enluminure représentant Jésus enseignant
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Jésus enseignait avec autorité, ou enseignait la liberté ? (Évangile selon Marc 1:21-28)

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Enregistrement audio de la prédication / Enregistrement audio du culte

(Voir le texte biblique ci-dessous)

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève le dimanche 31 janvier 2021,
par : Marc Pernot, pasteur à Genève

enluminure représentant Jésus enseignant

Marc commence son livre en disant que l’Évangile, c’est la personne de Jésus-Christ (Marc 1:1). Et il s’attache dans le premier chapitre à montrer ce que Jésus a de spécial. Le leitmotiv est que Jésus enseigne « avec autorité », c’est en tout cas ce que nous disent nos traductions en français. Cette caractéristique la plus remarquable de Jésus est mise en avant pas moins de trois fois dans les premières pages : « Il enseignait comme ayant autorité et non pas comme les scribes. »(1:22) ; « Qu’est-ce que ceci ? Un enseignement nouveau avec autorité»(1:27) ; « Le Fils de l’homme a l’autorité pour pardonner les péchés sur la terre. »(2:10).

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Il est très surprenant que Marc mette en avant l’autorité de Jésus. Cela semble aux antipodes de ce que nous savons de lui, car la notion même d’autorité comprend par définition celle d’obéissance, voire de soumission. Or les évangiles nous montrent plutôt Jésus comme se mettant au service des gens. Ce qualificatif d’« avoir l’autorité » est donc surprenant. Pourrait-il s’expliquer par l’efficacité de Jésus pour faire des miracles de conversion et de guérison ? Ce serait possible si au lieu du mot grec exousia (ἐξουσία) que nous avons ici, nous avions le mot dynamis (δύναμιϛ) qui désigne en grec la source d’efficacité, et même de miracles (δυνάμεις).

La question hautement politique de l’autorité

Je ne suis loin d’être le seul à penser que « autorité » est une mauvaise traduction de la caractéristique principale de Jésus mise en avant par Marc. Le mot grec exousia est une déclinaison du verbe exeimi (ἔξειμι) qui signifie « être permis », verbe utilisé dans les évangiles par exemple dans les discussions pour savoir s’il est permis (ἔξειμι) de travailler le jour du Shabbat. La notion d’exousia n’est pas vraiment hébraïque, elle est par contre essentielle dans la culture grecque, la recherche principale de la démocratie d’Athènes étant l’exousia : le droit de parler et le droit d’agir accordé à chaque citoyen par les lois d’Athènes. Pour les auditeurs et lecteurs de l’époque le terme d’exousia était connu car les débats sur la liberté démocratique étaient très présents depuis des siècles, avec Thucydide, Isocrate, Platon, Aristote, les stoïciens, ces débats étaient aussi répandus dans la population que les débats d’idées les plus actifs actuellement pour nous.

L’exousia de Jésus, c’est sa liberté d’esprit, liberté d’idées, de parole, de théologie et de religion, liberté d’action. Jésus parle en auteur dialoguant face à face avec Dieu, et non en commentateur des anciens. Cela étonne particulièrement ses proches qui se demandent « d’où lui vient cette sagesse ? », alors qu’il n’est que le charpentier du village(Marc 6:2).

D’où vient donc cette idée que Jésus serait remarquable par son « autorité », plutôt que par sa liberté d’action ? À mon avis cela vient de la traduction latine du grec des évangiles, pour deux raisons. 1) Alors que la démocratie grecque repose sur le libre droit accordé à chaque citoyen, l’empire romain repose lui sur l’autorité du magistrat, du coup, Saint Jérôme traduit exousia par potestas (l’autorité). 2) Cela tombe à pic à l’époque de Saint Jérôme pour soutenir un modèle d’église que les empereurs romains cherchent à développer au IVe siècle, une église avec un pouvoir hiérarchique de plus en plus fort, ayant une autorité doctrinale et morale sur les fidèles. C’est à cette époque que le qualificatif d’hérétique devient négatif, l’hérétique devant être pourchassé alors qu’auparavant l’hérésie était littéralement le fait de choisir librement sa propre opinion, ce qui était la base de la démocratie et célébré dans les écoles de philosophie comme dans l’église des premiers siècles.

L’Évangile selon Marc montre que la caractéristique essentielle du Christ est de vivre l’exousia, le droit à la liberté de parole et d’action. Il la vit et il travaille ardemment pour que toute personne puisse vivre ce droit. Cela faisait partie de la mission de Messie selon les prophètes : que chaque personne de tout sexe et condition, reçoive directement de Dieu son Esprit et sa Parole, puisse parler et agir bien sans que d’autres humains décident à sa place (voir par exemple Jérémie 31:31-34).

