David en prière, Maître de Guillebert de Mets, vers 1450, Paul Getty Museum
Témoignages

Deux types de paroles nous sont donnés (2 Samuel 12:1-7 ; 1 Corinthiens 10:1-12)

La Bible n’est pas la « parole de Dieu », elle est un moyen utile et bon pour nous faire vivre seulement avec une 2nde parole, prophétique, éclairant notre interprétation par l’Esprit.

Texte, vidéo et poscasts de la prédication. Ceci est un témoignage personnel. N’hésitez pas à donnez votre propre avis ci-dessous.

pasteur Marc Pernot

Vidéo :

Podcast audio de la prédication / Podcast audio du culte

(Voir le texte biblique ci-dessous)

texte de la prédication à imprimer

prédication (message biblique donné au cours du culte)
à Genève, le dimanche 12 mai 2024,
par : pasteur Marc Pernot

L’histoire du roi David est merveilleuse, mais au milieu de cette histoire il y a un passage épouvantable où David désire épouser une femme mariée à autre homme, Uri. Alors David se débrouille pour que Uri soit tué à la guerre. Ce comportement était hélas assez fréquent chez les rois de l’époque, et cela existe parfois encore aujourd’hui parmi les présidents élus à plus de 95% des voix. David a l’air de trouver cela tout à fait normal. Dieu n’est pas du tout d’accord, heureusement. Comment faire prendre conscience à David qu’il y a un problème ? Dieu lui envoie son prophète.

Dans cet épisode de la Bible, le prophète Nathan apporte à David deux paroles, ou plutôt : deux types bien différents de paroles :

  • Nathan commence par lui raconter une petite histoire de bergers et de mouton, c’est un 1er type de parole.
  • Nathan dit ensuite à David : « Cet homme, c’est toi ! » : nous avons là un 2nd type de parole qui nous permet de comprendre en quoi la 1ère parole nous concerne en particulier.

Le texte de la Bible appartient en général au 1er type de parole. Il n’a pas été écrit pour nous distraire, ni pour faire de l’histoire, mais uniquement dans le but d’aider son lecteur à avancer. Ensuite, en lisant ce texte, c’est à nous de chercher quel homme nous sommes en réalité, et pour cela il nous faut entendre comme une 2nde parole. C’est comme cela pour tous les textes de la Bible, aussi bien un récit d’histoire qu’un récit de miracle, un récit de rencontres ou de résurrection : à nous de chercher, à nous d’entendre cette 2nde voix qui nous permettra de mieux saisir où nous en sommes et d’avancer ainsi.

Ce texte que nous avons entendu, mettant en scène David et Nathan, pour nous, lecteurs de la Bible, cette histoire est une parole du 1er type. Comment donc entendre cette 2nde parole qui fait que cette histoire va nous ouvrir les yeux ? Nous pouvons nous poser la question en regardant chacun des personnages de l’histoire, et voir en quoi « cette personne, c’est nous », dans un certain sens ? En quel sens serais-je David par certains côtés ? En quel sens serais-je Nathan ?

David : c’est moi

Nous n’avons pas fait des choses aussi horribles que David, mais nous ne sommes pas parfaits non plus. Nous pouvons nous reconnaître dans ce David pécheur qui n’est pas assez conscient de là où il en est.

Mais David n’est pas seulement ça : le nom même de « David » signifie « le bien aimé (de Dieu) ». Et l’Évangile du Christ nous dit que nous sommes ce bien aimé de Dieu, ce David là sur lequel Dieu compte, qu’il choisit pour le faire roi et qu’il fasse du bien à ceux qui lui sont confiés.

Nous sommes donc David de plusieurs façons.

Nathan : c’est moi

En quel sens suis-je Nathan, le prophète ? Son nom signifie « donné (par Dieu) ». C’est aussi ce que nous dit l’Évangile : nous sommes prophète ou prophétesse par l’Esprit. Cela nous est donné par Dieu et nous sommes donc envoyés pour porter une parole du 2nd type, celle qui ouvre les yeux de celui à qui cette parole est adressée. Mais en quel sens suis-je ce prophète Nathan aujourd’hui ?

