illustration : un photographie de deux mains humaines tendues l'une vers l'autre, comme dans la peinture de Michel Ange. Image parZhivko Dimitrov de Pixabay
Prière

Le terme « Dieu » donne un contour à une réalité bien plus complexe, plus diffuse et grande ?

Par : pasteur Marc Pernot

illustration : un photographie de deux mains humaines tendues l'une vers l'autre, comme dans la peinture de Michel Ange. Image par Zhivko Dimitrov de Pixabay

Question posée :

Cher pasteur, bonjour,

Voici une question qui me taraude depuis un certain temps et sur laquelle j’aimerais avoir vos réflexions : qui (quoi?) est Dieu?

Dieu est-il un « tu » à qui un « je » s’adresse? Nous prions Dieu comme si nous nous adressons à une personne qui a des oreilles pour écouter ce que nous lui disons. Une personne dotée d’une conscience, qui décide ou non d’exaucer nos prières.

Nous avons ce besoin de conceptualiser et de donner un nom au choses. Mais j’ai l’impression que le terme « Dieu » donne un « contour » à une réalité bien plus complexe, bien plus diffuse et grande. J’ai le sentiment que la manière dont nous concevons la divinité est une simplification qui ne traduit peut être pas l’immensité qui se cache derrière le concept de la divinité.

Au lieu d’être le « tu » à qui « je » m’adresse, Dieu n’est-il pas aussi une entité « intérieure », présente dans chacun de nous. Peut-être au sens du « Saint-Esprit », ou peut-être dans un sens plus large, une dynamique d’évolution, une énergie originelle diffuse dans tout ce qui existe, qui serait en nous, mais aussi à l’extérieur de nous, dans le sens du « Qi » Taoiste ou Bouddhiste.
Peut-être que Dieu aurait pu s’appeler « Nature ». La nature créatrice, nourricière, énergie, protectrice et dévastatrice, elle est aussi « nous », mais elle est aussi infini, espace, galaxie…bref, je m’égare.

Par ailleurs, j’ai le sentiment que la Bible, parfois, humanise Dieu. Dieu peut être jaloux, ou en colère. Mais ces sentiment ne sont il pas trop humains? Pour reprendre mon exercice sémantique, nous n’aurions peut-être pas eu cette tendance à l’anthropomorphisme si Dieu était ‘Nature » car la nature n’est pas jalouse, ni colérique. Elle n’est pas une entité que je peux saisir par la pensée. Elle n’est pas délimitée par le mot qui la définit.

Enfin, cela pose aussi la question de la prière. Car si Dieu n’est pas un « tu », alors comment prier? Et même, à quoi servirait la prière? Elle se ferait peut être plus « méditation », en nous donnant les forces intérieures pour induire les changements que l’on demande habituellement à DIeu.

Voilà, j’espère que je ne vous ai pas trop embrouillé.

Merci de m’avoir lu,

Cordialement,

Réponse d’un pasteur :

Cher Monsieur

Votre question est hyper bien posée, tellement qu’elle porte en elle-même la réponse que je lui aurait donnée.

Dieu est bien évidemment une réalité infiniment complexe (même nous, personne humaine, sommes un être infiniment complexe que l’on ne peut réduire à une simple définition, une seule dimension). Mais il est plus que complexe, il est d’un autre ordre que nous, s’il est effectivement une source transcendante de ce qui existe. Il est donc à la fois une immensité, si l’on peut parler ainsi, et quelque chose qui nous est intérieur (si l’on peut parler ainsi). Et cela pose effectivement question par rapport à notre discours théologique mais aussi pour notre prière.

Mais la réponse que je donnerais à cette remarque rejoint votre « si Dieu n’est pas un « tu », alors comment prier? »

  1. En même temps il est bon de ne pas être dupe de ce que nous faisons quand nous parlons de Dieu comme d’une personne, un peu comme nous sommes nous-mêmes une personne, douée de volonté & de projets, de relations et d’interactions, vivant dans le temps. Dieu est infiniment plus que cela, évidemment, il est la source de ce qui existe de bon, de la possibilité même qu’il y ait de la vie dans l’univers. Il est aussi pour nous l’idéal infini du beau, du bon, du juste, du bien, de l’amour…
  2. En même temps il est plus que très utile non seulement d’utiliser ces images mais de les vivre dans la prière, dans la contemplation et dans la confiance pour dire ce que nous avons sur le cœur. Car cela permet de faire le lien entre cette réalité qu’est Dieu et notre propre existence. S’adresser à Dieu comme à un ami en qui l’on aurait toute confiance.

C’est précisément quand Dieu est ceci (1.) et cela (2.) ensemble, je pense, que nous sommes dans une relation à Dieu féconde.