Cela veut dire que le régime politique du Royaume de Dieu est la démocratie, ce n’est pas un système d’autorité monarchique comme à Rome, ni aristocratique comme à Sparte. La première parole de Jésus est pour dire que « Le temps est accompli, et le royaume de Dieu a été approché »(Marc 1:15) : Jésus dit c’est fait, que c’est maintenant que l’individu a le droit de penser et d’agir par lui-même. À la grâce de Dieu.

Le droit et la capacité d’être libre

Marc montre d’abord que Jésus incarne cette liberté, et « aussitôt » nous dit le texte, qu’il se met à travailler pour que la personne qu’il croise accède effectivement à cette liberté. Cela fera bien entendu enrager les autorités. Ils vont interpeler Jésus lui demandant âprement « Qui t’a donné le droit libre (l’exousia) d’agir comme ça ? »(Marc 11:28)

Je suppose que ce n’était pas seulement pour assoir leur « autorité », que c’était aussi dans l’intention louable de protéger les personnes et la société contre leurs propres folies que les Pharisiens et leurs fameuses écoles rabbiniques élaborait une myriade de lois censées régenter la vie quotidienne des fidèles, avec pour y veiller ce sanhédrin qui fera condamner Jésus pour sa contagieuse prétention à l’exousia universelle.

Jésus est libre et il tient cette liberté de l’Esprit de Dieu et de sa présence qui lui dit qu’il est le bien aimé de Dieu, nous dit Marc (Marc 1:10-11). Jésus ne se réserve pas ce droit : nous le voyons dans ce récit où les disciples choquent les pharisiens en faisant ce qui n’est pas autorisé par la loi de Moïse, agissant donc avec exousia. Jésus répond que le « Fils de l’homme est maître même du shabbat », le « fils de l’homme » étant par conséquent à comprendre comme le Christ, et aussi comme tout fils ou fille de l’humanité, digne citoyen de ce Royaume que Jésus annonce, la démocratique Cité de Dieu et des hommes.

C’est vrai qu’entendre dire notre droit est une chose, le vivre et le vivre bien est une autre paire de manches. Nous progressons sur ce chemin à la vitesse d’un escargot neurasthénique, c’est normal et c’est permis. Le moteur étant, comme pour Jésus, de nous ouvrir jour après jour à ce souffle et à cette présence de Dieu qu’il a reçue, et qui nous dit que nous sommes l’enfant bien-aimé de Dieu.

Jésus est libre et libérant

La première chose que nous montre ce texte c’est la liberté de Jésus. La question n’est pas tant le contenu de son enseignement à ce moment-là puisque Marc n’en dit rien. C’est sa façon d’enseigner qui révèle qu’il parle avec exousia. En entendant Jésus prêcher, ce que retient Marc n’est pas de dire « Oh comme c’est joli », « Oh comme c’est touchant », ni « Oh comme c’est intéressant », mais c’est sa façon d’enseigner si libre et si « libérante » qu’elle les « bouscule », eux personnellement et l’institution.

« Immédiatement » après, vient l’épisode avec l’homme « ayant un esprit impur » que Jésus va libérer. C’est étrange, ce que dit cet « esprit impur » est parfaitement exact : « Jésus est le Saint de Dieu ». Et ce qu’il ajoute est bien prophétique : « tu es venu pour nous perdre » va effectivement s’accomplir. Quel est le problème ? L’esprit impur dans cet homme le dit : « tu es venu pour NOUS perdre » : tu es venu pour perdre, pour torpiller le « nous » de cette communauté de pensée et d’obéissance construite avec tant de passion par nos scribes. L’homme est bien au chaud, bien protégé par ce « nous », et en même temps écrasé. L’humain est un animal social, vivant par instinct en meute. Nous aimons faire partie d’un groupe, nous noyer dedans. C’est un peu comme le syndrome de Stockholm de victimes d’enlèvement. Même quand le groupe nous broie, nous craignons de sortir du lot pour devenir nous-même, nous craignons d’être ridicule en étant différent, et d’être faible, exposé, seul et nu. Heureusement, nous sommes aussi un animal spirituel, avec une relation directe et personnelle avec la source de l’être, avec Dieu, et que fondamentalement Dieu est source de libération de l’individu, nous déclarant officiellement « le saint.e de Dieu », unique dans notre être et dans notre vocation.