Peut-être que Dieu m’envoie pour aider telle personne à ouvrir les yeux sur le mal qu’elle fait ? Mais peut-être pas, et je ferais mieux de me taire à ce moment-là, pour cette personne-là ? C’est ce que dit Saint-Augustin dans ce commentaire très célèbre : « Aime et fais ce que tu veux : si tu corriges, corriges par amour ; si tu laisses passer, laisses passer par amour. Aie au fond du cœur la racine de l’amour, de cette racine, il ne peut sortir que du bien…»

Effectivement, quand on regarde Jésus-Christ : il lui arrive de critiquer avec force les religieux de son époque qui oppriment leurs fidèles. D’un autre côté, Jésus nous met en garde contre le fait de jouer les redresseurs de tort. Jésus nous le dit d’une manière amusante : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? Enlève d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. »(Matthieu 7:3) C’est à dire que Jésus nous invite à commencer par un sérieux travail de lucidité sur nous-mêmes. C’est une lecture où Nathan est la figure de notre foi qui nous aide à voir plus clair en nous-mêmes afin de mieux discerner notre vocation. Mieux vaut tourner sept fois notre prophète Nathan dans notre tête et dans notre cœur avant de faire la leçon aux autres.

En interne : Nathan, dans l’action : David

Le texte de la Bible est ainsi une parole du 1er type, du 1er type seulement. Ce serait donc inexact d’appeler la Bible « Parole de Dieu », et ce serait même dangereux car cela sacraliserait ce texte indépendamment de l’interprétation que nous pourrions en faire. Nous savons hélas combien d’interprétations criminelles, racistes, culpabilisatrices, violentes, discriminatoires, menaçantes ont pu être faites du texte biblique. La Bible est un moyen utile et bon pour nous faire vivre seulement avec cette 2nde parole, prophétique, éclairant notre interprétation.

Heureusement, nous sommes à la fois Nathan et David : nous sommes à la fois prophète et roi, prophétesse et reine (c’est ce que vient dire le baptême). Notre Nathan interne c’est notre intelligence et un souffle d’Esprit-Saint qui porte cette 2nde parole si précieuse au fond de notre conscience. C’est alors que notre côté David, notre côté actif en ce monde, pourra avancer dans sa vocation d’apporter quelque chose de bon au monde autour de nous.

La Bible est un moyen qui nous est offert pour nous aider. C’est une matière première qui nous donne des exemples de vie afin d’enrichir notre regard sur la personne que nous sommes aujourd’hui, et avancer.

Dans la Prière

C’est ainsi que, ayant reconnu avec notre Nathan notre besoin de progresser, nous pourrions alors nous appuyer sur le Psaume 51 que la Bible nous offre pour travailler avec Dieu sur notre amélioration. C’est la prière que David a dite quand il a compris. Sauf que cette prière a été préparée pour nous aider à prier. À partir de la vraie prière de l’homme David ayant existé historiquement, ce Psaume 51 a rassemblé dans sa première ligne les circonstances particulières de la vie de David, le reste du Psaume est devenu ainsi très général et nous pouvons alors l’habiter avec les propres détails de notre vie, comme David avait sans doute dans sa prière une pensée pour le mal qu’il a fait aux autres autour de lui.

La Bible a été écrite pour nous, son texte est un prétexte, sa parole une pré-parole.

Ce texte, mettant en scène Nathan et David, sa lucidité nouvelle et sa prière, est intéressant pour nous aider à avancer dans notre vie avec lucidité.

Cette histoire est intéressante aussi dans ce qu’elle nous apprend sur la façon de lire et de nous approprier le texte de la Bible. Pas seulement au premier degré avec l’histoire racontée, mais à l’écoute d’une parole du 2nd type qui nous est donnée au fond de notre conscience.