La Bible n’est pas dupe de cette tension. Mais c’est dans cette tension qu’est le génie de la pensée et de la spiritualité biblique. C’est fondamentalement une théologie de la transcendance absolue de Dieu mais encore de l’incarnation.

  • Sans cesse la transcendance de Dieu est rappelée, en particulier dans ce commandement de ne pas se faire d’image de Dieu. Ce danger ne se limite pas à ceux qui se forgent une statue de veau en or pour avoir un Dieu que l’on peut saisir dans ses mains, et bien maîtriser, bien voir. Cela nous concerne aussi quand nous prenons notre discours sur Dieu, nos doctrines, notre morale et nos « confessions de foi » comme étant sacrés…
  • Et sans cesse, la Bible nous rappelle que Dieu s’incarne dans des gestes de création, mais surtout, en ce qui nous concerne, en nous créant « à son image ». La Parole a été faite chair. Et le cheminement qui nous est proposé n’est pas quelque chose comme un rite, mais simplement de vivre à l’image de ce que Dieu est et vit.

Cette tension entre les deux se retrouve très bien dans de multiples passages de la Bible, par exemple :

  • dans la construction du temple de Jérusalem par Salomon (voir ci-dessous) le texte montre qu’il sait bien que ce serait absurde de penser que Dieu habiterait dans une maison en pierre où qu’elle soit, lui que l’univers entier ne pourrait contenir, mais que néanmoins cette construction pourrait être utile pour aider les personnes à prier, à orienter leur regard.
  • dans le « notre Père » de Jésus, ce Dieu à qui il nous renvoie est un Dieu de l’intime, et non des grands rassemblements, il est le tout proche, là, dans notre chambre, là dans notre cœur, au-dedans de nous, il est comme un Père pour nous, c’est à dire de même nature, de même sang, de même métier, juste un peu plus sage et plus grand que l’enfant que nous sommes ? et pourtant il est « aux cieux », ce qui signifie qu’il est dans un autre espace qui nous est totalement inaccessible.

Donc, à mon avis, il est juste et bon de prier Dieu et de le penser, et de le dire avec toute la naïveté qu’il pourrait sembler y avoir dans le fait de le considérer comme une personne qui nous connaît et qui nous aime, qui nous écoute et qui tient compte de ce que nous lui disons. Car ce n’est pas faut, et c’est très utile d’avoir cette attitude. Mais en même temps il est bon de savoir ce que nous faisons en faisant cela. Que Dieu est infiniment plus et autre qu’un ami. Fondamentalement, c’est là qu’il est essentiel de faire la distinction entre foi et croyances, entre Dieu et notre doctrine sur Dieu, entre la Vérité qu’est le Christ et nos préceptes moraux.

  • Si l’on oublie la transcendance de Dieu, nous prenons le risque de vite tomber dans l’idolâtrie, ou dans sa variante qu’est l’intégrisme et autres fondamentalismes
  • Si l’on oublie l’incarnation, on tombe vite dans une certaine forme d’athéisme, ou Dieu est tellement le tout autre que l’on en vient à ne plus le prier, à ne plus parler de Dieu…

Et c’est un des grands bénéfices de l’œcuménisme, à mon avis. Car déjà en étant en relation avec des croyants sincères qui diffèrent sur leurs rites & croyances met déjà en valeur la transcendance de Dieu, toujours au delà de ce que l’homme peut en dire, et foi qui expérimente l’incarnation. Le catholicisme privilégie peut-être l’incarnation par ses rites et ses doctrines. Le protestantisme privilégie la transcendance de Dieu. De bonnes relations confiantes et respectueuses entre catholiques et protestants ouvre à cette mise en tension féconde, et limite les risques d’exagération dans un sens ou dans l’autre ?

par : Marc Pernot, pasteur à Genève

Si vous voulez, vous pouvez voir aussi, dans le petit dictionnaire de théologie :

 

1 Rois 8:27-30 (Dédicace du temple par Salomon)

Mais quoi! Dieu habiterait-il véritablement sur la terre? Voici, les cieux et les cieux des cieux ne peuvent te contenir: combien moins cette maison que je t’ai bâtie! Toutefois, Eternel, mon Dieu, sois attentif à la prière de ton serviteur et à sa supplication; écoute le cri et la prière que t’adresse aujourd’hui ton serviteur. Que tes yeux soient nuit et jour ouverts sur cette maison, sur le lieu dont tu as dit: Là sera mon nom! Ecoute la prière que ton serviteur fait en ce lieu. Daigne exaucer la supplication de ton serviteur et de ton peuple d’Israël, lorsqu’ils prieront en ce lieu! Exauce du lieu de ta demeure, des cieux, exauce et pardonne!

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