Jésus libère cet homme de son enfermement. La question n’est pas tant le contenu de son enseignement auquel nous devrions absolument adhérer, car alors ses disciples auraient à passer d’un système monarchique à un autre, ils passeraient d’un « nous » à un autre « nous ». La façon dont Jésus parle et agit est nouvelle et en ce qu’il casse cette logique. Il passe à une conception démocratique de la foi et de la religion et de l’être, il donne à cet homme l’exousia, le droit de penser, de parler et d’agir par lui-même.

La libération de cet homme commence quand Jésus enseigne lui-même d’une façon si personnelle qu’il brise les codes. Cela encourage l’homme à se lever, seul au milieu du groupe et qu’il interpelle Jésus. Pour nous, ce cri est dans notre prière à Dieu, même si ce n’est qu’un regard, un souffle, une tentative de croire en lui. L’homme s’adresse à Jésus, il lui crie à la fois sa conviction et sa peur. Il adore la sécurité du groupe et de la sagesse extraordinaire des scribes, pourtant il a senti qu’il est fait pour cette liberté qu’incarne Jésus : il ose se lever, seul, commençant à sortir ainsi du groupe, et en même temps mort de trouille d’en être privé. C’est l’histoire de chacun de nous. C’est ce que dit Platon, le pire des tyrans est à l’intérieur de nous : ce qui nous empêche d’être nous-même personnellement doué d’exousia, de notre libre arbitre. Le cri de Jésus vient à notre aide pour chasser cette peur, ce vertige devant la droit de parler et d’agir par nous-même, d’y mettre notre sincérité dans la confiance en Dieu.

L’Église chrétienne a pour rôle d’aider chacun à s’en sentir la vocation. Le mot même d’« église » vient de la démocratie athénienne, il signifie « être appelé hors de (chez lui) » afin que la parole de chacun puisse être entendue par le groupe (et non que la parole du tyran soit entendue par chacun). Ici, c’est Dieu qui appelle chacun pour qu’il apporte sa propre parole, son interprétation, sa plainte et ses projets. C’est à la fois son droit et son devoir de citoyen du Royaume de Dieu, son exousia. C’est à cette seule condition que le « nous » n’est pas aliénant, n’est pas impur, mortifère, mais comme un corps où chacun a sa place, grâce à Dieu.

Exousia aussi comprend l’idée de sortir (ex-) de son existence (ousia), l’idée de s’exprimer, de projeter son être. C’est un droit, une vocation et un service pour l’ensemble.

La libération par le pardon

La seconde manifestation de l’exousia de Jésus est quand il donne si fortement le pardon à un homme qu’il en est libéré. Après notre instinct grégaire qui nous retient d’être nous-même, il y a la peur de nous tromper qui peut être paralysante, peur redoublée pour ceux qui pensaient que Dieu était un terrible juge de nos pensées de nos paroles et de nos actes, tout le contraire de l’exousia. Jésus ne dit pas « je te pardonne », il ne se met pas à la place de Dieu, il annonce : « enfant, tes péchés ont été pardonnés », par Dieu, donc, a priori, sans même que l’homme ait eu à montrer sa foi ou ses croyances, ni à confesser ses faiblesses ou ses fautes. Cela le remet sur pieds. Ensuite, Jésus ne lui dit pas : maintenant, viens, et suis moi comme un mouton suit son berger ; Jésus le libère et l’envoie vivre sa propre vie avec les siens. Ça, c’est de l’exousia ! Il peut oser risquer de se tromper un peu, il est en lien de confiance avec ce Dieu qui l’aime comme on aime son enfant (normalement).

La libération de la vocation

Plus loin, Jésus envoie ses apôtres en mission. Le fait qu’il y ait 12 apôtres montre le caractère universel de cette vocation d’être envoyé pour parler et pour délivrer. Ils ont carte blanche. Pourtant, les évangiles nous montre que ces apôtres sont souvent pas mal à côté de la plaque, comme nous, bien sûr. Jésus les réunit ensuite pour un temps de repos où ils lui racontent ce qu’ils ont dit et ce qu’ils ont fait. Cela montre que Jésus ne le leur avait pas dicté, qu’ils ont exercé leur propre exousia dans des paroles et des gestes libres, authentiques, sincères, selon leur propre personnalité et selon les occasions qui se présentaient. Ce temps de repos et de bilan, c’est ce que nous vivons au soir de notre journée, dans la prière, en toute confiance en Dieu. C’est un temps de consolation, un temps de maturation, et aussi un temps de renforcement pour l’envoi ou pour le repos du jour suivant.