Ce type de lecture était classique à l’époque, elle l’est beaucoup moins pour nous qui sommes habitués à une éducation passant par une leçon rationnelle (le logos grec). Or à l’époque, les enfants apprenaient à lire dans la Bible (pour les Hébreux) et dans les épopées d’Homère (le mythos des Grecs), bénéficiant même parfois de ces deux œuvres à la fois (le monde était profondément globalisé depuis Alexandre le Grand, au IIIe siècle avant Jésus-Christ). C’est ainsi que Paul explique que l’histoire du peuple hébreu dans sa libération hors d’Égypte est arrivée réellement… mais, tenez-vous bien, que cela leur est arrivé : pour nous ! Afin de nous servir d’exemple. Et que par conséquent cette histoire a été ensuite écrite pour nous, afin de nous aider à ouvrir les yeux sur notre vie.

Paul explique alors que la traversée de la mer Rouge laissant passer les Hébreux et noyant les féroces Égyptiens est une figure de notre propre baptême, dit Paul : cela signifie que nous sommes à la fois hébreu par notre bon côté et égyptien par ce qui est féroce en nous, et que Dieu nous purifie par son amour, par ses bons soins, par son salut, libérant notre meilleur côté, notre personnalité profonde de tout ce qui la retient en captivité, en souffrance. Notre Nathan interne nous permet de saisir en quoi nous sommes cet homme là, à la fois de type égyptien et de type hébreu sauvé par Dieu. Les hébreux sont aussi baptisés à travers le feu, nous dit Paul : cela parle d’une Pentecôte que nous avons à vivre afin de raviver notre Nathan interne, par l’Esprit. Paul ajoute que nous sommes nourris de manne comme les Hébreux, nourris de questionnement (car c’est ce que signifie le mot « manne »), et nous sommes abreuvés par de l’eau vive dans notre traversée du désert : cette source étant le Christ qui est un rocher solide et vrai qui marche aux côtés des Hébreux et à nos côtés. Paul n’a sans doute pas pensé une seconde que Jésus était caché sans une sorte de rocher en carton pour suivre incognito les Hébreux dans leur marche dans le désert : c’est allégorique, c’est écrit pour que nous le vivions.

Les différents personnages de chaque histoire biblique parlent ainsi de nos différentes facettes, d’une certaine façon, dans un certain sens. Car « rien de ce qui est humain ne m’est étranger »(Térence). C’est à notre Nathan personnel, le témoignage intérieur du Saint-Esprit, de nous éclairer en quoi et comment nous pouvons avancer.

Sans cette lecture par la 2nde parole, bien des textes de la Bible deviennent incompréhensibles ou menaçants, nous culpabilisent ou nous donnent une vision du monde étroite, classant les humains et les peuples entre « les bons » et « les méchants », « les justes » et « les infidèles », alors que chacun de nous est plus ou moins Hébreu et plus ou moins Égyptien.

C’est pourquoi il faut aller au delà des textes avec cette parole d’un 2nd type qui nous vient par l’Esprit. L’exégèse biblique nous aide à lire la 1ère parole, celle du texte millénaire, c’est utile mais ne sert à rien sans la 2nde parole particulière qui nous est donnée par l’Esprit. La prédication n’est pas non plus cette 2nde parole, elle nous invite à entendre personnellement notre propre 2nde parole, elle doit nous donner soif de cette 2nde parole, renvoyer vers elle. Le fidèle n’a donc pas à s’attarder sur ce que pense le prédicateur, mais à éveiller son Nathan interne, s’interroger, ouvrir les yeux et les oreilles par lui-même sur ce que Dieu cherche à lui apporter aujourd’hui. C’est à dire la bénédiction d’avancer.

pasteur Marc Pernot

Textes de la Bible

2 Samuel 12:1-7a

L’Éternel envoya Nathan vers David. Nathan vint à lui et lui dit : Il y avait dans une même ville deux hommes, l’un riche et l’autre pauvre. 2Le riche avait du petit et du gros bétail en très grande quantité. 3Le pauvre n’avait rien du tout sinon une petite brebis, qu’il avait achetée ; il la nourrissait, et elle grandissait chez lui avec ses fils ; elle mangeait de son pain, buvait dans sa coupe, dormait sur son sein. Elle était pour lui comme une fille. 4Un voyageur arriva chez l’homme riche ; et le riche ménagea son petit ou son gros bétail, pour préparer (un repas) au voyageur arrivé chez lui : il prit la brebis du pauvre et l’apprêta pour l’homme arrivé chez lui. 5La colère de David s’enflamma violemment contre cet homme, et il dit à Nathan : L’Éternel est vivant ! l’homme qui a fait cela mérite la mort, 6et il rendra au quadruple la brebis, pour avoir commis cette action et pour avoir agi sans ménagements. 7Alors Nathan dit à David : Tu es cet homme-là !

