voler, abattre et détruire ; moi, je suis venu pour qu’ils aient la vie et l’aient en surabondance.

11Moi je suis le bon berger. Le bon berger place sa vie pour ses moutons. 12Quand il voit venir le loup, le salarié qui n’est pas berger et dont ce ne sont pas ses propres moutons, s’enfuit en abandonnant les moutons. Et le loup s’en empare, il les disperse. 13Parce que c’est un salarié il n’a pas le souci des moutons. 14Moi je suis le bon berger. Je connais mes moutons, et mes moutons me connaissent, 15comme le Père me connaît et comme, moi, je connais le Père ; et je place ma vie pour mes moutons. 16J’ai encore d’autres moutons qui ne sont pas de cet enclos ; ceux-là aussi, il faut que je les conduise ; ils entendront ma voix, et ils deviendront un seul troupeau, un seul berger. 17C’est pour cela que le Père m’aime, c’est parce que, moi, je place ma vie afin de la saisir à nouveau. 18Personne ne me l’enlève, mais c’est moi qui la place de moi-même ; j’ai le pouvoir de la placer et j’ai le pouvoir de m’en saisir à nouveau ; tel est le commandement que j’ai reçu de mon Père. 19Il y eut encore division parmi les Judéens à cause de ces paroles. 20Beaucoup d’entre eux disaient : Il a un démon, il est fou ; pourquoi l’écoutez-vous ? 21D’autres disaient : Ces paroles ne sont pas celles d’un démoniaque. Un démon peut-il ouvrir les yeux des aveugles ?

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