Amen.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible lus ou cités

Marc 1:21-28

21 (Jésus et ses premiers disciples) entrent dans Capharnaüm.

Aussitôt, le jour du shabbat, entrant dan la synagogue, il enseignait.

22 Ils étaient bousculés par son enseignement, car il enseignait comme ayant autorité, et non pas comme les scribes.

23 Aussitôt, il arriva que, dans leur synagogue, un humain avec un esprit impur s’écria : 24 Qu’y a-t-il entre nous et toi, Jésus le Nazaréen ? Es-tu venu pour nous perdre ? Je sais qui tu es, toi : le Saint de Dieu ! 25 Jésus le rabroua, en disant : Aie la bouche fermée et sors de lui. 26 L’esprit impur le secouant et poussant un grand cri, sortit de lui. 27 Tous furent effrayés, ils se demandaient à eux-mêmes : Qu’est-ce que ceci ? Un enseignement nouveau avec autorité ! Il commande aux esprits impurs et ils lui obéissent ! 28 Et sa renommée se répandit aussitôt partout dans toute la Galilée.

 

Marc 2:10-12 ; 23-28

10Afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a l’autorité pour pardonner les péchés sur la terre — il dit au paralytique : 11Je te le dis, lève-toi, prends ton lit et retourne chez toi. 12L’homme se leva, prit aussitôt son lit et sortit devant tout le monde, de sorte que, stupéfaits, tous glorifiaient Dieu en disant : Nous n’avons jamais rien vu de pareil….

23Il arriva un jour de sabbat que Jésus traversa des champs de blé. Ses disciples, chemin faisant, se mirent à arracher des épis. 24Les Pharisiens lui dirent : Vois, pourquoi font-ils ce qui n’est pas permis un jour de sabbat ? 25Jésus leur répondit : … 27Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat, 28de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat.

 

Marc 1:14-15

14Jésus alla dans la Galilée ; il proclamant la bonne nouvelle de Dieu 15et disant : Le moment est venu et le royaume de Dieu s’est approché. Changez de mentalité, et ayez foi (confiance) en la bonne nouvelle.

 

Marc 6:30

Jésus envoie les apôtres deux par deux… à leur retour, les apôtres, s’étant rassemblés auprès de Jésus, lui racontèrent tout ce qu’ils avaient fait et tout ce qu’ils avaient enseigné.

(Voir traduction NBS)

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5 Commentaires

  1. Jean-Claude dit :

    Bonjour Monsieur,

    j’ai été très stimulé par votre prédication, que j’ai relue deux fois. En particulier, la signification du terme exousia m’a interpellé. Il me semble, en effet, que, d’après les Evangiles, Jésus n’a pas cessé de mettre en pratique cette exousia, dans ses paroles, comme ses actes. C’est d’ailleurs, pour moi, la raison essentielle de sa condamnation par le Sanhédrin, peut être plus que sa prétention à être Fils de Dieu, ou Messie, affirmation qui ne devait probablement pas troubler exagérément les autorités juives, faute de preuves convaincantes.

    Il me semble également que la Genèse s’ouvre par la première démonstration d’une attitude exousia, par la transgression d’Adam et Eve du commandement de Dieu. Je me demande aussi si la différence entre l’exousia et la dynamis (ou la potestas) n’est pas précisément la raison de la différence entre le catholicisme et le protestantisme, le protestant, étant inspiré par l’exousia, alors que le catholique est marqué par la soumission à la potestas, règle imposée par l’Empire romain et adoptée par l’Eglise catholique.

    Le fait est qu’il y a là une différence fondamentale entre deux manières de se comporter, de conduire sa vie, qui se retrouvent très concrètement dans nos cultures contemporaines. En fait, il se peut bien qu’un bon démocrate occidental, ait un comportement peu enclin à s’inspirer de l’exousia, et plutôt heureux de se soumettre aux lois et aux autorités !