Psaume 51

Psaume de David. 2Lorsque le prophète Nathan vint à lui, après que David fut allé vers Bath-Chéba. 3O Dieu ! fais-moi grâce selon ta bienveillance, Selon ta grande compassion, efface mes crimes ; 4Lave-moi complètement de ma faute, Et purifie-moi de mon péché. 5Car je reconnais mes crimes, Et mon péché est constamment devant moi….

1 Corinthiens 10:1-12

Frères, je ne veux pas que vous ignoriez que nos pères ont tous été sous la nuée, qu’ils ont tous passé au travers de la mer, 2 qu’ils ont tous été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, 3 qu’ils ont tous mangé le même aliment spirituel, 4 et qu’ils ont tous bu le même breuvage spirituel, car ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et ce rocher était Christ. 5 Mais la plupart d’entre eux ne furent point agréables à Dieu, puisqu’ils périrent dans le désert…

11 Ces choses leur sont arrivées pour servir d’exemples (de types), et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles. 12 Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber!

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2 Commentaires

  1. Lili dit :

    Cette idée de pré-parole est vraiment parlante – si je puis dire – car elle prépare à un embarquement dans un deuxième niveau, assez manifeste dans l’extrait de Samuel. Et je suis bien de l’avis de Paul qu’il y a à vivre le texte, à être interpellé par lui et à en dépasser la lecture littérale avec notre propre expérience et nos questionnements. Et, souvent, c’est une surprise. On voit rarement le coup venir, comme ici.

    Nathan arrive et raconte sa petite histoire. Oui ok, encore une histoire de chèvres, et ? Et bing ! grosse colère de David, qu’on ne comprend pas très bien parce qu’on ne se met pas en colère à la lecture d’une fable ou d’un conte. Il ne sait pas encore qu’il s’est reconnu et que c’est la raison pour laquelle, immergé dans le récit (première parole), il va montrer une réaction assez violente (deuxième parole qui commence à fonctionner). On se doute un peu qu’il s’agit de David, mais pas du tout de nous-mêmes. David fait écran et masque la surprise du coup qui arrive. Rebing ! : « Tu es cet homme ! ». Impossible d’éviter une interpellation aussi massive. C’est quasi de la traîtrise narrative 😉 ! Comment voulez-vous que l’esprit n’ait pas soufflé ? Génial, l’auteur.

    Alors, je serais assez d’accord avec l’idée que la prédication – sans la prendre pour argent comptant – ou une lecture à plusieurs ou un dialogue avec une personne qui n’est pas trop butée – est un niveau de paroles intermédiaire qui peut faciliter l’ouverture de cette deuxième parole. Je me demande même si ce n’est pas une dimension essentielle de ce deuxième niveau de parole d’être dévoilée dans ce partage, qui amorce un nouvel espace, j’allais presque dire qui amorce l’incarnation du verbe. Car on voit bien que David a besoin du récit de Nathan pour réagir et pas tellement d’une leçon de morale qu’il n’aurait peut-être pas écoutée. La mise en images de la parole de l’Eternel, cette pré-parole portée par Nathan d’abord, semble indispensable pour l’aider à voir clair dans sa vie. On s’aperçoit qu’on a donc parfois/souvent besoin d’un plus prophète que soi car seuls, et ramassés dans notre subjectivité, nous ne sommes pas toujours lucides sur ce qui nous arrive. Ou le réel est parfois trop brutal, il y a besoin d’un amorti pour accepter de voir où nous en sommes. Le récit de Nathan est un formidable amorti mais ensuite la pointe pique quand même assez fort.

    1. Marc Pernot dit :

      Grand merci pour ce complément passionnant.

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