Ne devrait-on pas laisser l’enfant choisir ou non le baptême ?
Question posée :
Bonjour, précision importante, je suis agnostique et échange très souvent à propos de la religion avec mon entourage pour essayer de comprendre sur quoi repose la foi.
Je relève dans un de vos écrits la phrase suivante qui m’interpelle : « On n’est pas chrétien parce que l’on est fils d’un chrétien ou d’une chrétienne, mais si et seulement si on choisit de l’être, avec Jésus comme Seigneur pour aller vers Dieu. »
Alors pourquoi baptise-t-on les bébés qui ne sont pas encore en âge de vivre pleinement la spiritualité?
Ne serait-il pas plus judicieux de laisser l’enfant se réaliser puis de s’ouvrir à une religion une fois l’âge de raison atteint.
Je pense que l’on ne nait pas chrétien, on devrait le devenir en conscience.
Cordialement,
Réponse d’un pasteur :
Bonsoir
Pour nous, le baptême est un signe de la grâce de Dieu, et c’est précisément cela (la grâce de Dieu : amour inconditionnel) qui met fin à tout chantage, laisse le choix de devenir chrétien ou non, de croire en Dieu ou non, d’aimer Dieu ou non. Car Dieu aimera de toute façon, ni plus ni moins, ma personne.
Effectivement, pour que la personne puisse décider, encore faut-il :
- qu’elle connaisse un peu l’objet pour se prononcer (c’est un but de l’éducation biblique chez nous, le principal étant d’apprendre à l’enfant à réfléchir et à avoir un sens critique sur ces questions de théologie, de personne humaine, d’éthique, de vie…)
- qu’elle se sente libre de décider, et donc sache qu’il n’y a pas de chantage. C’est le sens du baptême, affirmant que Dieu aime et aimera de toute façon. Le baptême est ainsi le signe de la liberté de Dieu, rendant possible, ouvrant la liberté de la personne
C’est alors que la personne peut décider librement, de s’intéresser à Dieu ou non. C’est d’abord et avant tout une décision intérieure, très concrète. Regarde ton agenda pour savoir qui tu es : ce oui se manifeste par un certain temps, une certaine énergie investis dans cette relation, dans cet amour, dans ce dialogue avec Dieu. Pour celui ou celle qui désire marquer ce oui par un geste public, ce qui est souvent profitable, il est possible de le faire par une profession de foi, soit à l’occasion d’un baptême d’adulte (si la personne n’a pas été baptisée avant), ou à l’occasion d’une confirmation de son baptême reçu avant. La personne choisit alors de devenir disciple du Christ. Librement, et en conscience.
C’est ainsi que le baptême, effectivement, est d’abord le signe de la liberté de Dieu (il a choisi unilatéralement de considérer cette personne comme digne et aimable). La personne, dans un sens, est aimée de force. C’est vrai. L’enfant qui a la chance d’avoir des parents qui l’aiment un peu n’a pas choisi ni de naître, ni d’être aimé, ni que l’on s’occupe de lui. Il est ainsi aimé de force par ses parents. Sa liberté est dans sa réponse à cet amour dont il n’est pas le sujet. Sa liberté est même fondée sur ce fait que le fait d’être aimé ne dépend pas de ses choix à lui. Il en est de même pour le baptême, l’enfant est certes baptisé « de force » comme il est aimé « de force » par Dieu. Et cela lui ouvre effectivement une liberté, celle de répondre comme il ou elle le décidera, en devenant ou non disciple du Christ.
Accepter de baptiser les bébés met donc effectivement fin à un chantage à la foi, à la bonne doctrine, à la morale… pour dire la dignité infinie, inconditionnelle de la personne. Même les personnes baptisées adultes sont au bénéfice de ce sens du baptême. C’est pourquoi il me semble juste que quand un adulte demande le baptême cet adulte soit d’abord baptisé, et c’est seulement ensuite qu’il exprime une profession de foi libre et personnelle, comme une réponse à cette grâce première.
Alors que si l’on réserve le baptême aux seules personnes capables de vraiment confesser leur foi en conscience : quel est alors le sens ? Le baptême n’est plus le signe de la grâce de Dieu, mais seulement d’une grâce acceptée. Il y a alors une réserve, une condition : une foi suffisante. Mais nous ne sommes pas Jésus-Christ, notre foi est toujours perfectible, elle connaît des périodes de grande forme et des périodes de refroidissement, comme la santé de noter corps. Si notre foi était à 80% de celle de Jésus-Christ est-ce que cela serait suffisant pour que la grâce nous atteigne et que le baptême soit alors valide ? Et à 79 % ? Et si notre foi évoluait, est-ce que le baptême qui a été donné comme sceau de noter foi à un moment donné de notre vie serait encore valable ? Au contraire, si l’on accepte que le baptême soit donné à un petit enfant qui ne comprend pas encore que Dieu existe (ou qui dieu est en réalité sa maman et son papa), même pour une personne baptisée adulte : les hauts et les bas de sa foi, ses évolutions ne remettront pas en cause ce baptême, cette grâce de Dieu toujours vivante pour nous.
En tout cas, c’est comme cela que nous voyons le sens du baptême. Mais c’est la question avec tout symbole, c’est une question de convenance… D’autres églises peuvent voir les choses différemment et mettre l’accent sur tel ou tel autre aspect de la théologie chrétienne, mettant l’accent soit sur le choix de Dieu, soit sur le choix de l’homme. Certaines églises sacralisent ce geste comme hyper essentiel, Dieu ne pouvant pas sauver la personne sans ce geste humain ? Pour nous, ce geste est au contraire une aide pour mieux faire place à la grâce première de Dieu, qui n’a pas attendu ce geste pour aimer la personne, et qui ne l’aimera pas plus après (il l’aime de toute façon au maximum !-)
Donc, bref, pour répondre (enfin) à votre question : choisissez l’église qui vous convient le mieux. Bien sûr. C’est le plus important. Personnellement je préfère donc, vous l’avez compris, une église qui accepte de baptiser les bébés. Mais à partir de ce moment là, vous pouvez soit baptiser votre enfant bébé, soit ne pas le faire pour le laisser vivre son baptême en conscience quand il sera enfant, ou ado, ou adulte. Comme vous préférez, de toute façon le sens fondamental, à mon avis, de la grâce première et de la foi comme réponse sera bien posé.
En bonnus, cette prière de Kierkegaard qui reprend 1 Jean 4:19 :
ô Dieu, nous parlons de toi
comme si tu ne nous avais aimés le premier
qu’une seule fois, dans le passé.
En réalité, c’est tout au long des jours
et tout au long de la vie,
que tu nous aimes le premier.
Quand nous nous éveillons le matin
et que nous tournons notre âme et notre prière vers toi,
tu nous devances, tu nous as aimés le premier.
Quand je m’écarte des distractions,
et recueille mon âme pour penser à toi,
tu m’aimais déjà, tu es encore le premier.
ô Dieu, à toi va notre gratitude :
ce n’est pas une fois que tu nous as aimés le premier,
c’est à chaque instant de notre vie.
Amitiés
par : pasteur Marc Pernot
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