    Je suis, par contre, très troublé par votre affirmation que « le régime politique du royaume de Dieu est la démocratie, ce n’est pas un système d’autorité monarchique ». J’entends tous les dimanches la récitation du Notre Père. Il s’agit clairement d’une prière à connotation politique, qui appelle le régime d’un roi aux pouvoirs absolus . Il me semble inconcevable que Jésus, le champion de l’exousia, ait pu suggérer à ses disciples le souhait et la demande, d’une société soumise à un souverain tout puissant, à qui appartiendraient « le règne, la puissance, et la gloire  » pour l’éternité. Ce que demande le croyant dans le Notre Père, c’est une réduction de sa personne à un état d’esclave, soumis à la volonté d’un monarque, incapable par lui-même de conduire sa vie, ayant besoin d’une « Providence » pour satisfaire ses besoins et soumis au bon vouloir du roi pour l’évaluation de sa conduite morale. Il s’agit là, me semble-t-il, de la demande d’un ordre politico-social-économique et juridique dirigé par un souverain digne des plus horribles dictateurs de l’histoire humaine.

    Alors là, plus question de démocratie … J’ai de la peine à imaginer un citoyen d’Athènes, chrétien du 1 er siècle, adhérant à cette prière … comme le démocrate « exousia » que je suis, se révolte chaque fois qu’on nous propose de la réciter !

    Qu’en dites-vous ?

    Avec mes meilleurs messages.

    1. Marc Pernot dit :

      Cher Monsieur

      Merci pour cet encouragement, et pour cette très très profonde réflexion.

      Il me semble précisément que s’il est bon (à la fois juste et bienfaisant) de prier « Que ta volonté soit faite » c’est que Dieu ne l’impose pas. La figure que Jésus donne de Dieu est plus celle du serviteur, ce qui n’est pas absent non plus de la Bible hébraïque, c’est une des grandes grandes figures présentées, par exemple dans :

      • cette bénédiction du livre des Nombres que j’aime tant où il est dit « que l’Eternel (YHWH en hébreu) lève son regard vers toi » (et non « tourne son visage », ou « baisse son regard »). Cela implique que Dieu est alors en dessous de nous. C’est ainsi que la tradiction de YHWH par « Seigneur » est un contre sens, car YHWH est la source de l’être, il est secours et soin, alors que « Le Seigneur » est au-dessus, il domine, impose sa volonté, juge et condamne ou gracie souverainement.
      • dans la bénédiction donné par YWHW à Jacob « Voici, je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras » (Genèse 28:15) : cela est un permis d’exousia, un chèque en blanc, l’Eternel suivra, accompagnera, bénira même sur les chemins de traverses.

      C’est dans ce cadre que prier « que ta volonté soit faite » est essentiel. Dieu bénit en premier et inconditionnellement, dire que ta volonté soit faite c’est bénir en retour. C’est tisser une association basée sur une bonne volonté mutuelle, une attention mutuelle. Si l’on dit à un monarque « que ta volonté soit faite », il répondra que merci c’est gentil mais qu’il n’avait pas du tout l’intention qu’il en soit autrement, et qu’il n’avait pas besoin de mon accord pour cela.

      Dieu vous bénit et vous accompagne

  2. Pascale dit :

    Très intéressante prédication !
    Ne connaissant rien au grec et ne pouvant pas imaginer une dictature de la pensée, je lisais la phrase « Jésus enseignait avec autorité » comme signifiant uniquement que Jésus enseignait avec une assurance profonde qui invitait à lui faire confiance, une sorte de « oui » de Dieu, une façon aussi pour l’auteur d’inviter à lire la suite.

    1. Marc Pernot dit :

      Mil mercis pour les encouragements.
      C’est vrai que, par ailleurs, Jésus devait avoir une personnalité plutôt impressionnante, je suppose. Même ses apôtre n’en mènent pas large (parfois), et ses opposants ne viennent pas sans avoir affûté leurs arguments.

  3. ornithorynque démocrate dit :

    Bonjour,

    Très intéressante prédication et commentaires et réponses ! Je m’interroge concernant cette alternative au mot « autorité », que j’avais effectivement lu auparavant dans les traductions les plus courantes des Evangiles et associé à la parole de Jésus (Jésus étant alors perçu comme une autorité). Merci donc de nous faire réfléchir en particulier sur ce point. D’ailleurs plus généralement, il s’agit du sujet des arguments d’autorité, versus l’autorité des arguments. Je suis assez d’accord que l’idée de « liberté d’action » est pertinente.

    Au terme d’une rapide mini-enquête à partir de quelques livres et ressources en ligne ou de ma propre expérience, je voudrais signaler démocratiquement quelques autres perspectives possibles.

    #1. Le dictionnaire Bailly propose encore d’autres traduction possibles de « ἐξουσία » : sens I. pouvoir, donner à quelqu’un la liberté ou les moyens de faire, puissance ; sens II. (par extension) abondance, éclat, splendeur : Jésus parlait-il avec splendeur ?
    Le « Analytical Greek lexicon of the New Testament – Samuel Bagster and son » rapproche ἐξουσία de ἐξεστι, et donne pour ἐξοεστι les sens de pouvoir, capacité, faculté, efficience, énergie, liberté, autorisation, aautorité, dominion (anglicisme), juridiction, privilège, prérogative…
    Le dictionnaire Bailly renvoie quant à lui pour ἐξεστι au verbe ἐξειμι, et y indique le sens de « il est permis de », au sens d’être autorisé.

    #2. Matthieu 8.5-10 présente un autre cas d’utilisation du mot « ἐξουσία » au verset 9 (« υπο ἐξουσίαν »):
    5. Alors que Jésus entrait dans Capernaüm, un officier romain l’aborda et le supplia 6. en disant: «Seigneur, mon serviteur est couché à la maison, atteint de paralysie, et il souffre beaucoup.» 7. Jésus lui dit: «J’irai et je le guérirai.» 8. L’officier répondit: «Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit, mais dis seulement un mot et mon serviteur sera guéri 9. En effet, moi aussi je suis un homme soumis à des supérieurs, j’ai des soldats sous mes ordres (« υπο ἐξουσίαν »), et je dis à l’un: ‘Pars!’ et il part, à un autre: ‘Viens!’ et il vient, et à mon esclave: ‘Fais ceci!’ et il le fait.» 10. Après l’avoir entendu, Jésus fut dans l’admiration, et il dit à ceux qui le suivaient: «Je vous le dis en vérité, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi.
    => on pourrait traduire aussi au verset 9 le groupe de mots autour d »ἐξουσία » par « j’ai des soldats sous ma liberté d’action », mais cela ne fait pas très militaire… Il est davantage d’usage de dire j’ai des soldats sous mon autorité (je suis autorisé par d’autres autorités hiérarchiques à les commander), ou sous mes ordres.
    [Et il y a d’autres utilisations de ce mot ἐξουσία dans les Evngiles…]

    #3. La traduction de la Pléiade utilise le mot « pouvoir » pour traduire « ἐξουσία », et ne recourt pas au mot « autorité » pour les passages cités (et par « sous mes ordres » pour Matthieu 8.9 « υπο ἐξουσίαν »). Le potestas de Jérome signifie peut-être ainsi dans la même veine simplement puissance, pouvoir.

    #4. Indépendemment de la connotation politique négative associée à la possibilité de contraindre et qui irait donc potentiellement à l’encontre des libertés, le mot français « autorité » me semble lié principalement aux mots « autoriser », « auteur »… ces mots remontant eux-mêmes au latin auctoritas, auctor … Jésus enseigne avec autorité dans la synagogue peut ainsi simplement signifier qu’il enseigne comme quelqu’un d’institué socialement comme pouvant ensigné : comme quelqu’un d’autorisé à faire une prédication. Pour faire le parallèle avec les Eglises protestantes d’aujourd’hui, les laïcs (ceux qui ne sont pas pasteurs) peuvent faire une prédication lors du culte, mais s’ils sont au préalable autorisés par le/la pasteur et le conseil presbytéral (le cas échant s’il y en a un), sauf chez certains Quakers peut-être où chacun peut prendre la parole si’il le souhaite, à tour de rôle. Il me semble que dans les synagogues libérales d’aujourd’hui, il est possible que les laïcs prennent la parole après la prédication du/de la rabbin, et proposent à tour de rôle leur propre commentaire des écritures lues ce jour. Ce qui est relaté comme étonnant dans les Evangiles il me semble, c’est que c’est un peu comme si Jésus, en imaginant qu’il soit parmi nous de nos jours, se levait et venait devant l’assemblée d’une Eglise prendre la parole lors du culte après la prédication sans avoir demandé l’autorisation, de façon un peu subversive, alors que cet usage n’est pas vraiment institué il me semble (comme cela semble l’être aujourd’hui dans certaines synagogues au moins libérales)… L’autorité vient de l’autorisation… De même que professionnellement dans tous les domaines du monde du travail il me semble, on a autorité pour faire… ce que l’on est autorisé à faire. En dehors de ce périmètre, il faut (au sens il est d’usage de) généralement demander l’autorisation à l’autorité en charge du domaine, et attendre de la recevoir le cas échéant. Mais ce que souligne les Evangiles c’est que Jésus semble s’autoriser de lui-même… et lui dit dans les Evangiles qu’il tient son pouvoir de son Père Dieu.

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